chapitre XI
SYRIE
Si le succès du communisme devait se traduire par la dissipation des “illusions religieuses“, ses échecs ont fatalement pour corollaire le réveil des croyances. Plus la perspective de l’émancipation sociale s’éloigne, plus celle d’une renaissance spirituelle est inévitable. À mesure que la mobilisation anticapitaliste recule, l’époque devient mûre pour le soulèvement des âmes. Dès lors, fait retour comme jamais la formule de Marx “la critique de la religion est la condition de toute critique“.
Un silence religieux, Jean Birnbaum, 2016

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Pour une partie de la gauche encore influencée par l’anti-impérialisme, comme de la droite et de l’extrême droite, la guerre en Syrie serait « compliquée » et n’aurait à voir qu’avec des enjeux géopolitiques et pétroliers qui nous dépasseraient. Ces interprétations des sources de la guerre et la méconnaissance flagrante de la chronologie des événements, ont amené trois candidats à l’élection présidentielle de 2017 (Mélenchon, Fillon et Le Pen) à nier la dimension initialement pacifique du soulèvement populaire. Négation et méconnaissance dont la suite logique est de considérer Bachar al-Assad comme un moindre mal face à ceux qui s’opposent à lui, les « terroristes »1.
Pour Jean Luc Mélenchon candidat de la France insoumise, la Syrie doit d’abord se débarrasser des « bandes armées » - terme générique employé par Assad pour désigner son opposition, avant que le peuple ne puisse voter librement. Le Président dictateur ne dit pas autre chose : « parler du président, c’est parler des urnes, car c’est le peuple syrien qui doit, selon la constitution décider qui sera le président ou pas. Cela vaut pour moi comme n’importe quel autre citoyen syrien. J’ai le droit d’être désigné et j’ai aussi le droit de ne pas être candidat si je ne veux pas être président » déclare Assad dans une interview2. Mélenchon, en reprenant le discours du Kremlin et de son allié syrien légitimant la position d’Assad, oublie par là même que les dernières élections libres remontent à 1961. Bachar avait succédé à son père Hafez au début du nouveau millénaire, lui même au pouvoir depuis trente ans. Convoquer des élections comme si la Syrie était un pays comme un autre, alors que la moitié de la population a fuit et que le pouvoir se pose comme seule force face à l'hydre terroriste relève donc de la mauvaise foi partisane.
Sur la question des bombardements, que l’on parle de ceux de la Coalition contre Daech ou ceux des russes contre les rebelles à Alep, Mélenchon les mets tous sur le même plan. C’est comme ça, une bombe est une bombe. « On rappellera que les pilonnages russes ont visé dans leur écrasante majorité l’opposition non-jihadiste à Assad et se sont concentrés à la fin de 2016 sur Alep, une ville dont Daech avait été expulsé dès janvier 20143» rappelle très justement Jean-Pierre Filiu.
Là où Mélenchon n'a pas tort, c'est que la stratégie d'Obama du No boots on the ground s'est traduit dans certaines régions sunnites par des frappes aériennes, souvent très mal accueillies par les populations. Quant à Fillon, pour lui la situation est simple « Il n’y a que deux camps en Syrie, et non pas trois comme on le dit souvent. Le camp de ceux qui veulent mettre en place ce régime totalitaire et il y a les autres. Moi je choisis les autres » affirmait-il lors d’un débat télévisé lors des primaires de droite. Précisons que lorsqu’il parle de régime totalitaire, Fillon parle de Daech.
Pourtant si au plus fort de la crise, c'est-à-dire au moment où la victoire d'al-Assad n'était pas assuré, pas moins de douze puissances étrangères intervenaient en Syrie, et que leurs intérêts semblent contradictoires, sans compter la présence au sol des kurdes, de l’Armée Syrienne Libre et de ses multiples scissions, de l’opposition plus ou moins salafiste et plus ou moins djihadiste à Assad, de l’Iran, du Hezzbolah syrien et des multiples milices chi’ites (irakienne, iranienne, afghane), le conflit syrien à ses débuts semble relativement facile à comprendre.
C’est en tout cas ce qu’affirme le cinéaste Owar Nyrabia producteur de l’excellent documentaire Retour à Homs4 lorsqu’il explique avoir produit le film « pour que contrairement à ce que disent tant de commentateurs et tant d’experts, le monde sache que la crise syrienne est une crise “simple“ : c’est la révolte d’une population contre un dictateur5 ». Réagissant à cette affirmation, l’islamologue François Burgat estime que sa « conviction est jusqu’à ce jour demeurée la même » même si « la matrice de la crise a été profondément affectée par l’internationalisation ».
Si le conflit est effectivement compliqué, c’est qu’il implique une multitude d’acteurs dont les agendas politiques divergent. Nous allons donc reprendre chronologiquement les différentes étapes du conflit pour y voir plus clair.
2011, rappel des faits
C’est le 17 décembre 2010 que Mohammed Bouazizi, vendeur ambulant de fruits, s’immole à Sidi Bouzid en Tunisie, suite à un différend avec la police. Les mouvements de protestations s’étendent rapidement à tout le pays. En Janvier 2011 la contestation se propage à la Jordanie, au Yémen et à l’Égypte. En Février c’est au tour de la Libye, de Bahreïn et du Maroc. En Syrie les premiers appels à la révolte, camouflés derrières des manifestations de solidarité avec les tunisiens et les égyptiens, ne seront que peu suivis du fait de la peur qu’inspire le régime d’al-Assad. Quelques jours après la chute de Ben Ali et Moubarak, dans la ville de Deraa dans le sud-ouest syrien des enfants écrivent sur le mur de leur école « ton tour viendra, docteur6 ». Une quinzaine de jeunes de 10 à 16 ans sont alors emprisonnées et torturés suite à l’inscription de ce tag. Aux familles réclamant leurs enfants, les officiers répondent « apportez nous vos femmes, ont vous en fera des nouveaux ». Ils sortiront finalement après avoir été torturé, les ongles arrachés.
C’est que le président, qui assure que le printemps arabes n’a aucune raison de s’étendre à la Syrie, s’en inquiète en privé. Le 15 mars les manifestations de soutient aux enfants débutent puis s’étendent dans tout le pays. « Les enfants de Deraa ne sont pas la raison de la révolution, ils en sont l’étincelle. La révolte aurait de toute façon éclatée. Mais sans eux cela aurait pu prendre plus de temps » déclare un militant des droits de l’homme7. L’engrenage manifestation/répression est lancé. Comme le rappelle Abdel Basset Sarout ancien joueur de foot de l’équipe national syrienne passé à la rébellion et harangueur de foule à Homs « nous écrivons ensemble l’histoire de la nouvelle Syrie. Une nouvelle Syrie sans ce régime qui parle de guerre entre les sunnites, les alaouites et les chrétiens. Nous sommes tous syriens, nous sommes tous égaux.8 » En effet les protestations populaires étaient à la base déconfessionnalisées, pluralistes et pacifiques et il n’est aucunement question de religion. D’ailleurs des alaouites participent aux manifestations et de riches marchands sunnites s’en inquiètent. Comme l’explique François Burgat, c’est la répression et la militarisation du conflit puis plus tard l’ingérence d’acteurs internationaux qui vont pousser certains révolutionnaires dans les bras des katibas les mieux équipées en armes, financées par les pays du Golfe et donc islamistes.
« Le régime savait que la seule chance de l’emporter face à une protestation démocratique dépassant toutes les divisions confessionnelles était de restaurer ces divisions et de faire prendre à la révolte la tournure d’un affrontement interconfessionnel 9». Cette stratégie consistera par exemple pour Bachar Al-Assad à “djihadiser“ le mouvement de contestation. «Bachar al-Assad avait décrété, le 31 mai 2011 [soit très peu de temps après le début des manifestations], une “amnistie présidentielle“. Mais, au lieu de remettre en liberté les leaders de la contestation et les militants politiques arrêtés au cours des mois écoulés, les services de renseignements chargés de procéder à la libération des détenus concernés avaient pris soin de n’ouvrir les portes de leurs prisons qu’à de simples manifestants… et à un certain nombre – on parle quand même de quelques centaines…! – de prisonniers islamistes.10» On parle de 260 islamistes libérés lors de cette première grâce présidentielle. Une seconde suivra en juin 2011. Bachar al-Assad a donc méthodiquement poussé la révolution là où il l’attendait en libérant propagandistes, activistes et combattants islamistes. Pendant que les prisons se remplissent de jeunes révolutionnaires et d’opposants politiques et que les manifestations de rues étaient réprimées dans le sang, les chefs islamistes les plus puissants recouvrent la liberté.
Il semblerait que la Syrie ne soit pas le seul pays a avoir injecté artificiellement des leaders islamistes dans le conflit syrien pour le confessionnaliser. Début novembre 2017, la CIA a déclassifié des archives, dont Donald Trump accusait Obama d’avoir tenu secrète par peur de mettre en péril l’accord sur le nucléaire iranien, accusant Téhéran de lien avec al-Qaïda. On y apprend que Téhéran y entretiendrait des liens troubles avec le groupe terroriste au nom de la lutte commune contre les Etats-Unis. Il est important de noter que si l’État Islamique déteste les chi’ites, c’est moins le cas d’al-Qaïda, Ben Laden ayant toujours refusé les conflits entre musulmans. En 2003, après l’invasion de l’Irak, le régime des mollahs aurait accueilli nombre de leaders islamistes. Certains d’entre eux furent emprisonnés, puis relâchés en septembre 2015 avant de réapparaitre en Syrie. « En injectant des leaders d’al-Qaïda dans la rébellion syrienne, l’Iran en a peut être profité pour délégitimer l’opposition aux yeux de l’Occident »11.
En 2007 les forces américaines ont attaqué à Sinjar dans le nord de l'Irak un camp d'entraînement d'al-Qaïda. Elles y ont découvert une mine d'informations attestant du soutient de Damas et de la théocratie chi'ite aux extrémistes sunnites dès 2003. Analysés et rendus publics par la US Military Academy de West Point12 on y apprend qu'avec l'invasion américaine de l'Irak, la Syrie et l'Iran allait devenir des plaques tournantes des recrus au djihad irakien. Al-Assad sera accusé à plusieurs reprises de favoriser cet afflux, affirmation qu'il ne contesta pas expliquant ne pas pouvoir contrôler la frontière irako-syrienne. Mais quand au milieu des années 2000 les forces chi'ites pro-iranniennes prennent le pouvoir en Irak, Assad doit cesser de jouer le jeu dangereux de l'exportation de djihadistes. La guerre confessionnelle qui se trame alors, s'éloigne de la lutte contre l'occupation américaine, ne fait alors plus le jeu de la Syrie13.
Revenons à 2011. L’opposition islamiste plus tard Daech, vont alors servir à Damas d’épouvantail repoussoir suivant la stratégie Moi ou le chaos. « Les cibles des bombardements du régime et de ses alliés sont à elles seules la preuve qu’Assad n’a jamais considéré Daesh comme un réel ennemi, mais plutôt comme un épouvantail utile à son maintien au pouvoir 14». Le symbole le plus marquant de ce deux poids deux mesures sera la reprise d’Alep en décembre 2016 par les forces du régime. Figure historique de l’opposition, la ville sera reprise à la rébellion qui en avait elle-même chassé Daesh en 2013. On peut encore citer d’autres exemples d’accords tacites entre Daesh et Damas, comme celui des champs gaziers de Twinan, à 75 km de Raqqa, exploités par une entreprise russe, sous la protection de l’Etat Islamique et en échange de l’électricité15.
Internationalisation du conflit
La deuxième spécificité du conflit syrien repose ensuite sur son internationalisation. L’État Islamique étant lui-même une utopie qui abolie les nationalités au profit d’une identité religieuse commune (les combattants de l’EI seraient issues de 80 pays différents), il recueille contre lui une pluralité de nations, la coalition internationale regroupant au plus fort douze nations. Avant l’irruption de Daesh et des kurdes comme acteur majeur, c’est-à-dire avant 2013, le conflit que l’on pouvait encore qualifier de “guerre civile“ va opposer les forces loyalistes aux rebelles, majoritairement des militaires ayant fait défection. Sur une « matrice largement héritée de la guerre froide » selon François Burgat, va alors se mettre en place un jeu d’alliance régionale étatique et infra-étatique (organisation, milice). L’Iran et le Hezzbolah, alliés de longue date au ba’ath syrien, en s’engageant dans le conflit vont alors participer à sa confessionnalisation. En face l’Arabie Saoudite, la Turquie et les autres monarchies pétrolières vont aussi s’engager, en soutenant l’opposition islamiste à Assad.
Iran et Arabie Saoudite
La Syrie devient alors un théâtre d’affrontement pour les deux puissances régionales belligérantes depuis 1979 : l’Arabie Saoudite et l’Iran. Pour comprendre ce qui les oppose, au delà de l’aspect religieux, il faut remonter à la guerre froide.
Après la seconde guerre mondiale, un jeu triangulaire entre l’Iran, l’Irak et l’Arabie Saoudite s‘était progressivement mis en place. Téhéran et Riyad16, plus proches des Occidentaux avaient à plusieurs occasions coordonnées leurs politiques face à un Irak, républicain et baathiste, proche du camp socialiste. Si l’identité religieuse de l’Arabie Saoudite s’affirme très fort (le wahhabisme est inscrit dans la constitution), le Shah d’Iran lui s’affiche comme perse, jamais comme chi’ite. Et il n’est jamais question de religion dans les relations entre les alliés des USA.
Cet équilibre allait voler en éclat avec la Révolution islamique de 1979. Révolutionnaire et chi'ite, la théocratie va alors s’opposer aux occidentaux, aux pétromonarchies et plus particulièrement à l’Arabie Saoudite, conservatrice et sunnite, accusée de pratiquer un “islam américain“. L’Iran se proclamant championne de l’anti-impérialisme et de l’anti-sionisme, va alors tenter de récupérer le leadership islamiste sur lequel l’Arabie Saoudite avait la mainmise depuis le début des années 1970.
Dès lors la situation ne cessera d’être tendue entre les deux pays.
Avec les attentats du 11 septembre, dans lesquels sont impliqués des ressortissants saoudiens, les Etats-Unis vont alors tenter de s’éloigner de l’Arabie Saoudite et briser leur leadership hégémonique sur le Moyen-Orient et l’OPEP17. En 2003, l’invasion américaine de l’Irak, n’a comme on l’a vue aucun rapport avec une guerre contre le terrorisme. Il s’agit, en plus du fait d’en finir avec Saddam Hussein, une façon pour les Etats-Unis de trouver de nouveaux alliés dans la région afin de rompre leur dépendance vis-à-vis de l’Arabie Saoudite. La mise en place d’une démocratie irakienne donnant le pouvoir à la majorité chi’ite qui en était privée, puis en 2015 l’accord sur le nucléaire iranien, vont rompre cet hégémonie saoudienne. L’influence de Téhéran s’accentue au détriment de celle de Riyad, qui craint par ailleurs la mise en place d’un “axe chiite“ allant de l’Iran à la méditerranée via l’Irak, la Syrie et le Liban (par Hezzbolah interposé). Depuis 1979, l’Iran et l’Arabie Saoudite se livrent à une guerre larvée, jamais frontale, dont le conflit au Yémen est aussi une manifestation. La guerre en Syrie peut aussi se voir comme un moment de cette guerre.
L’intervention russe
- « Dans les pays arabes touchés par le Printemps arabes, de même qu’en Irak à l’époque, les entreprises russes cèdent leurs positions acquises au cours des dernières décennies [...] et les créneaux vacants sont récupérés par les acteurs économiques des pays qui ont contribué au renversement des régimes en place. On pourrait penser que dans une certaine mesure, ces évènements tragiques n’ont pas été motivés par le souci du respect des droits de l’homme, mais par la volonté de redistribuer les marchés. »
Vladimir Poutine, 201218
Les relations entre l’Union soviétique et la Syrie sont anciennes et remontent aux années 1950. En pleine guerre froide, les pays du Proche-Orient arabe qui commencent à accéder à une indépendance politique réelle cherchent chez les soviétiques un allié19. L’époque est aussi à la guerre froide idéologique, opposant les arabes nationalistes et laïcs proches de l’URSS à une Arabie Saoudite wahhabite alliée des américains et soucieuses d’endiguer la menace communiste en terre d’islam. Dans cette configuration le régime baathiste né en 1947 à Damas et qui arrive au pouvoir en 1963 à pu trouver en Moscou un allié. Ce soutien va se matérialiser dans la vente d’arme, mais aussi dans le soutient militaire. L’URSS, aidera la Syrie face à l’Israël en 197320 et au moment de l’invasion du sud Liban en 1982.
Jusqu’en septembre 2013 Moscou est resté dans une attitude passive dans la crise syrienne en se contentant d’opposer son véto à toute intervention militaire. Le 11 septembre, quelques jours après l’attaque chimique de Ghouta faisant plus de 1600 morts, Poutine publie une tribune dans le New York Times dans laquelle il s’adresse aux américains. Dans Un plaidoyer pour la prudence en Syrie, il remet en doute la version officielle attribuant la responsabilité du régime dans cette attaque, privilégiant évidemment l’hypothèse de l’opposition, affirmant que leurs motivations étaient de « provoquer une intervention de leurs puissants soutiens étrangers, qui seraient du même côté que les fondamentalistes ». Poutine va alors servir d’intermédiaire avec le régime, en nettoyant les armes chimiques et éviter ainsi une intervention extérieure. Obama, qui avait délimitée une « ligne rouge » un an avant, que représentait celle de l’utilisation des armes chimiques semblent franchie. Il va alors saisir l’occasion des négociations avec Poutine pour ne rien faire.
En fait la décision d’Obama de ne pas agir en Syrie est a replacer dans un contexte plus global des relations de l’Amérique avec le régime saoudien. Contrairement à Trump dont le premier voyage à l’étranger en tant que président sera à Riyad, réaffirmant par là même les liens entre les USA et l’Arabie Saoudite, Obama se méfiait du Royaume. Lors d’une discussion diplomatique aux Philippines, à la question « les saoudiens sont-ils vos amis ? » sa réponse est clair : « c’est compliqué »21. En 2002, alors sénateur de l’Illinois il avait parlé des « soi-disant alliés de l’Amérique» en parlant de Riyad. Durant son mandat, il critiquera la politique de free riders (passager clandestin) du Royaume, utilisant la puissance américaine pour servir ses intérêts22. En effet intervenir en Syrie contre al-Assad et ses alliés iraniens, serait aussi faire le jeu de l’Arabie Saoudite dont l’objectif est d’endiguer l’influence chi’ite.
La Russie est donc un allié historique du parti ba’ath syrien et c’est logiquement que Poutine répondra favorablement à l’appel d’Assad en septembre 2015 de demande d’aide militaire. C’est le jour même que Poutine engage ses forces armées et les bombardements contre les « terroristes ». Pour le président syrien il agit aussi d’équilibrer les forces qui le soutiennent afin de ne pas laisser une place tromp importante à l’Iran. Comme le note le ministre de la défense Jean-Yves le Drian « Les forces russes ont frappé en Syrie, c’est désormais public, et curieusement elles n’ont pas frappé Daesh ». Le responsable du groupe salafiste (et non-djihadiste) Ahrar al-Sham déclare que Daech « n'a mené aucun combat sur la ligne de front » et « n'a jamais été pris pour cible par le président »23.
Le fait que la Russie ait accepté l’intervention occidentale en Libye, alors même que Poutine défend le principe d’État souverain dans les relations internationales – principe qu’il violera lui-même en 2008 en Géorgie et en 2014 en Crimée, peut sembler étrange. Au début des Printemps arabes, c’est Medvedev qui est président, Poutine n'est que chef du gouvernement. Ils ne sont pas d’accord, d’autant plus qu’ils sont en campagne présidentielle. Medvedev ne soutient que du bout des lèvres l’interventions en Libye. Quant à Poutine, réélu un an après pour un sixème mandat il se lache « l’ingérence extérieure [...] ont contribué à une évolution négative de la situation »24.
Pour la journaliste Tania Rakhmanova, « ce qui compte pour Poutine, c’est le rapport de force international dans lequel la Russie ne peut jouer un rôle important qu’en s’opposant à l’occident. C’est quand il défie les américains que sa voix est prise en compte25. »
Dans une de ses chroniques sur France culture, Gilles Kepel apporte une explication qui résume assez bien la politique de la terre brûlée mise en place par la Russie « Pour Vladimir Poutine l’objectif à moyen terme est de faire en sorte qu’il ne reste plus que deux adversaires : le régime d’Assad qu’il aura renforcé, et l’État Islamique. Avec une campagne de communication bien menée, il sera dès lors possible espère-t-il, de persuader un certain nombre de gouvernements occidentaux que Daesh est plus dangereux qu’Assad. Ce dernier a massacré une grande partie de sa population, et une majorité des quelques deux cent cinquante mille personnes tuées en Syrie au cours de la guerre civile l’ont été sous les bombardements aériens du régime26. Mais la monstruosité des crimes de Daech ajoutée aux risques d‘attentats terroristes en Occident, particulièrement en Europe, et commandités par des djihadistes de Daech en Syrie, incitent les dirigeants occidentaux, même s’ils ne soutiennent pas Bachar Al-Assad, à convaincre leur opinion publique qu’ils prennent toutes les mesures pour prévenir le terrorisme sur leur sol »27.
Le 11 décembre 2017 Poutine rend visite à ses troupes en Syrie et déclare que l'État syrien indépendant et souverain a été préservée tout en déclarant qu'une partie des troupes russes quitteront le territoire syrien d'ici peu. Quand il débarque sur la base russe de Lattaquié il va d'abord saluer ses officiers avant même de serrer la main au président Assad. C'est une façon de déclarer sa victoire, celle du maintien au pouvoir d'al-Assad mais surtout d'affirmer vis-à-vis du monde que la Russie est désormais capable d'intervenir en dehors de ses frontières en trouvant des sorties de crises diplomatiques favorables. « Face au occidentaux qu'il accuse de manigancer des changements de régime au nom de prétendues valeurs,le maître du Kremlin se pose en défenseur d'un ordre international alternatif où la défense de la souveraineté des États sert avant tout d'alibi au maintien des régimes en place »28 écrit Alain Frachon.
L'inaction américaine
Le conflit syrien est souvent décrit comme une « guerre par procuration » entre les États-Unis et la Russie. C'est partiellement vrai, mais l'asymétrie des moyens mise en œuvres par les deux parties n'ont rien de comparables. Armes non-létales puis missiles anti-chars vétustes d'un côté. Bombardement, hélicoptères, blindés, missiles et diplomatie pro-active de l'autre. L'asymétrie est telle, qu'il est difficile de parler de nouveau terrain de la guerre froide comme peuvent le faire certains éditorialistes. L'impérialisme américain ne s'oppose pas à l'impérialisme russe, dans la mesure où le combat s'est concentré sur Daesh, afin d'empêcher l'effondrement de l'État. La ligne occidentale si elle a pu bouger dans le temps (inaction, puis soutien limité aux rebelles, puis aux kurdes, puis lâchage de ces derniers) n'est pas rentré en contradictions avec celle des russes et d'Assad.
En vérité au sein de l'administration Obama les avis divergent sur le soutien à apporter aux rebelles. Le sénateur républicain John Mc Cain, qui ne fait donc pas parti de l'administration à l'époque est partisan d'une intervention américaine pour contrer l'influence des russes. Et il dénoncera à de multiples reprises l'isolationnisme d'Obama. Mais l'obsession du président, qui succède à huit ans d'interventionnisme catastrophique était d'assurer une « transition dans l'ordre »29. Hillary Clinton écrit qu'il est « important de maintenir l'intégrité de l'État syrien et de ses infrastructures 30» pour éviter un chaos à l'irakienne ou à la libyenne. En soutenant les rebelles, le but n'était pas de former une force suffisamment puissante pour renverser Assad. Quand ils prennent la décision d'assurer un soutient logistique aux opposants la condition est la suivante : ne s'attaquer qu'a Daesh. Bref il ne fallait en aucun cas nuire au régime. Cette inaction eue des conséquences terribles en Syrie mais aussi à l'étranger. Assad tua trois fois plus de civils dans les deux ans qui suivirent le dépassement de la « ligne rouge » fixée par Obama, que dans les deux ans qui la précédèrent. L'interdiction d'utiliser les armes chimiques, qui de toute façon referont des apparition à de multiples reprises, devint « la permissions de tuer avec des armes conventionnelles 31».
Assez paradoxalement, par son inaction, le mandat d'Obama est dans la continuité des précédents présidents interventionnistes. Obama « entrera dans l'histoire comme le président des états-unis qui porte une responsabilité majeure dans la destruction de la Syrie et de son peuple, succédant à trois présidents portant une responsabilité majeure dans la destruction de l'Irak et de son peuple »32. La différence étant les moyens utilisés : l'agression militaire pour les Présidents Bush (guerre du Golfe de 1991, puis invasion de l'Irak en 2003), la destruction économique via l'embargo (Clinton de 1991 à 2003). L'inaction américaine a contribué à la dévastation de la Syrie « en permettant à son régime de l'accomplir »33. Les conséquences de ces politiques à priori antagonistes sont terribles : l'invasion de l'Irak et l'embargo qui la précéda, participa de l'émergence de Daesh (appelé Al-Qaïda en Irak puis État Islamique en Irak), le conflit syrien lui permit de s'étendre (pour devenir l'État Islamique en Irak et au Levant puis l' État Islamique tout court, gommant ainsi toute notion de territoire).
Le rôle de l’armée dans les printemps arabes
« L’armée n’était pas neutre, elle était du côté des intérêts d’Assad34 » déclare un opposant syrien. On touche là un point essentiel qui détermine l’évolution du conflit : le rapport de l’armée au mouvement insurrectionnel. Si la police est a peu près partout détestée, l’armée elle, souvent autonome par rapport au pouvoir, bénéficie d’une certaine marche de manœuvre, notamment celle de ne pas faire son travail de répression. Cela a été particulièrement le cas en Tunisie. Bien que Ben Ali soit à l’origine un militaire il se méfiait de l’armée qui essaya à deux reprises de renverser le pouvoir, en 1962 (complot contre Bourguiba) et 1987 (contre lui-même). Il s’est surtout appuyé sur les forces de sécurités intérieures pour assurer la pérennité du pouvoir. Si la haine de la police fût un des piliers du mouvement, avec la corruption politique et la misère sociale, le fait que l’armée refusa de tirer sur les manifestants lui attira la sympathie du peuple et surtout précipita la chute de Ben Ali. Rappelons qu’entre le début des manifestations (17 décembre 2010) et le départ de Ben Ali pour l’Arabie Saoudite (14 Janvier 2011) d’où on entendrait plus parler de lui, il y a moins d’un mois.
En Égypte la situation de l’armée est différente mais elle a aussi joué un rôle important dans le processus insurrectionnel. Depuis le renversement du roi Farouk en 1952 l’armée est imbriquée dans la vie économique et les institutions de la république. Avec les manifestations contre Moubarak, l’armée tire profit de l’impopularité de la police chargée de la répression du mouvement. L’armée préfère alors pousser Moubarak vers la sortie tout en assurant la transition avec l’organisation d’élections législatives en 2011 et présidentielle en 2012.
En Libye, la répression va radicaliser et militariser le conflit. L’armée va alors se diviser et une partie refusera de participer à la répression pour rejoindre la rébellion. Le cas de la Syrie est un peu similaire. La plupart des cadres de l’armée sont alaouites. En se présentant comme le garant de la sécurité des minorités, Assad va s’assurer le soutient d’une partie de la population et maintenir son assise sur une partie du territoire. L’armée étant restée fidèle au président, ceux qui la désertent créent l’Armée Syrienne Libre35. On voit donc que la position de l'armée décide l'évolution du processus insurectionnel : il aura fallu moins d'un mois pour que Ben Ali « dégage », quand al-Assad semble aujourd'hui indétrônable.
Pétrole et gaz dans la crise syrienne
- « À l’évidence, c’est toute la question du leadership mondial sur le marché du pétrole et du gaz qui se joue au Proche-Orient. On comprend mieux les implications divergentes et complexes des Russes, des Américains, des Européens, mais aussi des Turcs, des Iraniens, des Saoudiens et des Israéliens dans les conflits.36 »
« Ce qui est en cause, à Alep, comme à Mossoul, comme au Yémen, comme sur la frontière de la Turquie, c'est un plan d'ensemble qui font que se confrontent des puissances régionales qui chacune espèrent arracher un morceau du territoire de la Syrie ou se garantir le passage sur son territoire et l'accès aux richesses que représentent les gazoducs et les oléoducs. Rien d'autre. Rien d'autre. Ce n'est pas une guerre de religion qui a cours en ce moment, c'est une guerre d'intérêts » Jean-Luc Mélenchon, sur le plateau de BFM TV, 26 août 2016.
La déclaration du leader de la France insoumise à qui on reproche souvent sa trop grande tolérance vis-à-vis des crimes de Bachar al-Assad à un mérite, rappeler que ce qui se passe au Moyen-Orient à aussi à voir avec une « guerre d’intérêt ». Nous allons tâcher dans cette partie de décrypter l’influence du facteur énergétique dans la crise syrienne, de démontrer dans quelle mesure il a pu l’influencer.
En amont de la crise
Avant de démontrer de quelle façon le pétrole a pu peser sur la crise syrienne, nous allons expliquer son influence dans son déclenchement. Avant les printemps arabes, l’or noir, à de deux façons indirectes fragilisé la région favorisant ainsi l’instabilité politique37. La première raison c’est la sécheresse, probablement liée au réchauffement climatique , qu’a connu la Syrie de 2007 à 2010. «Pire sécheresse jamais enregistrée (...) provoquant une large dévastation des récoltes et une migration massive de familles de fermiers en direction des centres urbains 38 ». Cette sécheresse n’est pas épisodique, depuis 1998 elle est devient quasi permanente avec une gravité sans équivalent depuis 900 ans. Selon une étude39 il n’y a pas d’explications naturelles à cela. Elle ne peut être imputée qu’aux émissions de gaz à effet de serre. « Des centaines de villages ont été abandonnés tandis que les terres de culture se transforment en désert crevassé et que les animaux de pâturages meurent. Les tempêtes de sables sont devenues bien plus fréquentes et de vastes villages de tentes peuplés de fermiers privés de terres avec leurs famille ont surgi autour des villes de Syrie 40» écrit un journaliste en octobre 2010. Un a deux millions d’agriculteurs et d’éleveurs fuyant la désertification des terres se retrouvent amassés dans les banlieues de Dames, Alep, Homs ou Hama41.
Le dérèglement climatique dont les énergies fossiles sont responsables est une réalité, et cette réalité se matérialise parfois de manière violente. Tandis que les habitants des îles Polynésiennes commencent à avoir les pieds dans l’eau, d’autres se retrouvent confrontés au manque d’eau, qui les poussent tout autant que les premiers à l’exode. Dans un récent rapport du GIEC, il est d’ailleurs souligné que l’ « accroissement ou une diminution des régimes de pluie augmente le risque de conflit localisé violent ».
Dès 2008, le représentant de l’Organisation des Nations Unies à l’alimentation et l’agriculture (FAO) à Damas s’était d’ailleurs alarmé de cette sécheresse en précisant qu’elle mènerait « nécessairement à l’instabilité politique ».
Les productions agricoles déclinèrent, et le prix des denrées explosa atteignant des niveaux incontrôlables. Au même moment le régime d’al-Assad, lance une campagne de rénovation de la classe dirigeante syrienne qui consiste à choyer une clique d’hommes d’affaires en les encourageant à s’emparer de secteurs de l’économie et à investir. Tandis que les récoltes s’effondraient, l’immobilier connaît un boom, les investissements venus du Golfe ou d’Iran affluent en masse. Dans ce contexte la figure de Rami Makhlouf, cousin du président, qui contrôlerait 60% de l’économie cristallise les colères. Les premières manifestations aux cris de « Makhlouf est un voleur » s’en prennent à ses boutiques de SyriaTel, la compagnie de téléphonie mobile dont il est propriétaire. « pendant les mois d’été, les robinets n’étaient pas fois alimentés qu’une fois par semaine dans les quartiers les plus pauvres, tandis que les pelouses des riches restaient vertes et luxuriantes 42».
A la même époque, la guerre civile irakienne, pousse des milliers de personnes sur les routes. Beaucoup d’entre elles trouveront refuges, en passant la frontière voisine, dans les grandes villes syriennes. Cet afflux massif d’immigrés pauvres et sunnites, allait raviver les tensions avec la minorité alaouite. Et ces tensions ethno religieuses entre majorité pauvre sunnite et minorité alaouite lié au pouvoir du parti ba’ath, allait plus tard être instrumentalisées par Assad.
L’autre lien entre le déclenchement des événements en Syrie et le pétrole est lié à la raréfaction de ce dernier, et des conséquences qu’elle implique sur la société. En 1996 la Syrie franchi son pic pétrolier, le fameux peak oil. Alors qu’elle produisait encore 610 000 barils par jour au milieu des années 1990, la production syrienne de brut ne cessera dès lors de baisser, atteignant à peine plus de 300 000 b/j à la veille de la révolution. En quelques années la production allait baisser de moitié. L’essence, massivement subventionnée par le gouvernement, permettait au syrien de la payer bien en dessous des prix du marché. Mais en 2008 alors que le pétrole atteignit 147 dollars, le président syrien décide de réduire les subventions à l’essence. Son prix tripla en une nuit. Après la crise financière de 2008 le prix du baril retomba à 40 dollars, asséchant de fait les finances de Damas. En l’espace de quelques années le régime syrien perdît le bénéfice de la rente pétrolière, et le peuple celui d’une essence bon marché.
Le couple pétrole et nourriture forme un cocktail social explosif. La Syrie autosuffisante en céréale commença dès lors à importer massivement, ce qui fît doubler le prix des denrées de base. Toujours privé de sa rente pétrolière Damas se trouva dans l’incapacité de subventionner la nourriture. Evidemment si ce sont les humains qui font les révolutions il est parfois bon de sortir d’une vision géopolitique anthropocentriste. Rappelons que la révolution française de 1789, trouve aussi son explication dans la catastrophe climatique et les désastreuses récoltes qui la précéda.
Dans la crise
Depuis quelques années le pétrole conventionnel bon marché, c’est-à-dire à faible coût d’extraction, décline progressivement. C’est déjà le constat que faisait Dick Chesney à la fin des années 1990 et qui allait motiver l’intervention américaine en Irak43, les ressources s’amenuisent et les nouveaux gisements se font rares. Mais ce déclin est peu à peu compensé en Amérique du Nord par les huiles et les gaz de schistes, mais aussi par le gaz qui est trois fois moins émetteur de CO2 que le pétrole, et parfois même par le charbon qui malgré la grande pollution qu’il génère, reste très bon marché. En 2016, pour la première fois dans l’histoire des énergies, les États-Unis, ont exporté par bateau du gaz naturel liquéfié (GNL) en Europe, ce qui inquiète évidemment la Russie qui fournissait plus de 30% du gaz européen, et dont le "hub énergétique" (le couloir à gazoduc ukrainien) ne fonctionne plus. L’Europe qui cherche à diversifier ses sources d’approvisionnements en gaz, et donc à réduire le rôle de la Russie, pourrait bien s’approvisionner dans l’avenir par des bateaux venant de l’ouest, plutôt que par des tuyaux venant de l’ouest. Les terminaux méthanier français sont tournés vers l'Atlantique, et fin 2018 les premières livraisons de gaz de schistes américains arrivent en France
44. La demande en gaz explose, et certains experts estiment que l’or bleu pourrait devenir d'ici 2030 la première source d'énergie mondiale. En 2018 la demande mondiale en énergie a crû de 2,3% et c'est le gaz qui accuse la plus forte hausse de 4,6%. Les russes voient d'un très mauvais œil l'arrivée de bateaux en Europe de l'Ouest, tandis que Trump ne cesse de s'élever contre le North Stream 2 (qui doit relier la Russie à l'Allemagne) et demande à la Commission Européenne d’accélérer les livraisons en Europe45.
Ce gaz, peut être transporté soit par gazoduc, ce qui exige une certaine stabilité politique (ces tuyaux faisant souvent des milliers de kilomètres et exigeant des contrats très onéreux sur 25 ou 30 ans), stabilité qui fait souvent défaut aux pays du Moyen-Orient, soit par supertanker dans le cas du gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui implique des infrastructures capables de transformer le gaz en liquide, dont peu de pays sont équipés.
Ainsi donc, depuis le début du XXIème siècle, au Moyen-Orient, un Nouveau Grand Jeu énergétique se met en place dans lequel la Syrie joue un rôle prépondérant. En effet, celle-ci, grâce à sa façade Méditerranéenne, peut jouer le rôle de hub énergétique, entre le Machrek gazier (producteur) et l'Europe (consommateur).
La Syrie, devenu aujourd'hui un théâtre d'affrontement pour les grandes puissances régionales et internationales, n'a pas toujours été vouée aux gémonies, y compris par ceux-là mêmes - Turquie, Qatar et Arabie Saoudite, qui furent durant les années de guerre les plus empresser à hâter sa chute. En tant que couloir énergétique elle a été considérée jusqu’ici comme un partenaire économique, par des pays faisant abstraction des questions politiques et religieuses et qui aujourd’hui financent son opposition armée. Le Qatar, par exemple, bailleur de fond des Frères Musulmans est régulièrement accusé de financer le terrorisme et les groupes d’oppositions religieux à Assad, avait entre 2009 et 2010 tenté nombre de rapprochement avec le régime baathiste laïc, notamment via des investissements. En février 2010 juin un pacte de défense fut même envisagé entre les deux pays. Ainsi donc, le statut d’interface énergétique avec l’Europe, via Méditerranée, concède un rôle important à la Syrie dans l’exportation des hydrocarbures du Moyen-Orient. Nous allons tenter maintenant de savoir si ce statut a pu avoir une influence dans le déclenchement de la guerre en Syrie, confirmant par là l’idée de malédiction des ressources.
Qatar et gazoduc
Le Qatar, petit Émirat de la taille de l’Île-de-France, comptant un peu plus de 2 millions d’habitants (dont 80% de travailleurs immigrés) et troisième PIB mondial par habitant, possède le plus grand champ gazier du monde qu’il partage avec l’Iran. Appelé North Dome côté qatari et South Pars côté iranien, le petit émirat wahhabite pompe, dans ce champ commun, de manière disproportionné par rapport à son voisin chi’ite, acculé à des sanctions internationales depuis 1979 l’empêchant de se développer46. Le Qatar est le premier producteur et premier exportateur (un tiers des exportations mondial) de gaz naturel liquéfié. Mais sa position géographique l’handicap, étant obligé d’exporter par bateau via le détroit d’Ormuz, zone ultra-sensible et sous surveillance iranienne. Doha cherche donc depuis des années d’autres voies, notamment terrestres pour exporter sont gaz. C’est ainsi qu’en 2009, le Qatar envisageait la construction d’un pipeline, partant du Golfe Persique et passant par l’Arabie Saoudite, la Jordanie et la Syrie jusqu’à la Turquie d’où il relierait le Nabucco, autre projet de gazoduc reliant lui l’Azerbaïdjan (Bakou) à l’Europe. C’est donc parce que son projet de gazoduc passerait par la Syrie que Doha se rapproche de Damas en 2009/2010. Mais Assad, préférant ménager son allié historique iranien qui lui aussi cherche à exporter vers l’Europe, refuse le projet qatari afin d’en privilégier un autre, reliant le South Pars iranien via l’Irak (depuis 2003 devenu pays chi’ite) est appelé Islamic Gas Pipeline. Ce projet avait aussi le double bénéfice de ménager l’autre allié historique de la Syrie, la Russie, car en ouvrant pas le marché européen aux qataris on le laissait l’Union Européenne sous la coupe de Gazprom.
En Juin 2011, quelques mois après le début de la révolution en Syrie est donc signé un accord avec l’Iran et l’Irak, pour la construction d’un gazoduc à l’horizon 2016. Evidemment, vu l’instabilité dans la région ce projet est au point mort. Ainsi, avant le début de la guerre en Syrie trois gazoducs avaient été envisagés dans la région mais tous étaient quasiment abandonnés : Le Nabucco, le gazoduc qatari devant être relié au Nabucco et l’Islamic Gaz Pipeline, le « gazoduc chi’ite ».
Évidemment, actuellement tous ces projets sont au point mort, mais ils font l’objet de maintes spéculations, alimentant sur internet les théories complotistes. Alain Soral fut par exemple le premier à parler du gazoduc qatari dès 2012 confortant la thèse d’une implication occidentale derrière les islamistes, alors que le projet avait été abandonné en 2009. Il est pourtant facile de démontrer que ces projets concurrents ne le sont plus vraiment à partir du moment où il n’y a plus de concurrence : le pipeline chi’ite n’a fait l’objet d’aucune étude de faisabilité et exige pas moins de passer par deux pays en guerre civile. Quant au pipeline sunnite, il nécessite de passer par l’Arabie Saoudite, pays avec lequel le Qatar est en concurrence directe. En Juin 2017, l’Arabie Saoudite décidera même de rompre ses relations avec le Qatar, l’accusant de financer le terrorisme, mais dont les véritables raisons sont tout autres47. Ainsi donc, la théorie du complot des gazoduc, reposait sur l’opposition la concurrence entre un projet de tuyau chi’ite et un autre sunnite, ne tient pas.
Les ressources de gaz
- « Que ce soit dans nos eaux territoriales ou dans notre sol (...) les premières études ont fait état d’importants gisementss de gaz (...) Certains disent que l’une des raisons de la crise syrienne est qu’il serait inacceptable qu’une telle fortune soit entre les mains d’un État opposant mais, évidemment, personne ne nous en a parlé de façon directe. C’est une analyse logique de la situation et nous ne pouvons ni la réfuter, ni la considérer comme une raison secondaire. C’est peut-être la raison principale de ce qui se passe en Syrie mais, pour le moment, elle reste du domaine de l’analyse ».
Bachar al-Assad , interview à al-Sawra, 4 Juillet 2013
Au moment de sa chute en 2013, le président de la Centrafrique a prétendu que les insurgés étaient soutenus par des compagnies pétrolières qui voulaient mettre la main sur des gisements de pétrole. Sauf que ces gisements n’existaient pas48, les rebelles voulant simplement démettre un régime « frauduleux et corrompus ». Bachar al-Assad, lui aussi voit dans son opposition non pas des syriens en révolte contre un dictateur, mais des “terroristes“ à la solde de l’Occident. Cependant il l’admet lui-même en 2013, les ressources gazières de son pays sont « peut-être la raison principale de ce qui se passe en Syrie mais, pour le moment, elle reste du domaine de l’analyse ». Nous allons maintenant analyser un autre facteur après celui du tracé des gazoducs, celui des ressources en elles-mêmes de la Syrie.
Depuis quelques années la Méditerrané est devenue le nouvel eldorado du gaz. En 2010 est découvert l’immense champ gazier du Léviathan au large des côtes de Chypre et du Liban et exploité par Israël depuis 2013. En 2015 c’est un pétrolier italien qui annonce avoir découvert le gisement gazier « le plus important jamais découvert en Méditerrané » au large des côtes égyptiennes. Zhor, c’est son nom renfermerait l’équivalent de 5,5 milliards de barils de pétrole. Des études récentes auraient prouvés que la Méditerranée posséderait d’immense réservé pétrolière et gazière. Une étude de 2010 de l’US Geological Survey – des réserves récupérables de l’ordre de 3 500 milliards de m3 de gaz naturel et de 1,7 milliard de barils de pétrole49. « Il est donc logique que l'attention se porte aussi sur le potentiel de l'offshore de la Syrie et que le gouvernement de Damas essaye de valoriser ses possibles atouts, nonobstant la situation de guerre civile que connaît le pays ». Le 25 décembre 2013, la Russie signe un accord avec la Syrie de prospection gazière et pétrolière dans ses eaux territoriales. Même s’il s’agit plus d’un coût de communication de la part du régime de Damas qu’autre chose, le message est clair, la Syrie et la Russie entendent jouer un rôle important dans l’exploitation des ressources en Méditerranée.
« La question gazière est donc appelé à devenir un des principaux enjeux stratégiques dans la région du Proche-Orient sur fond plus général de Nouveau Grand Jeu énergétique ». Mais « il faut prendre du recul par rapport à l’analyse de certains experts proche de Damas visant à légitimer l’idée du complot de l’occident contre la Syrie. Sans pour autant minorer ce facteur, tant les enjeux sont énorme» écrit un universitaire50.
La surestimation des ressources
Que la Syrie en plein conflit signent des partenariats avec la Russie, et que les prospecteurs annoncent des découvertes de nouveaux gisements alors que le pays est en proie à une guerre civile à de quoi faire réfléchir. Il est important de rappeler que la surestimation des chiffres de réserves est une constante de l’industrie pétrolière et gazière. Le but est simple, il s’agit de rassurer. Rassurer ceux qui l’achètent, rassurer les marchés financiers et assurer ses parts de marchés.
Entre 1982 et 1991 les réserves de brut de l’OPEP on par exemple augmentée de 65% sans qu’aucune découverte importante de justifie cette hausse. Plus de 300 milliards de barils sont apparus sur les papiers, sans qu’aucun prospecteur n’annonce la découverte d’un gisement fabuleux. L’Association pour l’étude du pic pétrolier annonce que 46% des ressources actuelles déclarées, principalement par les pays de l’OPEP seraient fausses. D’autres au contraire promettent un avenir radieux au pétrole expliquant qu’on prétend en manquer depuis 1880, et qu’on annonce le Peak Oil chaque année. Il est de toute façon impossible de vérifier ces chiffres. Comme on l’a vu plus haut le peak oil syrien de 1996 et la façon dont il a fragilisé la société en favorisant les crises. Prédire des ressources c’est assurer, du moins en apparence la stabilité de l’État.
La géopolitique du pétrole n’explique pas tout
Ainsi donc le facteur énergétique, que l’on parle des ressources ou du tracé des routes d’exportations (pipeline et gazoduc), agite régulièrement des fantasmes. Légitimement, lorsque l’on parle de cette région du monde où se concentrent plus du tiers des ressources mondiales.
Déjà en 2001, lors de l’invasion américaine de l’Afghanistan, la construction d’un pipeline comme prétexte au déclenchement de la guerre avait été avancé. Mais l’explication, si elle rassurait les opposants, ne tenait pas. D’abord le projet ne concernait pas le pétrole mais le gaz, beaucoup moins stratégique et qui n’intéresse pas les américains. Ensuite, le seul débouché possible était l’Inde, ce qui impliqué de passer par le Pakistan, supposant donc une paix entre les deux pays. Déjà en 1998 un projet avait été abandonné par la société Unocal à cause des tensions indo-pakistanaises. Enfin pour finir, les talibans ne s’opposaient pas au passage de ce gazoduc en Afghanistan. Il était donc inutile de les renverser51 pour le construire.
Nous pouvons parler ici d’un autre exemple, autre époque et autre lieu, qui nous éclaire sur la relation entre le pétrole et la guerre. C’est celui de l’Angola. L’histoire officielle affirme que l’enjeu de la guerre civile qui déchira la colonie portugaise à partir des années 1960, puis après son indépendance en 1975 entre les deux factions rivales (le MPLA et UNITA), et jusqu’au début des années 2000, à un rapport avec le pétrole. « Pourtant, l’insurrection s’est d’abord propagée à une époque où il n’était pas question d’exploitation pétrolière ou diamantifère, mais de café et de coton52» La colonie portugaise exportait essentiellement des produits agricoles. Mais la guerre entre indépendantiste « réduisit à néant le secteur agricole et industriel ». Si bien que c’est le pétrole qui assura les rentrées en devises pour financer le budget de l’État. Donc, « ce n’est pas le pétrole qui a provoqué la guerre, mais la guerre qui a consacré le tout pétrole ». Un cheminement inverse à la théorie de la “malédiction des ressources“. La guerre n’a pas été déclenché pour le pétrole, mais celui-ci dans le sens où il fait fonctionner l’armée et où son exportation peut ramener des devises, devient un enjeu.
Le seul pays où le bilan des Printemps arabes est plutôt positif est la Tunisie. L’un des rares à ne pas avoir de ressources pétrolifères et donc un fonctionnement de rente entièrement dépendant de l’exploitation de son sous-sol. Même si la démocratie y reste fragile, des élections y sont organisées et les islamistes se tiennent à distance de la politique, les Frères Musulmans d’Ennahdha s’étant même déclarés contre la mise en place d’un État théocratique et pour la démocratie. L’absence de ressources a permis à la Tunisie de se maintenir éloigné des conflits de la guerre froide et des scissions du monde musulman. Eloignement qui implique aujourd’hui une moindre influence de l’Iran et de l’Arabie Saoudite sur son sol.
La lecture confessionnelle du conflit syrien
- « On dit souvent que les tensions sectaires auxquelles on assiste en Syrie résultent de conflit millénaires. Mais c’est manifestement insuffisant puisque pendant plusieurs périodes de l’histoire, les populations ont coexisté et cohabité sans problème. Le sectarisme apparaît à certains moments clés sous l’effet d’une politique de puissances et d’instrumentalisation des tensions sectaires pour créer des conflits entre communautés, souvent dans une logique de “diviser pour régner“ »
Leïla al-Shami et Robin Yassin-Kassab, Burning Country, 2016
La guerre en Syrie est habituellement présentée soit comme une guerre en lien avec des enjeux énergétiques, soit comme un conflit entre deux tendances rivales de l’islam. Cette deuxième option, qui est finalement dans la continuité du choc des civilisations, affirme que seule la démocratie capitaliste constituerait un régime stable, le Moyen-Orient en proie aux turpitudes de la religion ne pouvant être que nécessairement instable. Nous ne défendrons pas ici le gentil islamisme politique face au méchant occident, mais on ne peut être qu’en désaccord devant une explication évacuant de fait le rôle joué par l’occident au Proche-Orient notamment dans l’instrumentalisation des religions. Nous allons pour critiquer l’idée qui résume la guerre en Syrie à un affrontement entre sunnite et chi’ite, revenir sur ces alliances et voir en quoi elles ont plus à voir avec la politique plutôt qu’avec la religion.
Les alaouites
Les alaouites, confession dont est issue le clan Assad et la plupart des hauts cadres du parti ba'ath syrien, est habituellement présenté comme une branche du chi'isme. Ainsi donc la Syrie ferait partie de l’axe chi’ite, tant craint par les pétromonarchies sunnites et l’Occident : Iran, Irak depuis 2003, Syrie et Liban (via le Hezzbolah). Comme on va le voir, ce jeu d’alliance présentée comme une alliance religieuse de fait, à plus à voir avec la politique qu’avec la religion. En effet le parti ba’ath syrien laïc et socialiste (en tout cas se présentant comme tel) n’a pas grand chose à voir avec une théocratie chi’ite, si ce n’est des intérêts politiques communs.
En raison de leurs mœurs différentes de l'islam classique, les alaouites n'ont pas toujours été considéré comme musulmans, ni par les sunnites, ni même par les chi'ites. Les alaouites ne mangent pas d’anguilles, de lièvres, ni de chameaux, boivent du vin, célèbrent quelques fêtes chrétiennes et même le Norouz la fête kurdo-perse. En 1899 un jésuite belge écrit que les alaouites sont « une déformation non du dogme coranique, mais de la vérité chrétienne 53». Cinq siècles plus tôt, le hanbalite Ibn Taymiya (1328) très influent chez les sunnites radicaux d’aujourd’hui, lança une fatwa contre eux, les taxant d'hérésie.
Sous l'Empire Ottoman, les Nosaïris, comme ont les appelés à l’époque, étaient des citoyens comme les autres depuis que des réformes les avaient inclus dans le système des millets qui visait à protéger les communautés religieuses. Mais le but était purement instrumental, il s’agissait par là de barrer la voie aux missionnaires chrétiens. Les ottomans construisirent des mosquées dans une perspective assimilationniste, mais celles-ci restèrent vides. Au début du XXème siècle, guidé par leur animosité envers les ottomans sunnites, ils se tournèrent vers le chi’isme. En 1920, avec le démantèlement de l’Empire ottoman, l'action française dans la Syrie sous mandat visait à créer une entité territoriale et politique autour de cette communauté. C’est ainsi que fut crée de toute pièce un territoire alaouite.
En 1920, les français créèrent de toute pièce un territoire “alaouite“, qui était la francisation du mot alawî, qualificatif utilisé par l’élite Nosaïri. Les français venaient de fonder “artificiellement“ un État sur une communauté. Donner le pouvoir à la minorité alaouite évitai de le donner à la majorité sunnite et ainsi éviter la recomposition d'une élite Ottomane qui venait d'être dissoute.
Dans les années 1920 et 1930, les alaouites interdirent l'exercice des tribunaux sunnites qui jusque là délivrait la justice. N'ayant pas de droit islamique propre, les alaouites se tournèrent vers leurs voisins, les chi'ites duodécimains iranien pour fonder leur droit afin de pouvoir délivrer la justice dans les futurs tribunaux.
En 1936 à la veille d'un traité franco-syrien prévoyant l’unification et l’indépendance de la Syrie, le grand mufti de Jérusalem Amîn al-Husaynî, célèbre pour sa poignée de main avec Hitler et Mussolini54, déclara que les alaouites étaient des musulmans et donc qu'ils appartenaient à la communauté des croyants, la oumma. Mais il s'agissait là d'une opération politique visant à contrecarrer les plans des français, le traité incluant une close de facilité militaire pour l’armée française en Syrie de 25 ans. Dans le même temps, les fatwas désignant les alaouites comme non musulmans (par les sunnites) ou non chi’ites (par la chi’ites) continuèrent.
L’autre date importante pour les alaouites c’est la fatwa de Moussa Sadr, principale autorité chi’ite libanaise, en 1973, et qui reconnait les alaouites comme chi’ite. Face à l’insistance d’Hafez al-Assad de reconnaître sa communauté dans la deuxième branche de l’islam, le cheikh libanais accepte de proclamer cet avis juridique, en échange de l’appui de Damas à la minorité chi’ite libanaise55. C’est que le ba’ath syrien, ennemi du ba’ath irakien de Saddam Hussein (bien que laïc, dominé par des sunnites) à besoin de soutien dans la région. Et ce soutient il va le trouver en menant une politique “assimilationniste“ visant à incorporer les alaouites au chi’isme. Ainsi, dans son village natal de Qardaha, Hafez al-Assad fait construire pas moins de 5 mosquées pour 6 000 habitants. Mais celles-ci restent vides, les alaouites leur préférant la fréquentation deleurs mausolées. Si le cheikh libanais accepte l'assimilation des alaouites aux chi'isme c'est donc pas pur intérêt politique.
Le rapprochement avec l’Iran
Pendant les années 1960 et 1970, l’Égypte et la Syrie vont former la pièce maîtresse du grand rêve nationaliste arabe. Cette alliance se nouera notamment autour de la lutte commune contre Israël. Mais à la fin des années 1970, sous les pression des Etats-Unis de Jimmy Carter, l’Égypte se rapproche de l’Occident, jusqu'à reconnaître l’existence d’Israël en 1979 à camp David. C’est un coup dur pour la Syrie qui perd son allié historique. Mais la même année, l’Iran se libère de la dictature du Shah. C’est la naissance d’un Iran, chi’ite, révolutionnaire et anti-impérialiste qui fait de sa lutte contre l’état hébreu et Saddam Hussein une priorité. Avec la Syrie, les ennemis sont communs, Hafez al-Assad qui sera le premier président à reconnaître l’existence de la république islamique d’Iran vient de trouver un nouvel allié. Aujourd’hui encore cette alliance perdure, et l’Iran fourni le plus gros des troupes au sol en soutient à Bachar al-Assad.
Mais il s’agit véritablement d’une alliance contre-nature, entre un parti socialiste et laïc (le ba’ath) et le régime des mollahs. Il est d’ailleurs important de noter que Khomeyni lui même refusera toujours de se rendre en Syrie et de considérer les alaouites comme musulmans. Le rapprochement religieux entre les alaouites et les chi’ites répond surtout à une volonté politique d’assimiler cette communauté à la deuxième plus grande branche de l’islam. En vérité les deux pays se retrouvent sur des inimités communes, à Israël, aux pétromonarchies conservatrices du Golfe et aux américains
NOTES
1 Marine Le Pen appelle à « s’associer à Bachar Al-Assad » car « Aussi contestable soit-il, l’Etat tenu par Bachar Al-Assad est un Etat, et en cela, il protège de la barbarie de l’Etat islamique ». Jean-Luc Mélenchon considère que Vladimir Poutine « va régler le problème ». Quant à Fillon, il convoque dans son livre Vaincre le totalitarisme islamique une analogie foireuse « De Gaulle discutait et s'alliait avec Staline pour abattre le nazisme » voir la critique de Jean-Pierre Filiu François Fillon se trompe de totalitarisme au Moyen-Orient, Le Monde 30/11/2016
2 Dans un entretien, Bachar Al-Assad se dépeint en leader démocrate, pacifiste et populaire, Le Monde, 9 Janvier 2017
3 Comment M.Mélenchon nie le peuple de Syrie et ses droits, Jean Pierre Filiu, Un Orient si Proche, 6 Janvier 2017
4 Un film de Talal Derki, 87 minutes, 2014
5 Cité dans François Brugat, Comprendre l’islam politique, La Découverte, Paris, 2016.
6 Bachar al-Assad devenu président suite à la mort accidentelle de son frère est à la base ophtalmologue.
7 Les enfants de Deraa, l’étincelle de l’insurrection syrienne, Le Monde, 08/03/2013
8 Le gardien de la révolution, Society, décembre 2016
9 citation de Nahed Badawi dans le chapitre La stratégie Al-Assad : diviser pour survivre de François Burgat, Pas de Printemps pour la Syrie, La Découverte, Paris, 2016.
10 Syrie. Les vrais ennemis de Bachar al-Assad, pas les « amis de Sadnaya », mais les révolutionnaires et les démocrates, Un œil sur la Syrie, Le Monde, Octobre 2013.
11 Cole Bunzel, cité dans Al-Qaïda et Iran, les liaisons dangereuses, Le Monde, 10/12/17
12 Rapport Al-Qaïda's road in and out of Irak, Combating Terrorism Center at West Point, Juin 2008
13 Là encore la petite historie rejoint la grande. Parmis les individus tolérés voir formés par le régime syrien on retrouve le français Boubaker el-Hakim. À partir de l'automne 2000 il suit l'enseignement rigoriste de Farid Benyettou à la Mosquée de Stalingrad à Paris au côté des frères Kouachi futurs assassins de Charlie Hebdo. Si les frères Kouachi ne parvinrent pas à s'envoler pour l'Irak afin d'aller un combattre les américains, el-Hakim lui parvient à se rendre en Syrie pour une suivre une formation religieuse et y devenir agent des services de renseignements syriens. Condamné avec toute la bande dite « des Buttes-chaumont », il part à sa libération en 2011 pour la Tunisie. Il met en place la branche local du groupe libyen Ansar al-Charia responsable de plusieurs actions (assassinats de personnalités comme l'avocate progressiste Chokri Belaïd, le député de gauche Mohammed Brahmi ou encore le massacre du Bardot en 2014 (22 morts)). En 2015 on le retrouve à Raqqa où il devient une sorte d'Émir de l'EI.
14 La croisade de Poutine en Syrie, Un œil sur la Syrie, Le Monde, 12 Janvier 2017
15 En Syrie, le régime, la Russie et l’Etat islamique unis pour exploiter un champ de gaz, Le Monde, 26 février 2016
16 Rappelons que c’est lors de l’opération Ajax et avec l’aide de la CIA et du MI6 que le Shah d’Iran remonte sur le trône en 1953. Il sera dés lors le “gendarme du Moyen-Orient“ (voir le chapitre sur l’Iran). Quant à l’Arabie Saoudite, en lien avec les USA depuis les années 1930, c’est surtout le pacte « pétrole contre nourriture » actée avec Roosevelt en 1945, qui en fait l’allié indéfectible des USA dans le Golfe Persique (voir le chapitre sur l’Arabie Saoudite).
17 Voir le chapitre 11/09.
18 La Russie et l’évolution du monde, interview de Vladimir Poutine à Ria Novosti, 7 mai 2012 Cité dans Michel Eltchaninoff, Dans la tête de Vladimir Poutine, Actes Sud, 2016
19 L’histoire méconnue des interventions militaires russes au Proche-Orient, Orient XXI, 28/04/16
20 En 1973 la Syrie et l’Égypte attaquent simultanément Israël afin de récupérer respectivement le Golan et le Sinaï, occupés depuis 1967 par Israël.
21 Jeffrey Goldberg, The Obama doctrine, The Atlantic, avril 2016
22 Malise Ruthven, Les milliards de l’Arabie Saoudite, revue le Débat, n° 198, janvier 2018
23 Interview de Shaikh Hassan, Yvonne Ridley, Middle East Monitor, 22/09/14
24 Cité dans Tania Rakhmanova, Au cœur du pouvoir russe, La découverte, Paris, 2014
25 Tania Rakhmanova, Au cœur du pouvoir russe, op. cité.
26 Il s’agit des chiffres d’Octobre 2015. Selon l’Observatoire Syrien des droits de l’Homme, début 2016 il faudrait plutôt parler de 312 000 à 450 000 morts, dont 80% seraient le fait du pouvoir et ses alliés.
27 Gilles Kepel, La fracture, Gallimard, Paris, 2016.
28 En Syrie, une « Pax Poutina » compliquée, Le Monde, 14/12/17
29 Voir la partie 2011.
30 Hillary Clinton, Le Temps des Décisions 2008-2013, 2014
31 Gilbert Achcar, Symptômes Morbides, La rechute du soulèvement arabe, Actes Sud, 2017
32 Gilbert Achcar, op. Cité.
33 Symptômes morbides, op. Cité.
34 Sur la révolution syrienne, éditions La Lenteur, 2017.
35 Saïd Hadda, Des armées solidaires du peuple ou du régime, Hors-série Le Monde, L’histoire du Proche-Orient, 2016
36 Pourquoi le monde musulman est devenu l’épicentre des conflits mondiaux, Smaïl Goumeziane, OrientXXI, décembre 2016
37 Daech, le climat et le pic pétrolier : aperçu des « tempêtes parfaites » de demain ?, Matthieu Auzzaneau, Oil Man, blog Le Monde, 26/11/2015
38 http://www.pnas.org/content/112/11/3241.abstract
39 Colin P.Kelley, Shahrzad Mohtadi, Mark A.Kane, Climat change in the fertile Crescent and implications of the récent syrians Drought. PNAS, 2015
40 Earth is parched where syrian farms trived, Robert F . Worth, New York Times 13/10/10
41 Voir L’anthropocène contre l’histoire, le réchauffement climatique à l’ère du capital, Andreas Malm, La Fabrique, Paris, 2017 notamment le chapitre la révolution comme symptôme.
42 Robin Yassin-Kassab et Leila al-Shami. Burning country : Syrians in Revolution and War, op. cité.
43 Voir la partie sur le onze septembre.
44 Les gaz de schistes américains arrivent discrètement en France, Observatoire des multinationales, 8/03/19
45 Pourquoi la planète consomme de plus en plus de gaz, Le Monde, 27/03/19
46 « C’est comme si deux hommes se partageaient un verre de Coca-Cola, chacun avec sa paille, et que l’un d’eux rigolait en son fort intérieur parce qu’il s’est aperçu que la paille de l’autre est percée » citation d’un diplomate dans Autour du pays mystérieux : riches et rusés face à l’Iran, Christophe Ayad et Benjamin Barthe, Le Monde, 26 juillet 2012
47 « L'autre point de discorde, prend racine dans les bonnes relations qu'entretien le Qatar avec l’Iran.Et pour cause, le Noth Dome, plus gros gisement de gaz naturel du monde, se situe à cheval entre les eaux territoriales des deux pays. Une manne financière qui explique pourquoi la petite monarchie sunnite ne peut se permettre de rompre les ponts avec la république islamique chiite. Or à l'occasion de sa visite à Ryad le 20 mai dernier, Donald Trump a clairement affiché sa volonté d'en finir avec la politique d'ouverture lancée par Barack Obama vis-à-vis de l'Iran chiite, ennemi historique de l'Arabie Saoudite sunnite. En qualifiant d' "axe du mal" la zone qui s'étend de l'Iran au territoire contrôlé par Daech, le président américain a accentué la pression autour de Téhéran et de ses alliés. Un blanc-seing pour Ryad. "Les Saoudiens ont l'impression que les Américains leur ont donné carte blanche pour agir comme ils l'entendent face à l’Iran, après les déclarations de Donald Trump", expose François Heisbourg président de l'International Institute for Strategic Studies (IISS) » Pourquoi le Qatar est mis au ban par l’Arabie Saoudite et ses alliés, L’express, 6/06/17
48 Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Les fantasmes géopolitiques du pétrole dans les pays en guerre... ou pas, op. cité.
49 Syrie-Russie : accord sur l’exploration pétrolière offshore, Luca Baccarini, Iris France, 10 janvier 2014.
50 David Rigoulet-Roze, La variable énergétique dans la crise syrienne, la question stratégique d'un futur gazoduc méditerranéen, revue Confluence Méditerranée, n°91, 2014
51 Olivier Roy, Les illusions du onze septembre, Seuil, Paris, 2002.
52 Les fantasmes géopolitiques du pétrole dans les pays en guerre... ou pas, op. cité.
53 L'entité alaouite, une création française, Sabrina Mervin dans Le choc colonial et l’islam, La Découverte, Paris, 2006.
54 Croissant fertile et croix gammée, Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallmann, édition Verdier, 2009
55 Être alaouite dans la syrie d’al-assad, Le monde des religions, 18/11/11