Revoici, en somme, le thème de la seconde naissance, avec quelques nuances : d'une part que les souffrances que peut nécessiter cette venue au monde sont associées aussi à celles de la mère qui enfante ; c'est un peu comme si les souffrances des deux, de la mère et de l'enfant, se trouvaient confondues, un peu comme si nous étions et la mère et l'enfant. De fait, si les disciples vont souffrir, c'est sans doute parce qu'ils n'auraient pas pu faire autrement, ils n'étaient pas capables de sortir de leurs attentes antérieures sans que cela ne soit pour eux un déchirement, et c'est bien ainsi que cela se passe la plupart du temps, même si, il est vrai, que parfois cela arrive à certaines ou certains, sans qu'ils aient seulement rien demandé, apparemment du moins.
D'autre part, la joie de cette seconde naissance, dont le sens de base est celui d'une naissance à l'Esprit, à la présence de Dieu en soi, est ici liée aussi au fait de re-voir Jésus : ceci tient évidemment au contexte dans lequel cela se produit pour ces disciples. Il s'agit des disciples de Jésus, lequel Jésus était déjà passé par cette seconde naissance bien auparavant, lors de son "baptême" par Jean. Ce qu'il se passe donc pour ces disciples, c'est que désormais, après être passés eux aussi par cette même seconde naissance, ils découvrent enfin qui était donc leur maître dont ils sont maintenant devenus des frères ; c'est une toute nouvelle relation qui les unit à partir de ce moment-là, il s'agit d'un voir nouveau entre eux, d'un re-voir très particulier, qui peut d'ailleurs vraisemblablement justifier à lui seul les récits de résurrection.
Oui, peut-être est-ce simplement cela, ces récits qu'ils ont fait de ce re-voir Jésus après sa mort : la découverte de cette dimension dont lui-même vivait et qu'ils n'avaient pas comprise de son vivant, mais à laquelle ils vont accéder, pour leur part, après être passés par tout ce processus de seconde naissance, ce processus qui va leur permettre de dépasser leur deuil, deuil de leurs espérances bien compréhensibles, puisque faisant partie du roman national de leur peuple, mais complètement irréalistes. Nous savons en effet maintenant que cette histoire de terre promise, puis d'esclavage, puis de (re-)conquête, ne sont que de pures légendes, tout au plus basées sur quelques vagues anecdotes, mais parfaitement insignifiantes, sans aucune commune mesure avec la geste qui en est née au fil des veillées et des siècles d'imaginations débridées.
C'est donc à une toute autre réalité qu'ils accèdent, une réalité universelle, celle-ci, même si on regrettera qu'elle ait fini par donner naissance à un autre roman, même si peut-être d'imagination un peu moins débridée celui-ci, mais c'est ainsi, nous sommes faits ainsi, que nous éprouvons toujours le besoin de nous raconter des histoires, mais aussi qu'il n'est pas simple du tout d'expliquer quelque chose d'une réalité qui dépasse nos seules perceptions immédiates, alors même qu'une fois révélée son évidence devient telle qu'on se demande comment on avait pu être à ce point aveugle auparavant...
Agrandissement : Illustration 1
amen ! amen ! je vous dis
vous pleurerez et vous lamenterez
et le monde se réjouira
vous serez affligés vous
mais votre affliction deviendra de la joie
la femme quand elle enfante
a de l'affliction
parce que son heure est venue
mais quand l'enfant est né
elle ne se souvient plus de l'angoisse
à cause de la joie qu'un homme soit né au monde
vous donc aussi
vous avez maintenant bien de l'affliction
mais je vous verrai de nouveau
et vos cœurs se réjouiront
et votre joie personne ne vous l'enlèvera
(Jean 16, 20-22)