Une petite pause de Matthieu, dans son marathon de miracles, pour nous donner ces deux mini-enseignements, ces deux conseils, qui nous parlent tous les deux de la radicalité de la vie à laquelle Jésus appelle celles et ceux qui veulent le suivre : pas de tanière, pas de nid, pas de chez soi, de repère fixe sur lequel s'appuyer, c'est exactement ce dont parle aussi l'évangile de Jean avec ce qu'il appelle la seconde naissance ; on entend la voix de l'Esprit, mais on ne sait ni d'où elle vient ni où elle va, on ne sait pas où elle nous emmène, on la suit seulement, en faisant confiance, sans trop chercher à savoir où on va, et sans non plus vouloir sans cesse regarder en arrière d'où on vient, sans regrets, tant pis pour celles et ceux qui ne nous comprennent plus, qui ne peuvent ou veulent pas suivre, qui ne peuvent ou veulent pas accéder à la vraie vie.
Enterrer son père : pour un Juif, mais dans toute culture aussi, le respect pour ses parents est un impératif moral fort, respect pour ceux qui nous ont permis de venir au monde ; mais si par la suite ils nous empêchent d'accéder à la vraie vie, à la vie de l'Esprit, sans laquelle la vie purement biologique n'a pas de sens, pour nous les êtres humains, alors c'est qu'ils sont, eux, morts, spirituellement parlant, et cela nous n'avons pas à le respecter, nous n'avons pas à nous y soumettre, nous pouvons et devons laisser les morts spirituels "s'enterrer" les uns les autres, ce qui n'est qu'une façon de parler : ils ne s'enterrent pas vraiment, ils sont morts, et quand on est mort on ne peut pas devenir encore pire que mort, on ne peut pas descendre plus bas. En fait, ils sont morts au sens qu'ils ne sont jamais entrés dans la vraie vie, c'est tout, la vie de l'Esprit, et que ce n'est pas en retardant notre propre entrée dans cette vraie vie qu'on les aidera à en faire de même...
S'en aller de l'autre côté, ce n'est donc pas une fuite, mais cela va être un moment de vérité pour le petit nombre qui a déjà décidé de le suivre, et ces deux petites anecdotes sont là pour les en avertir : pour ceux qui ne sont pas encore vraiment décidés, qui ne sont pas sûrs, il faut qu'ils fassent leur choix maintenant, il n'y a pas de demi-mesure possible en cette matière, ou bien on passe par la seconde naissance, ou bien on mourra sans avoir accompli ce pour quoi nous avions reçu la vie.

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puis ayant vu la foule nombreuse autour de lui
Jésus ordonna de s'en aller de l'autre côté
alors un scribe s'est approché et lui a dit
« maître ! je te suivrai où que tu t'en ailles »
Jésus lui dit
« les renards ont des tanières
et les oiseaux du ciel des nids
mais le fils de l'homme
n'a pas où reposer la tête »
puis un autre un des disciples lui a dit
« seigneur ! permets-moi d'abord
d'aller et d'enterrer mon père ! »
mais Jésus lui dit
« suis-moi !
et laisse les morts enterrer leurs morts ! »
(Matthieu 8, 18-22)