
Cette phrase se trouve dans l'évangile de Jean (8, 58). Attribuée à Jésus, elle vient en conclusion d'un passage où celui-ci essaie d'argumenter qu'il a plus d'autorité, qu'il est plus grand, que Abraham lui-même, celui dont tout juif se dit descendant.
Certaines traductions donnent : "Avant qu'Abraham fut, moi je suis". C'est dommage, déjà parce que dans le texte grec ce n'est pas du verbe εἰμί — être — que Abraham est sujet, mais du verbe γίνομαι, qui signifie "devenir", "survenir", "advenir". On pourrait traduire, dans un sens restreint : "Avant qu'Abraham ne naisse" ; mais l'idée peut être plus générale, parlant de toute l'histoire par laquelle Abraham est devenu ce qu'il est devenu.
La phrase ne compare pas deux notions semblables. On parle d'une part d'un processus de développement et de manifestation, et d'autre part d'une essence. Avant qu'Abraham ne vive sa vie, Jésus est. Jésus ne dit pas qu'il vivait déjà avant Abraham : il vit bien après lui, et il le sait. Jésus ne dit pas non plus que son être ait précédé dans le temps l'être d'Abraham...
Au sens le plus strict, il n'y a en réalité qu'un seul être, aussi éternel que l'univers. Mais une chose est de le concevoir, une autre de le savoir, intérieurement, au point de pouvoir affirmer : avant toute manifestation, moi je suis !