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Billet de blog 7 avril 2025

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Soutiens de Jean-Luc Mélenchon : "FAITES MIEUX !"

Il existe une gauche dans laquelle je ne me reconnais plus : celle portée par Jean-Luc Mélenchon et ses soutiens. Iels s’éloignent, me semble-t-il, de valeurs qui devraient être fondamentales dans notre camp, en refusant d’écouter les inquiétudes de certaines minorités et en adoptant des positions qui flirtent de plus en plus avec un antisémitisme préoccupant.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Voici une question que je ne parviens plus à ignorer :

Comment peut-on encore, aujourd’hui, défendre Jean-Luc Mélenchon, s’engager à ses côtés ou collaborer avec la France Insoumise ?

Il incarne à mes yeux une posture de plus en plus intenable, marquée par des déclarations inacceptables  et trop nombreuses,  jamais corrigées, et un refus obstiné d’entendre les mises en garde. Cette posture, de plus en plus indéniablement, flirte avec un antisémitisme alarmant.

Je ne peux m’empêcher de prendre en compte le fait que Jean-Luc Mélenchon a souvent démontré une grande intelligence, une capacité à exprimer clairement sa pensée. Il revendique lui-même, dans ses prises de parole, un choix des mots et des formulations très réfléchi, sans laisser de place au hasard. Il a également exprimé à plusieurs reprises sa passion pour l’Histoire Ces qualités rendent d’autant plus impardonnable l’antisémitisme dont il peut parfois faire preuve, car il ne peut être excusé comme de simples maladresses ou une méconnaissance de certains sujets.

Il fut un temps où je défendais Jean-Luc Mélenchon avec conviction. Sa clarté, sa culture, sa force rhétorique étaient, pour moi, des repères dans une gauche éparpillée. Mais ces derniers temps, une fissure s’est creusée, jusqu’à devenir fracture.

Désormais, je ne connais personnellement plus aucun·e Juif·ve (qu’iels soient centristes tendance gauche (oui bon), de gauche ou même de l’ultragauche radicale) qui doute encore de l’antisémitisme de Jean-Luc Mélenchon. Et pourtant, nous sommes nombreux·ses à avoir déjà voté pour lui par le passé.
Je sais bien que nous sommes moins d’1 % de la population française et que cela ne représente pas beaucoup de bulletins de vote, mais tout de même :  « Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourons-nous pas ? » ???? Bon, je force un peu le trait... mais l'idée est là.

J’ai toujours pensé qu’il était une obligation morale, lorsque l’on se revendique de gauche, d’écouter les minorités lorsqu’elles se sentent attaquées. D’abord les écouter, puis éventuellement, créer du débat. Et cela, ni Jean-Luc Mélenchon ni les partisan·es ou membres de la France Insoumise n’en sont capables. Iels refusent systématiquement la critique, en assurant que les attaques qui leur sont faites ne sont que des instrumentalisations pour les discréditer politiquement .
Ces attaques malhonnêtes existent, et elles existent beaucoup trop. Mais il n'est pas raisonnable de se cacher systématiquement derrière celles-ci.

Je suis bien obligée d’évoquer ici les collectifs juifs tels que Tsedek! ou l’UJFP, qui soutiennent aveuglément Jean-Luc Mélenchon. Iels sont peu nombreux·ses, et leurs positions ont à de nombreuses reprises été prouvées et reconnues comme particulièrement problématiques.

On observe par ailleurs une proximité notable entre ces collectifs et le média Paroles d’Honneur. Tous partagent des liens étroits avec La France Insoumise, qui les accueille régulièrement, et inversement.

Les membres de Paroles d’Honneur défendent la théorie du philosémitisme d’État, tiennent des discours racialistes et complotistes, affichent une solidarité explicite avec le Hamas et concentrent leur discours de manière obsessionnelle sur Israël.
Parmi les figures de proue de ce média, on retrouve Houria Bouteldja, cofondatrice du PIR, connue pour ses propos antisémites, homophobes et misogynes. Youssef Boussoumah, membre très actif de Paroles d’Honneur, s’est illustré par des déclarations inacceptables à l’égard des juifs et des femmes, et affiche également un soutien assumé au régime de Bachar Al-Assad.
Il en va de même pour Sabrina Waz, dont les prises de position mériteraient également d’être mentionnées.
 Nous assistons à ce glissement avec effroi, celleux-ci deviennent  pour certain·es une référence, là où, jadis c’était Alain Soral qui tenait un parole similaire. 
Les sources détaillées à propos de tout cela sont disponibles en fin de texte.

Je précise que je n’accuse pas ici la France Insoumise en tant que parti politique d’être antisémite, contrairement à d’autres partis qui le sont tout à fait. (Je tiens d'ailleurs à affirmer que, si les circonstances l’exigeaient, je serais prête à voter de nouveau pour Jean-Luc Mélenchon. Il me semble qu'il vaut mieux être Juif·ve avec Jean-Luc Mélenchon au pouvoir que noir·e avec Marine Le Pen comme présidente. Mais cela relève d’un autre débat.)

Je tiens aussi mettre en lumière les positions problématiques de l’actuel président, Emmanuel Macron, illustrées par des actions telles que la quasi-réhabilitation de Philippe Pétain ou Charles Maurras, ou encore la volonté affichée de supprimer les rayons casher dans les supermarchés. En dénonçant Jean-Luc Mélenchon sur cette question, je ne cherche en aucun cas à absoudre d'autres partis politiques, notamment ceux de la droite, et encore moins de l’extrême droite. Leur idéologie, profondément antisémite, s’accompagne de dangers majeurs : racisme,  stigmatisation des étrangers, remise en cause des droits sociaux, démantèlement des solidarités. Aucune alliance ou rapprochement n'est envisageable avec de tels partis, de près ou de loin.

Il faut bien noter que si je critique aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon avec autant de fermeté, ce n’est en aucun cas un reniement de mes convictions de gauche. Bien au contraire. Si Dieu existe, il saurait que j’aimerais ne pas avoir à écrire ce texte. Mais dénoncer les dérives de Jean-Luc Mélenchon, notamment, et surtout, sur la question de l’antisémitisme (mais pas seulement), me semble devenu indispensable. Car rester fidèle aux valeurs fondamentales de la gauche, c’est aussi avoir le courage de la critiquer quand elle s’égare. Et peut-être est-ce ainsi qu’on pourra encore la sauver...

 Face à la menace que représentent les prochaines élections présidentielles et la probable victoire de l'extrême droite, je suis convaincue que Jean-Luc Mélenchon, résolument déterminé à être candidat, constitue aujourd'hui un obstacle au rassemblement du NFP. Il empêche l'union autour d'une candidature commune, qui resterait notre unique et fragile chance de l'emporter. Et le temps presse ! 

Pour revenir à son antisémitisme: là ou celui de Jean-Luc Mélenchon est tout à fait impardonnable, c’est qu’il repose rarement sur une critique de la politique israélienne ou sur une défense des peuples massacrés (voir les exemples en fin de texte).
Son antisémitisme semble davantage s’enraciner dans des préjugés d’origine chrétienne, imprégnés de vieux a priori contre les Juif·ves. D’une certaine manière, ses déclarations peuvent rappeler les propos violents et sexistes qu’il a pu tenir par le passé à l’encontre des femmes portant le hijab, ou le fait qu’il ai contesté l’utilisation du terme «islamophobie», avant même l’émergence du "Printemps républicain".
On pourrait aussi, à ce propos, faire un rapprochement avec ses visions de la géopolitique qui sont quasi systématiquement problématiques et semblent motivées uniquement par un campisme bête et aveugle.
La défense de l’autodétermination des peuples, pour Jean-Luc Mélenchon, semble être une valeur qu’il applique uniquement lorsque cela l’arrange.

Cela étant, il est évident que certain·es membres de La France Insoumise peuvent parfois faire preuve d’antisémitisme (voir ce billet de blog). Ces propos, ou ces dérives, ou formulations problématiques, qu’iels écrivent, disent ou relaient semblent néanmoins presque toujours motivés par leur défense du peuple palestinien, un combat à la fois indispensable et légitime.

Je me demande parfois même si cet antisémitisme n’émerge pas dans leurs discours par inadvertance, dans leur volonté justifié d’attaquer avec virulence la politique israélienne.
Cela n'excuse en rien ces propos, mais je pense qu'il est important de ne pas négliger cet aspect. Quoi qu'il en soit, aucun antisémitisme n'est excusable, et il n'existe pas d'antisémitisme « soft ». Iels sont pleinement responsables de leurs paroles, d'autant plus en tant que personnalités politiques. Toute forme d'antisémitisme ou de xénophobie doit être combattue avec la plus grande fermeté.

Il en revanche crucial de souligner que Jean-Luc Mélenchon n’a jamais jugé nécessaire de relever ou de critiquer ces nombreuses déclarations, parfois clairement antisémites ou, au mieux, douteuses, provenant de membres de son propre parti. En tant que leader de La France Insoumise, son silence est particulièrement éloquent.

Mais encore une fois, gardons-nous de tomber dans le piège qui consisterait à voir de l’antisémitisme dans toute critique du gouvernement israélien, simplement parce qu’elle émane de la France Insoumise.

Ces critiques de la politique israélienne (et de ses soutiens) sont absolument indispensables (et bien trop rares). 

Il est indéniable que la France Insoumise est le parti les plus courageux sur ce terrain. C’est évidemment tout à son honneur. Mais cela ne saurait, en aucun cas, servir d’excuse à quelque forme d’antisémitisme que ce soit.

Je peux également comprendre que des personnalités politiques de gauche choisissent, pour l’instant (du moins je l’espère), de mettre de côté la question de son antisémitisme dans le cadre d’une alliance au sein du Nouveau Front Populaire, afin de préserver l’unité de la gauche. Cela me semble même relever d’une certaine nécessité. Il est également important de noter que certain·es député·es du Nouveau Front Populaire, même si peu nombreux·ses restent attentif·ves aux préoccupations des Juif·ves de gauche et nous écoutent. Nous ne sommes pas totalement seul·es.

Tant que Jean-Luc Mélenchon demeure à la tête de la France Insoumise, il m’est impossible d’accepter l’idée de soutenir quelconque député·e membre de ce parti. Aucun combat politique, aussi essentiel soit-il, ne devrait justifier de fermer les yeux sur l’antisémitisme, (comme sur le racisme ou la xénophobie, ou d'autres discriminations encore). Et pourtant, c’est le programme politique de la FI que je trouve le plus juste. Quel gâchis.

Jean-Luc Mélenchon devrait tenir sa promesse et se retirer, comme il l’avait annoncé après sa défaite lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2022. (Il nous a fait le coup de la "tournée d’adieu" qui revient chaque année, façon Indochine. Un vrai classique, finalement !) "Faites mieux !", avait il alors déclaré à celleux qui lui succèderaient.

Voir des gens tant aveuglé·es par leur admiration pour lui, prêt·es à le suivre dans sa stratégie qui voudrait faire tomber Emmanuel Macron, pour avoir déjà l’occasion de se présenter dans une élection présidentielle face au RN et évidemment offrir la victoire à nos ennemi·es m'inquiète profondément. Quelle folie !

Il est encore temps qu’il cède la place pour permettre l’émergence d’un nouveau visage de la gauche, capable, je l’espère, de rassembler et de battre la droite. Car Jean-Luc Mélenchon ne rassemble plus, c’est indéniable.

La sacralisation de Jean-Luc Mélenchon, le refus du débat, les œillères face à ses défauts, l’agressivité envers toute critique : tout cela me semble si loin des principes de la gauche et des réflexions qu’un camp progressiste devrait porter aujourd’hui.

L’adoration d’un homme que certain·es considèrent comme irremplaçable contredit l’idéal d’émancipation collective, la liberté de critique, le débat, la souveraineté populaire.

Et surtout ; la défense d’une politique matérialiste et pragmatique ne peut pas tout justifier. Penser le contraire, c’est ouvrir la boîte de Pandore à toutes les dérives.

On dit souvent que le doute est au cœur de la tradition juive.
 (Il existe une blague : deux Juif·ves, une question… trois opinions !)
Mais cette fois : je ne doute plus : Jean-Luc Mélenchon a un problème avec l'antisémitisme. 

Nous sommes des militant·es de gauche, pleinement engagé·es dans les luttes que cela implique : contre le racisme, l’islamophobie, les violences policières, les politiques coloniales et impérialistes. Nous sommes sans ambiguïté aux côtés du peuple palestinien, et nous agissons en ce sens, chaque fois que cela nous est possible.

Benjamin Netanyahou, son gouvernement, son idéologie, le racisme qui la traverse, les colonies, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés par son armée : tout cela nous est évidemment profondément intolérable.

Être parfois renvoyé·es à ce personnage et à son idéologie, comme si nous pouvions en être complices, c’est d'une violence terrible.

Quand quelque chose nous choque, nous attriste, nous blesse dans notre judéité, c’est à raison.
 Nous n’inventons rien.


Nous ne regardons pas CNews. Nous ne lisons pas Rivarol.

Nous ne sommes manipulé·es par aucun média, par aucun pouvoir politique.

Car en tant que juive profondément attachée aux valeurs de la gauche, je ressens une très grande inquiétude.

Et encore une fois : c’est avec tristesse, avec douleur, même, que je constate et dénonce tout cela.

Je tiens aussi à exprimer ma profonde gratitude et mon respect envers les politicien·nes (dont beaucoup ayant quitté la France Insoumise) qui se montrent présent·es à nos côtés lorsque cela est possible, même si iels restent discret·es.
Je remercie ausi les militant·es et collectifs de gauche tels que le RAAR, les JJR ou Golem, pour leur travail indispensable dans la lutte contre l’antisémitisme, même si j'ai rarement, mais parfois, des réserves sur certaines de leurs positions.

Malgré le silence et l’indifférence décourageants de celleux qui devraient être nos allié·es, le combat indispensable que nous menons finira par porter ses fruits. En attendant, il permet à beaucoup de se sentir moins seul·es face à l’absurdité désolante de la situation, ce qui est loin d’être négligeable.       

Haut les cœurs ! 


Voici quelques exemples de déclarations de Jean-Luc Mélenchon ( parmi tant d’autres) qui me semblent aujourd’hui indéniablement problématiques, tant par leur contenu que par leur récurrence.

En 2013 - Soutien à Jeremy Corbyn. 

Jean-Luc Mélenchon a publiquement soutenu Jeremy Corbyn, ancien leader du Parti travailliste britannique, même lorsque celui-ci faisait face à des accusations d’antisémitisme largement considérées comme fondées, y compris par de nombreux·ses membres de son propre parti. Refuser de nuancer ce soutient ou de condamner les actes en question, révèle une inquiétante indulgence envers des comportements qui auraient dû susciter une prise de distance claire et sans ambiguïté.

Plus troublant encore, Jean-Luc Mélenchon a laissé entendre que le grand rabbin d’Angleterre et l’influence du Likoud israélien auraient contribué à la défaite de Jeremy Corbyn. Une telle insinuation, sans fondement avéré, flirte avec des clichés antisémites classiques sur une supposée influence juive dans les affaires politiques.

Il est important de noter que lors des élections générales britanniques, Boris Johnson a battu Jeremy Corbyn de plus de 3 millions de voix. Cela impliquerait un lobby Juif assez incroyablement présent en Angleterre !

En octobre 2020, Jeremy Corbyn a été mis de côté de son parti, après la publication du rapport de la Commission des droits de l'homme (EHRC) sur l'antisémitisme au sein du Parti travailliste. Le rapport a conclu que le Parti travailliste avait enfreint les lois sur la discrimination en raison de sa gestion des accusations d'antisémitisme pendant la période où Jeremy Corbyn était leader.

En septembre 2018 - Déclarations sur les accusations d’antisémitisme.


Après des accusations d'antisémitisme, Jean-Luc Mélenchon écrivait sur son blog :« En général, quand une campagne électorale voit un homme de gauche être traité d’antisémite, c’est qu’il n’est pas loin du pouvoir. »

Ici, en plus de faire preuve de complotisme, Jean-Luc Mélenchon banalise et décrédibilise les accusations d’antisémitisme, les présentant comme un outil systématique de déstabilisation des forces de gauche. Comment peut-on concevoir, et encore moins accepter, qu’un homme de gauche affiche un mépris total face à des accusations de xénophobie ? Même si, comme je l’ai mentionné précédemment, ces accusations sont souvent fausses et instrumentalisées, les nier en bloc de manière aussi délibérée, cela est inexcusable, dangereux et particulièrement préoccupant pour les Juif·ves qui, souvent, dénoncent un antisémitisme de manière sincère. Et il est très important de souligner que critiquer notre propre camp politique n’est jamais une démarche facile ou agréable pour nous. Des accusations aussi graves, surtout lorsqu'elles semblent justifiées aux yeux de beaucoup, méritent une défense bien plus respectueuse que celle que Jean-Luc Mélenchon a adoptée ici. Sa réaction n'était d'ailleurs pas véritablement une défense, mais plutôt une riposte, une attaque en retour face aux accusations portées contre lui.

Face aux critiques, Mélenchon n’a pas présenté d’excuses et n'a pas retiré ses propos.

En juillet 2020 -Propos sur Jésus et les Juif·ves
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Lors d’une interview sur BFM TV, Jean-Luc Mélenchon a été interrogé sur une analogie entre les forces de l’ordre et Jésus sur la croix. Il a répondu :
« Je ne sais pas si Jésus était sur la croix, je sais qui l'y a mis, paraît-il que ce sont ses propres compatriotes. »

Cette déclaration reprend un stéréotype antisémite majeur, utilisé depuis plus de 2000 ans pour accuser les Juif·ves d’avoir tué Jésus, un préjugé qui très souvent servi de justification à des persécutions violentes envers les Juif·ves à travers l’histoire.

Il est historiquement établi et reconnu par tous·tes les spécialistes que les Juif·ve·s ne furent pas responsables de la crucifixion de Jésus. Cette interprétation erronée des évangiles a été largement discréditée et dénoncée comme une manipulation idéologique.

La position officielle de l'Église catholique, depuis le concile Vatican II, est claire : Jésus a été crucifié par les autorités romaines de l'époque, et non par les Juif·ves.

En reprenant un tel cliché, désormais obsolète et rejeté par la croyance moderne, Jean-Luc Mélenchon alimente un discours dangereux et historiquement faux, ce qui est inacceptable pour une figure politique de son envergure.

Face aux nombreuses critiques, venues de tous horizons, Jean-Luc Mélenchon n’a pas présenté d’excuses. Il s’est contenté de nier toute intention antisémite.

Le 6 juin 2021 - Propos complotistes sur Mohamed Merah. 

Lors d'un entretien sur France Inter, Jean-Luc Melenchon a évoqué un scénario qu'il anticipait pour la dernière semaine de la campagne, en lien avec la montée de la violence politique et des événements tragiques. Ainsi, il a déclaré :
« Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre. Cela a été Merah en 2012. [...] »

En évoquant Mohamed Merah, auteur de la tuerie devant le collège Juif Ozar Hatorah à Toulouse, qui a fait quatre mort·es Juif·ves, Jean-Luc Mélenchon s’inscrit ici dans une rhétorique complotiste en suggérant que cet événement aurait été orchestré ou instrumentalisé à des fins politiques. Cette déclaration remet en cause la version officielle de cette attaque et, pire encore, minimise et détourne l'attention du caractère fondamentalement antisémite de cet acte criminel.

Si cette déclaration n’est pas directement antisémite, elle reste indigne d’un responsable politique en raison de son complotisme alarmant. Mais surtout, elle témoigne également d’un profond mépris envers les Juif·ves français·es, durement éprouvé·es par cet attentat. En de tels moments, iels attendent avant tout un soutien clair et sans ambiguïté, surtout de la part d’un leader de gauche

Face aux critiques, Jean-Luc Melenchon n'a pas fait marche arrière et n'a présenté aucune excuse.

En octobre 2021 - Propos sur Éric Zemmour. 

Sur le plateau de BFM TV, Jean-Luc Mélenchon a déclaré :
« Monsieur Zemmour ne doit pas être antisémite parce qu’il reproduit beaucoup de schémas culturels : on ne change rien, on ne bouge pas, la créolisation mon dieu quelle horreur ! Tout cela relève de traditions étroitement liées au judaïsme. Cela a ses mérites, cela lui a permis de survivre à travers l’histoire. Donc je ne pense pas qu’il soit antisémite. ».  

Difficile de ne pas voir le problème ici… L'argument de Jean-Luc Mélenchon repose sur une essentialisation négative des Juif·ves, une caricature grotesque qui ne peut être perçue que comme antisémite.

Comme on a pu le constater jusqu’ici, Jean-Luc Mélenchon reconnaît rarement ses erreurs. Pourtant, deux jours après sa déclaration et face aux très nombreuses accusations d’antisémitisme, il admet s’être "mal exprimé". Toutefois, il n'a présenté aucune excuse.

Le 12 novembre 2023 - Refus de participer à une marche contre l’antisémitisme.

Un mois après les attaques du Hamas du 7 octobre, Jean-Luc Mélenchon a refusé de participer à une marche contre l’antisémitisme organisée à Paris. Cette marche, bien qu’initiée par Yaël Braun-Pivet et à laquelle le Rassemblement National avait annoncé sa participation, était dite apolitique. Refuser d'y participer est tout à fait entendable. Mais sur X, Jean-Luc Mélenchon a écrit :
« Les amis du soutien inconditionnel au massacre ont leur rendez-vous. »

Cette déclaration inutile et si peu nuancée sur le refus de participer à la marche, repose sur des bases infondées. Elle établit un amalgame inacceptable entre les Juif·ves participant·es à cette mobilisation pour exprimer une inquiétude légitime et les soutiens de la politique meurtrière de Netanyahou.

En les désignant ainsi, Jean-Luc Mélenchon leur attribue, sans preuve, des opinions d’extrême droite et les présente comme des soutiens inconditionnels à Israël. Ce faisant, il ne se contente pas de les caricaturer, ou même de les insulter. Il les expose également à un réel danger.

Le même jour, La France Insoumise a tenu un rassemblement alternatif au square des Martyrs Juifs du Vélodrome d’Hiver. Cette initiative, loin de renforcer la lutte contre l’antisémitisme, semble instrumentaliser cette cause à des fins politiques. Dans un contexte aussi une telle posture politique est indécente.

En mai 2024 - Attaques contre Jérôme Guedj.

Jean-Luc Mélenchon a qualifié Jérôme Guedj, député Juif du Parti Socialiste, de :
« Lâche de cette variété humaine que l’on connaît tous, les délateurs, ceux qui aiment aller susurrer à l’oreille du maître. »
Il a également déclaré :
« L’intéressant est de le voir s’agiter autour du piquet où le retient la laisse de ses adhésions. » et l'a condamné d'avoir "renié les principes les plus constants de la gauche du judaïsme en France", alors que Jerome Guedj n'avait jamais évoqué publiquement sa judéité. 
Jérôme Guedj a répondu en affirmant :
« Il n’y a plus d’ambiguïté : c’est une attaque liée à ma judéité. Jamais un dirigeant, même d’extrême droite, n’a suggéré que mes prises de position pouvaient être interprétées à travers le prisme de ma religion. »

Ces propos de Jean-Luc Mélenchon, au-delà de leur violence personnelle, participent activement à un discours qui stigmatise et essentialise un député en fonction de sa judéité. Nous y retrouvons l'idée de la "double allégeance", concept aujourd'hui si cher au Rassemblement National.

Jean-Luc Mélenchon n'a pas fait marche arrière ni présenté d'excuses après ces attaques.

Le 2 juin 2024 - Déni de l’augmentation de l’antisémitisme

Dans une note de blog, Jean-Luc Mélenchon écrivait :
« Contrairement à ce que dit la propagande de l’officialité, l’antisémitisme reste résiduel en France. Il est en tout cas totalement absent des rassemblements populaires. »

Ces propos sont non seulement faux, mais irresponsables. Les chiffres du ministère de l’Intérieur montrent que les actes antisémites ont quadruplé en 2023, passant de 436 en 2022 à 1 676 en 2023. Sandrine Rousseau a d’ailleurs répondu :
« L’antisémitisme n’est pas résiduel, il explose. »
Olivier Faure a dénoncé une « dérive incompréhensible ».

En affirmant que l’antisémitisme est "résiduel" et absent des rassemblements populaires, Mélenchon nie une réalité documentée et minimise un phénomène en pleine recrudescence, contribuant ainsi à banaliser une menace grave qui pèse sur les Juif·ves en France.

Le sens du mot "résiduel" est clair et sans équivoque. En français, il désigne ce qui subsiste à l’état de trace, ce qui est marginal ou peu significatif. C’est ainsi qu’il est systématiquement employé. De plus, la seconde partie de sa déclaration confirme qu’il l’utilisait bien dans le sens de peu présent.

Il n'a pas présenté d'excuses ni retiré ses propos.

Le 23 août 2024 Révisionnisme et comparaison entre la Shoah et Gaza
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Lors des universités d’été de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon a comparé la Shoah aux horreurs actuelles à Gaza, déclarant :
« Chaque guerre reprend le pire de la précédente […] Il y a eu la Shoah pendant la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire le massacre d’une population désignée à cause de sa religion. Et maintenant, voici que nous arrivons [à Gaza] au génocide ethnicide : une population qui a un endroit doit être rayée de la carte. »

Cette déclaration relève d’un révisionnisme qui minimise et nie la spécificité historique de la Shoah qui ne fut non pas un simple massacre, mais un génocide planifié visant l’éradication totale des juif·ves, quelle que soit leur origine et indépendamment de leur pratique religieuse (ce que Jean-Luc Mélenchon ne peut évidemment ignorer).

Qualifier la Shoah de massacre relifieux, et les événements à Gaza de "génocide éthnicide" est donc à la fois historiquement faux et politiquement irresponsable (même si des inquiétudes légitimes peuvent exister quant à un possible génocide à Gaza).
De plus, en affirmant que "chaque guerre reprend le pire de la précédente", Jean-Luc Mélenchon insinue que le conflit à Gaza serait pire que la Seconde Guerre mondiale (qui, entre autres, a entraîné l’assassinat de près de six millions de juif·ves). Une telle comparaison dépasse largement le cadre d’une dénonciation de la situation en Palestine. Elle ne fait qu’attiser les tensions en alimentant une concurrence victimaire stérile et injustifiée.

Et encore une fois, Jean-Luc Mélenchon n'est pas revenu sur ses propos ni n'a présenté d'excuses.

À ce propos, il est arrivé bien trop souvent que Jean-Luc Mélenchon évoque la religion dès qu’il est question de judéité, comme si cela était exactement la même chose. Il sait pourtant très bien, qu’être Juif n’implique en rien d’être religieux. Cette confusion n’a, selon moi, rien d’innocent et elle est délibérée de sa part. Chercherait-il à faire passer l’antisémitisme pour une simple forme d’anti-religion ? Une accusation perçue comme moins grave, plus acceptable, pour lui comme pour beaucoup d'autres.  Ce glissement contribue une fois de plus à minimiser la réalité de l’antisémitisme.

À ce propos, tout le monde se souvient de l’épisode troublant autour de Pierre Moscovici. En 2013, Jean-Luc Mélenchon le qualifiait d’homme qui « ne pense plus en français, qui pense dans la langue de la finance internationale ». On peut admettre que cette attaque (qui évoque de vieux clichés antisémites) n’avait pas d’intention explicite.

Mais comment expliquer que Jean-Luc Melenchon ait cru bon de se défendre en affirmant : « J’ignorais quelle était la religion de Pierre Moscovici » ?!! En quoi parler de religion était il ici pertinent ? Cette confusion entre judéité et appartenance religieuse n'est pas inconnue de Jean-Luc Melenchon. Il est trop cultivé pour l'ignorer et est pleinement responsable de ses prises de parole. À quoi joue t-il ?...

Le 24 août 2024 - Réaction à l'attaque contre une synagogue
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À la suite de l’incendie criminel contre la synagogue de La Grande-Motte, Jean-Luc Mélenchon publie sur X :
« Incendie criminel contre la synagogue de La Grande-Motte. Intolérable crime. Pensées pour les fidèles et les croyants ainsi agressés. La laïcité et la liberté de conscience est fille de la liberté des cultes. Nous ne l’oublions jamais. »

Dans ce message, il évite soigneusement de mentionner le caractère antisémite de cet attentat, réduisant l’événement à une atteinte à la laïcité et à la liberté de conscience, sans même employer les mot « juif » ou "antisémitisme". Encore une fois, cette étrange réticence de Jean-Luc Mélenchon à reconnaître et nommer l’antisémitisme en France pose question et ne saurait être anodine. En cas d’attentat, la grande majorité des juif·ves attendent un hommage explicite à la hauteur de leur inquiétude légitime. Il incombe à une personnalité politique de répondre à cette attente, et s’y soustraire relève d’une attitude pour le moins suspecte. Que penserait-on si, après une attaque contre une mosquée, Jordan Bardella publiait un message sans mentionner les mots « musulman » ou « racisme », ou « islamophobie »  ?

Le 25 fevrier 2025 - La France, Bardella, et les juif·ves.

En février 2025, suite au refoulement de la députée européenne Rima Hassan par les autorités israéliennes, Jean-Luc Mélenchon a publié un message sur X déclarant :
"La France, Bardella et la diaspora doivent protester en solidarité des Français pour les représentants de leur pays quand ils sont maltraités."
Par définition, la diaspora renvoie aux Juif·ves vivant en France.
Ce post est hautement problématique. En évoquant "la diaspora" de manière isolée, Jean-Luc Mélenchon distingue les Juif·ves français·es du reste des citoyen·nes. Il suggère ainsi qu'iels ne seraient pas pleinement Français·es, voire qu'iels n’appartiendraient pas vraiment à la nation. Pire : il leur intime de se désolidariser du gouvernement israélien, comme s’il leur incombait de prouver leur loyauté envers les Français·es quand ceux·celles-ci sont maltraité·es.
C’est une manière insidieuse de mettre en doute leur appartenance nationale, et de raviver avec immondice le vieux soupçon de double loyauté.

···

Que penserait-on de toutes ces déclarations si celles-ci provenaient d’un·e personnalité politique de droite ou d’extrême droite ?

Il est sidérant, voire révoltant, de constater à quel point le fondateur de La France Insoumise accumule maladresses, approximations et insultes lorsqu’il aborde des sujets liés aux Juif·ves ou à l’antisémitisme. Cela trahit soit une négligence inadmissible, soit un mépris glaçant pour ces enjeux, soit, pire encore, un antisémitisme intolérable.

Il est tout aussi troublant de constater son refus systématique de reconnaître ses erreurs ou de présenter des excuses. Or, assumer ses fautes, mettre son ego de côté, écouter, discuter, chercher à comprendre : cela devrait précisément être le réflexe d’un homme politique se réclamant d’une gauche de rupture.

Alors, si les Juif·ves ne sont pas ces paranoïaques manipulateur·ices que certain·es fantasment, peut-être serait-il temps, enfin, d’écouter nos voix

Et si cela est possible… pas seulement chez Pascal Praud ou Cyril Hanouna !

Allez !

La balle est dans votre camp !!!!!

Ansa Bedinger

Illustration 1

    Sources :

    À propos de Tsedek, de l'UJFP et de Paroles d'Honneur :

Tsedek!, UJFP : Les « Juifs d’exception » comme bouclier, par Jonas Pardo et Samuel Delor.
Des Juifs « innocents » ou la caution juive des antisémites, par Brigitte Stora.

 Tsedek - Neturei Karta, les Juifs préférés des antisémites, par Elisheva Gottfarstein 
La “preuve par la Palestine”, analyse d’une théorie antisémite banalisée, par Sender Vizel               

Mise au point à propos de Tsedek, par R. Hirsch, B. Stora, L. Leschi, S. Delor et J. Pardo. 
Une indigène au visage pâle, par Yvan Segré
La dérive identitaire de Houria Bouteldja, par Clément Ghys
Bouteldja « une sœur » qui vous veut du bien, par Lala Mliha 2
Bouteldja, ses "soeurs" et nous, par Mélusine 2

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