L’article « NuitDebout : 6 arguments libertaires contre l’exclusion » se veut un argumentaire à l’usage des militants d’extrême droite qui tentent d’infiltrer le mouvement Nuit Debout et se heurtent à des mesures d’expulsion. Il est bon de connaître cet argumentaire qui est en fait un guide pour troller aussi bien Nuit Debout que les mouvements citoyens. C’est pour cela que nous reproduisons cette prose accompagnée de quelques commentaires pour démonter ce qui se présente comme « libertaire » et est en fait un guide de trollage, un plaidoyer pour l’acceptation des mouvements d’extrême droite dans Nuit Debout comme dans les mouvements citoyens. Cet argumentaire contre l’exclusion de l’extrême droite vise à semer la confusion entre les actions de la gauche radicale et des mouvements citoyens d’une part, et les manipulations confusionnistes de l’extrême droite plus ou moins masquée, d’autre part.
Son auteur, qui signe Anthony Reveur, est un compagnon de route de Chouard. Pour cerner un peu mieux ce personnage, on peut consulter le blog Mediapart de Serge Victor qui a publié le 21 avril 2015 un billet intitulé « Confidences et mises en garde d’un ex-lieutenant d’Étienne Chouard ». Serge Victor voit dans ce récit la confirmation de « la collusion d'Etienne Chouard et de ses "Gentils Virus" (GV) avec des groupes d'extrême-droite parmi les plus dangereux, et les tentatives d'infiltration et de déstabilisation des partisans de Chouard au sein de la gauche radicale (PG, FdG et surtout m6r) ». Anthony Rêveur est cité dans les termes suivants dans le témoignage qui s’adresse au philosophe Yannis Youlountas :« Méfie-toi d’un GV en particulier sur face de bouc. Il se fait appeler Anthony rêveur. Tu ne le connais pas, mais lui te connait bien. Il n’est pas dans tes amis, mais d’autres le sont pour lui. C’est un des GV les plus proches d’Etienne. Il est tout sauf un ange, contrairement à son avatar (un angelot). Si tu vas voir, tu remarqueras peut-être dans ses amis les gens d’Égalité et Réconciliation, Étienne et surtout ceux qui sont les anciennes et prochaines cibles : Gabriel Rabhi, Kruger, Bellon, Jennar. C’est comme ça que ça fonctionne : on contamine au niveau des idées mais aussi en créant du réseau, des liens qui vont d’un bout à l’autre et qui finissent par faire tomber les barrières. »
Sur son blog, AR précise qu’il « s’inspire du travail de nombreux blogueurs et auteurs contemporains dont je pioche un grand nombre de ressources intellectuelles et informationnelles, à savoir par ordre alphabétique : François Asselineau, Sylvain Baron, Aurélien Bernier, Olivier Berruyer, Jean Bricmont, Étienne Chouard, Francis Cousin, Michel Collon, Franck Lepage, Frédéric Lordon, Jacques Sapir, Alain Soral, Hedi Taleb… ainsi que de nombreux autres dissidents de la folie politique, médiatique et économique ambiante ». C’est une illustration de la tentative de réunir la gauche radicale et l’extrême droite, la marque des mouvements confusionnistes.
Ces éléments éclairent la logique de l’article daté du mardi 19 avril 2016 que signe Antoine Rêveur. Le voici dans son intégralité pour mieux en mesurer la tentative de manipulation.
« Du blogueur Sylvain Baron à Paris à Étienne Chouard à Marseille, en passant par deux militants FN « partisans de la démocratie directe » à Chambéry ou des adhérents d’Égalité & Réconciliation à Lyon, les menaces d’exclusion voire les exclusions tout court font bon train à Nuit Debout.
Voici six arguments contre ce type d’exclusion pour lancer le débat aux Nuits Debouts par chez vous.
1- La censure est l’arme du fascisme.
Le fascisme est une doctrine qui a notamment pour caractéristique d’exclure physiquement des individus sur la base de leur opinion. Par conséquent, exclure physiquement autrui sur la base de son opinion revient à se rendre fasciste à son tour en utilisant la même méthode qu’eux et surtout POUR LA MÊME RAISON – à cause de ce qu’il pense ou avec qui il peut s’inspirer ou échanger.
2- L’expression d’une opinion est à distinguer de l’acte.
La majorité des personnes désignées comme « fascistes » aux Nuits Debouts n’ont en réalité jamais été violents dans leurs actes. Il est nécessaire de dissocier les actions des paroles, parce que sinon on rentre dans un flou dont il est difficile de sortir sans entraver la liberté d’autrui et de créer à son tour une injustice.
3- Dans un état de droit, Nuit Debout est public.
Les Nuits Debouts prennent place dans l’espace public. Personne n’est donc légitime pour priver quiconque de l’accès à cet espace, ou à la parole au sein de ce lieu.
4- Le débat public et contradictoire est un moyen d’éducation populaire.
Pourquoi avoir peur d’une opinion contraire à la nôtre ? Empêcher quelqu’un de s’exprimer parce que son opinion est différente, voire choquante pour nous, est une insulte à notre esprit critique. Il n’y a pas d’aveu de faiblesse à avoir, nous sommes adultes, c’est-à-dire être assez murs nous pour ne pas nous laisser embrigader par un discours de rejet ou de haine envers autrui, personne ou groupe.
5- Le danger : essentialiser l’adversaire.
Ce n’est pas en excluant ceux que l’on considère comme « méchants » ou « dangereux » pour leurs opinions que leurs positions évolueront positivement. Au contraire, le sentiment de persécution les renforce et leur donne une légitimité par elle-même « si on me censure c’est que je dis vrai ! ».
6- Quatre étapes préalables à l’exclusion.
Quand bien même ces 5 arguments ne vous ont pas convaincu, il faudrait que les censeurs :
a) définissent le fascisme : choisir arbitrairement ceux qu’on désigne comme fascistes nécessite une définition rigoureuse et employant des critères bien précis. ;
b) donnent des preuves de ce qu’ils avancent ;
c) laissent la personne accusée se défendre publiquement ;
d) n’exercent aucune pression ou menace sur la personne incriminée pendant qu’elle défende ses droits. »
On le voit, Anthony Rêveur se veut un maître de la rhétorique, mais ses arguments sont faussement pertinents. Observons tout d’abord qu’il prend la défense d’un groupe de personnes comprenant Sylvain Baron, Etienne Chouard et des membres du Front national et d’Égalité et réconciliation (d’Alain Soral). L’argumentation trollesque est destinée à banaliser et légitimer l’idée que cette mouvance d’extrême droite a sa place parmi les acteurs de Nuit Debout et des mouvements citoyens.
1. Dans un raccourci saisissant, AR prétend que « la censure est l’arme du fascisme », feignant d’oublier que la censure des propos antisémites, négationnistes et xénophobes et l’exclusion de personnes qui tolèrent ces propos n’est pas une mesure fasciste, mais bien un dispositif destiné à contrer l’idéologie d’extrême droite avec laquelle Nuit Debout et les mouvements citoyens n’ont rien en commun.
Il existe des limites légales à la liberté d’expression punissant comme des délits certains propos incitant à la discrimination ou à un sentiment de haine et tout ce qui tend à minimiser, excuser ou contester un crime contre l’humanité ou un génocide. Ces limites sont la marque des démocraties.
2. La distinction entre l’opinion et l’acte est oiseuse. L’incitation à la haine est souvent plus responsable d’actes violents que leurs exécutants. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la pressepunit « comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet ».
3. Nuit Debout se passe certes dans des lieux publics, ce n’est pas pour cela qu’on est obligé de discuter avec tous. Les manifestations se tiennent également dans des lieux publics. Pourtant, il ne viendra à personne l’idée de s’infiltrer dans une manifestation publique pour défier avec des idées diamétralement opposées les manifestants.
4. Le débat contradictoire suppose un minimum d’accord, et la volonté de délibérer de façon transparente et démocratique et non de troller. Dans les réseaux sociaux, un troll caractérise ce qui vise à générer des polémiques stériles. L’argumentaire d’AR est l’exemple type de la volonté de troller Nuit Debout, c’est-à-dire de créer artificiellement une controverse qui focalise l'attention aux dépens des échanges et de l’objectif habituel de Nuit Debout.
5. « Essentialiser l’adversaire » : recourant au jargon faussement académique, cette façon de faire croire que l’exclusion renforce et légitime les exclus, est ridicule. On voit bien que l’exclusion des confusionnistes est efficace car A. R. fait beaucoup d’efforts pour expliquer comment lever l’obstacle afin que les mouvements confusionnistes puissent infiltrer Nuit Debout pour y diffuser leurs idées nauséabondes.
6. Le dernier argument voudrait contraindre à justifier l’exclusion des individus et de certaines organisations alors que leur caractère confusionniste est largement documenté par une abondante littérature sur le net. Elle n’a pas besoin d’être rappelée ad nauseam.
La revendication de la liberté et de la démocratie devient effectivement une des marques des mouvements d’extrême droite dans toute l’Europe. Elle est nourrie par la crise du système démocratique et facilitée par la naïveté de certains militants qui au nom de principe inclusifs légitiment de fait des représentants d’organisations d’extrême droite.
La dénonciation et le blocage des tentatives de manipulation de Nuit Debout et des mouvements citoyens est un combat essentiel. Le confusionnisme peut plomber mortellement l’alternative démocratique émergente au système en place et à l’extrême droite.
L’opiniâtreté que mettent les mouvements confusionnistes à refuser leur stigmatisation en tant que mouvements d’extrême droite est significative, car c’est une condition pour pouvoir mieux diffuser leurs idées anti-démocratiques, xénophobes et négationnistes. Le combat pour dénoncer leurs dangereuses manipulations doit être menée.