Personne ne monte au ciel qui n'en est d'abord descendu : Nicodème s'inquiète, comment pourrait-il naître de l'esprit ? il ne comprend pas. Nous naissons tous d'abord humainement, de la chair, et c'est d'ailleurs ce qui fait que nous sommes humains ; pour être âne, il faut avoir été engendré par un âne, et pour être un homme, il faut avoir été engendré par un homme, et c'est bien pourquoi, en hébreu, un homme s'appelle un fils d'homme, etc. Mais alors, comment vais-je faire pour naître de l'esprit, dans quelle matrice vais-je devoir entrer maintenant, c'est quoi la matrice de l'esprit dont je vais pouvoir naître esprit ? Voilà la question de Nicodème : comment cela peut-il se produire !
Personne ne monte au ciel qui n'en est d'abord descendu : à strictement parler, nous venons déjà du ciel, il ne s'agit pas de passer par une seconde conception, mais plutôt par une seconde naissance, ce qui n'est pas la même chose. De même qu'entre notre conception charnelle et notre naissance selon la chair il y a eu toute la période intra-utérine, de même depuis cette même conception qui a été aussi une conception spirituelle et jusqu'à cette seconde naissance, celle à l'esprit, à laquelle nous sommes invités, nous sommes aussi dans une sorte de période intra-matricielle. Et comme pour la naissance selon la chair, nous sommes attendus aussi dans le monde de l'esprit, nous sommes couvés, choyés, espérés.
Il est évident qu'on sort ici vraisemblablement de ce que Jésus a pu réellement dire à Nicodème. L'ensemble de ces échanges entre eux est une reconstruction à partir des élaborations théologiques qui ont été faites par la suite par l'évangéliste et sa communauté. Du point de vue de la seule réalité historique, tout au plus peut-on supposer qu'il y a effectivement eu une discussion portant sur ce thème, sans qu'on puisse bien savoir sous quelle forme. Ce qui semble évident, c'est que Jésus se vivait lui-même de cette façon-là, il se ressentait bien comme venant ainsi de l'esprit (et non, seulement de Joseph et Marie), et c'est la raison pour laquelle il parlait de Dieu comme étant son Père. Il me semble qu'il ne peut y avoir aucun doute sur ce point.
L'essentiel est donc bien là, quels que soient les mots précis qu'il a pu utiliser avec Nicodème, tout son ministère a consisté à essayer de témoigner de cette origine qui nous est commune à toutes et tous ; en ce sens, donc, on peut bien dire que quiconque croit en lui a la vie éternelle, y compris si pour croire en lui il aura fallu pour certains qu'il meure sur la croix, en tant que témoignage que notre nature charnelle n'est pas le tout de ce que nous sommes, qu'il y a aussi notre nature spirituelle. Ceci ne signifie pas que ce ne serait que par ce sacrifice que son message pouvait, ni puisse encore, passer. On doit ici absolument écarter toute idée que ce sacrifice ait été indispensable, donc toute idée que le salut (la rédemption) de l'humanité exigeait cette mort !
Si lui l'a fait, c'est parce qu'il y a été amené par les circonstances, et que s'il l'avait refusé il aurait ainsi affaibli la force de son témoignage. Il l'aurait affaiblie, mais il ne l'aurait pas annulée, radicalement disqualifiée, pour autant. Et d'autres, de nombreux autres, que lui, ont témoigné, témoignent, dans de nombreuses traditions spirituelles indépendantes les unes des autres et indépendantes de la tradition abrahamique, de cette même réalité que nous ne sommes pas que chair mais aussi esprit, fondamentalement et l'une et l'autre (et de plus l'une et l'autre ne sont pas non plus antagonistes, comme deux ennemis, comme vu hier...). Et pour tous ces autres témoins, il n'y a aucunement de règle qui les obligerait à aller systématiquement au martyr ! c'est une possibilité, pas une nécessité, bien loin de là.
Agrandissement : Illustration 1
Nicodème lui a répondu et dit
« comment cela peut-il se produire ? »
Jésus lui a répondu et dit
« toi tu es le professeur d'Israël
et tu ne connais pas cela ?
amen ! amen ! je te dis
nous parlons de ce que nous avons compris
et nous témoignons de ce que nous avons vu
et notre témoignage vous ne le recevez pas
je vous ai parlé des choses terrestres
et vous n'avez pas cru
comment croirez-vous
si je vous parle des choses célestes ?
et personne n'est monté au ciel
sinon qui est descendu du ciel
le fils de l'homme
et de même que Moïse a élevé le serpent dans le désert
de même le fils de l'homme doit avoir été élevé
afin que quiconque croit en lui
ait vie éternelle »
(Jean 3, 9-15)