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Billet de blog 25 mars 2008

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Estonie : le film interdit

La censure, qui avait disparu en Estonie en 1989, ferait-elle sa réapparition par la voie judiciaire, sous le couvert de la protection de la vie privée ? Depuis un an, Magnus, le premier long métrage de Kadri Kõusaar, présenté lors du dernier festival de Cannes, est interdit de diffusion en Estonie.

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La censure, qui avait disparu en Estonie en 1989, ferait-elle sa réapparition par la voie judiciaire, sous le couvert de la protection de la vie privée ? Depuis un an, Magnus, le premier long métrage de Kadri Kõusaar, présenté lors du dernier festival de Cannes, est interdit de diffusion en Estonie. Le film brosse le portrait d’un jeune homme en proie au mal de vivre qui décide de mettre fin à ses jours. Son interdiction a été prononcée par un juge des référés, à la demande d’une femme qui estimait qu’il relatait l’histoire de son fils et portait atteinte à sa vie privée. Bien que le film soit présenté comme une œuvre de fiction, il se conclut en effet sur une scène manifestement documentaire, où l’on comprend que l’acteur qui jouait le rôle du père, Mart Laisk, a lui-même perdu son fils dans des conditions similaires. Dès lors, l’Estonie étant un petit pays, il était difficile d’empêcher les spectateurs d’identifier les prototypes supposés des autres personnages. Mais le choix de Mart Laisk de jouer son propre rôle et de livrer son témoignage sur la mort de son fils n’avait évidemment pas à être validé par son ex-épouse. Pour le reste, le rôle de la mère est joué par une comédienne professionnelle (Merle Jääger), avec suffisamment de distance pour que son caractère fictionnel ne fasse aucun doute. L’interdiction du film pose donc un problème de principe aux yeux des créateurs estoniens : comment continuer à filmer ou à écrire en puisant ses sujets dans la vie réelle si les individus qui croient se reconnaître peuvent faire interdire les œuvres ? L’Union des cinéastes estoniens a décidé ce week-end de passer outre l’interdiction. Les projections de Magnus qu’elle a organisées, en clôture de la semaine du film estonien, ont été annoncées suffisamment tard pour que les autorités judiciaires n’aient pas le temps de réagir. Toutes les séances ont fait salle comble. La censure aura au moins servi à cela…

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