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Billet de blog 30 août 2025

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Donné, c'est donné !

Reprendre, c'est voler... Notre existence nous est-elle seulement prêtée pour un temps, après quoi il nous faudra bien la rendre ? ou n'est-elle qu'une illusion qu'il nous faudra dissiper pour nous en libérer ?

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On ne sait pas trop a priori si ces sommes colossales (un "talent" c'est environ vingt ans de smic...) sont données, ou seulement confiées, le mot grec utilisé pouvant avoir les deux sens. Les montants tendent à suggérer que ces huit talents répartis sur ses trois hommes peuvent correspondre à l'ensemble des biens de celui qui, s'en allant au loin, avec tous les risques des longs voyages à l'époque, a voulu prévoir le cas où il ne rentrerait pas chez lui par la suite. Finalement, s'il s'avère donc qu'il soit revenu (après beaucoup de temps : peut-être les trois hommes n'y croyaient-ils même plus...), la scène où chacun vient exposer ce qu'il a fait de son argent, dans à peu près toutes les traductions, ne semble pas non plus nous renseigner bien mieux : est-ce le leur ? est-ce le sien ?

Il "fait les comptes" ? mais littéralement en fait : il "prend parole", il "raisonne", avec eux ! Bien entendu, cet échange de mots concerne ce qu'ils ont fait pendant son absence des sommes qu'ils avaient reçues, mais en aucun cas il n'est question que les hommes "rendent" des comptes, il s'informe simplement. Et de fait, les deux premiers ne parlent pas de lui rendre ce qu'il leur avait confié : ils montrent seulement l'argent qu'ils ont gagné avec, et lui ne parle ni de leur reprendre ce qu'il avait donné ni de leur prendre les sommes gagnées, il les félicite et leur promet de leur donner à l'avenir d'encore plus grandes opportunités. C'est seulement le troisième homme qui, en lui montrant l'unique talent qu'il avait reçu et dont il n'avait rien fait, le lui rend de sa propre initiative avec cette phrase "tu as ce qui est à toi" ! Mais on note finalement que ce talent, revenu à son ancien propriétaire, est alors donné à celui qui "a les dix"...!

Au-delà de l'histoire elle-même, la métaphysique qui s'en dégage est donc celle-ci : tout ce que je suis m'a été donné, m'est donné, me sera donné, y compris d'ailleurs mes capacités à utiliser et faire fructifier ce qui m'est donné. Quelle place alors y a-t-il en moi pour ce concept que j'appelle justement de ce mot, "moi" ? Ce moi est-il juste une illusion, utile dans le cadre de l'évolution, parce qu'elle constitue un atout pour que je m'implique personnellement dans mon existence, et cette illusion alors disparaîtra avec ma mort, comme le soutiennent nombre de neuroscientifiques ? Ou non ? Je crois qu'on est ici au cœur de la différence entre la métaphysique monothéiste héritée de la tradition abrahamique, et la métaphysique notamment extrême-orientale, où le nirvana ou le moksha consiste au contraire à dissiper cette illusion de la distinction du moi d'avec le tout, y compris s'il le faut en passant par les innombrables vies successives nécessaires pour parvenir à cette démystification.

Je me garderai bien de trancher, soupçonnant que la vérité doit tenir des deux options, même si on ne voit pas bien comment les rendre compatibles. Ce qui semble clair, du côté du monothéisme, c'est que s'il y a quelque entité personnelle (un moi) qui puisse exister et subsister éternellement, elle doit cependant se situer entièrement en Dieu : pas question qu'il y ait en elle quoi que ce soit qui lui soit étranger. Comment alors être entièrement de Dieu sans être Dieu lui-même en entier ? Un peu comme les enregistrements holographiques, dont la moindre parcelle contient l'entièreté de l'image, avec cependant plus ou moins de précision selon la taille de ladite parcelle ? pourquoi pas...

Illustration 1

car c'est comme un homme qui partait au loin  et a appelé ses serviteurs
    et il leur a donné ses biens
à l'un il a donné cinq talents et à un autre deux et à un autre un
    à chacun selon sa propre possibilité et il est parti au loin
aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents
    est allé œuvrer avec eux et en a gagné cinq autres
de même celui des deux en a gagné deux autres
mais celui qui en avait reçu un
    est allé creuser la terre et a caché l'argent de son seigneur
et après beaucoup de temps le seigneur de ces serviteurs vient
    et il fait les comptes avec eux
et celui qui avait reçu les cinq talents s'est approché
    et a présenté les cinq autres talents en disant
"seigneur ! tu m'avais donné cinq talents
vois ! j'ai gagné cinq autres talents "
    son seigneur lui a dit
"bien ! serviteur bon et fiable ! tu as été fiable sur peu
je t'établirai sur beaucoup... entre dans la joie de ton seigneur !"
    et celui des deux talents s'est approché aussi et a dit
"seigneur ! tu m'avais donné deux talents
vois ! j'ai gagné deux autres talents "
    son seigneur lui a dit
"bien ! serviteur bon et fiable ! tu as été fiable sur peu
je t'établirai sur beaucoup... entre dans la joie de ton seigneur !"
    et celui qui avait reçu un talent s'est approché aussi et a dit
"seigneur ! je te connaissais comme un homme dur
moissonnant où tu n'as pas semé et amassant d'où tu n'as pas répandu
    et j'ai craint et je suis allé cacher ton talent dans la terre
vois ! tu as ce qui est à toi"
    alors son seigneur répondit en lui disant
"serviteur mauvais et pusillanime ! tu savais
que je moissonne où je n'ai pas semé et amasse d'où je n'ai pas répandu ?
    tu avais alors à placer mon argent chez les banquiers
et à ma venue moi j'aurais recouvré ce qui est à moi avec un intérêt
    enlevez-lui donc le talent et donnez-le à celui qui a les dix talents !
en effet à quiconque a il sera donné et il aura du surplus
mais à qui n'a pas même ce qu'il a lui sera pris
    et le serviteur inutile jetez-le dehors dans la ténèbre extérieure !
    là seront le pleur et le grincement des dents

(Matthieu 25, 14-30)

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