Le législateur a limité les interdictions d’usage de l’image d’un tiers à la sphère privée. Il a ainsi introduit dans le Code pénal un article 226-1 protégeant notre image captée dans ces conditions. Par défaut, ce texte laisse libre l’usage des images transmises ou enregistrées dans ce que nous pourrions appeler une « sphère publique ». Les images, films et photographies pris à l’occasion d’événements « publics » échappaient donc aux interdictions, et la presse était habilitée à rendre compte par images du déroulement de l’événement concerné sans autres restrictions que celles prévues par la loi sur la presse de 1881. Le gouvernement, par ailleurs, prendra en considération ce que son ministre de l’Intérieur nommera les « violences policières ». Certes, les dérapages policiers – sans être la règle – se sont malheureusement multipliés ces dernières années. C’est un fait. Les comptes rendus en images de ces incidents par la presse contribuent bien sûr à monter en épingle lesdits incidents. Mais ils contribuent aussi à la découverte des circonstances réelles des confrontations et à établir la vérité
UN ARTICLE 24 QUI INTERDIT LE DROIT DE FILMER
Parallèlement, plusieurs policiers étaient victimes, à la suite de la diffusion de leur image par divers médias, essentiellement par le biais d’Internet, d’attaques brutales qui leur furent fatales. Sans doute sujet à des pressions syndicales extérieures, mais aussi par idéologie, et soucieux d’éliminer ces images gênantes prises lors de manifestations, le gouvernement s’appuyait sur ces cas d’agressions pour, dans le but de protéger l’intégrité physique des policiers et gendarmes, interdire purement et simplement la captation de leur image en action, singulièrement au cours de manifestations.
S’appuyant sur une Assemblée aux ordres, il tentait donc d’introduire dans un texte intitulé cyniquement « Loi pour une sécurité globale préservant les libertés » un article 24 portant interdiction pure et simple pour les médias de filmer les policiers ou gendarmes à l’occasion d’événements publics. Une peine de 45 000 € et un an de prison visait les contreve- nants. Cela revenait à interdire aux vecteurs d’information de rendre compte de façon intelligible d’une manifestation, bref, à nier une liberté essentielle : celle de la presse.
DE FORTES RÉACTIONS
Le texte était donc modifié à la marge par l’Assemblée natio- nale puis par le Sénat. Une loi finalement adoucie était votée et introduite dans le Code pénal à l’article 226-16-2. Cette loi vise dorénavant à sanctionner le traitement de données à caractère personnel concernant les fonctionnaires ou les personnes chargées d’une mission de service public en raison de leur qualité, en conservant les limites de la Loi informatique et libertés du 6 janvier 1978.
Ce nouveau texte édulcoré a davantage pour souci de prendre en compte les abus constatés sur les réseaux dits « sociaux », et d’éviter les abus qui ont abouti aux drames que l’on connaît. Une nouvelle fois, il nous faut constater que le gouvernement et sa majorité de députés, qu’en d’autres temps on aurait qualifiés de « godillots », ont derechef réagi de façon irrationnelle, sous le coup de l’émotion, et uniquement par des textes répressifs, pour ne pas dire liberticides. Depuis 2012, date de création du « Code de la sécurité intérieure » et sous prétexte de lutte contre le terrorisme, on constate que les textes limitant les libertés fondamentales se sont multipliés.
Il serait temps qu’avant d’en revenir à un absolutisme qui n’est plus de saison, nos gouvernants se reprennent et se souviennent que nous vivons dans une république dont le premier des trois mots de la devise est « liberté »
Anthony Caillé, UD de Paris