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Billet de blog 3 avril 2023

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Confusionnisme de gauche sur la Grande Famine ukrainienne de 1933

LFI et PCF s'enfoncent dans le plus total confusionnisme à l'Assemblée Nationale sur la possibilité de qualifier cette famine comme un génocide. En effet, derrière leur refus de reconnaître cette qualification d'un événement historique majeur, en premier lieu pour les Ukrainien.ne.s, c'est en fait leur positionnement bancal sur la guerre subie par celleux-ci qui fait surface.

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La gauche française et européenne est décidément empêtrée dans la définition de son positionnement sur l'Ukraine. A preuve la question clé de l'Holodomor (la grande famine organisée par Staline qui a décimé une grande partie des Ukrainien.ne.s) : est-elle caractérisable comme relevant d'un génocide ou pas ? Le sujet, voir l'article de Mediapart Comment la Grande Famine ukrainienne de 1933 est venue percuter la gauche française a fait l'objet, le 28 mars, d'un débat à l'Assemblée Nationale qui a débouché sur un vote quasi unanime, la LFI et PC n'ayant pas voté la résolution, en faveur de la qualification de génocide.

Dans les arguments échangés par les parlementaires de gauche, il y en a qui sont très révélateurs de la prise de position de certains sur la guerre même que mène, en ce moment, contre le peuple ukrainien, le capitaliste héritier revendiqué ... de Staline. Ainsi le député communiste Jean-Paul Lecoq explique son vote contre en ces termes : « Est-il opportun de voter ce texte qui nous rapprochera un peu plus du point de non-retour dans nos relations avec la Russie ? Si nous, Parlement français, voulons être les artisans d’une paix juste et durable entre l’Ukraine et la Russie, le vote d’une telle résolution ne semble pas adéquat ». Où l'on voit bien que, tout comme pour les Ukrainien.ne.s l'Holodomor, par la violente réactivation de son souvenir créée par l'agression barbare qu'iels subissent actuellement de la Russie de Poutine, est plus que jamais centralement constitutif de leur conscience nationale, pour la gauche qu'incarne le PC français, la relativisation qu'elle promeut de cet événement historique majeur a beaucoup à voir avec une vision de cette guerre actuelle relativisant, ou plutôt niant, au nom d'une conception de la paix absolument irénique, le droit du peuple ukrainien à se défendre militairement et, par là même à se fournir en armes. Avec, en contrepartie stupéfiante, l'affirmation de la nécessité d'éviter d'en arriver au point de non-retour..." dans nos relations avec la Russie" comme si le franchissement de ce fameux point, devenu un mantra pacifiste tuant l'idée même de solidarité sans réserve internationaliste avec un peuple agressé, devait "nous" être imputable et n'avait pas déjà été opéré, sans autre retour possible que l'obtention de sa défaite, par la seule Russie. Ce qui se mesure, si l'on veut bien se défaire des oeillères d'une russophilie mal débarrassée de ses archaïques errements staliniens, à l'échelle des atrocités commises dans l'actuelle guerre. Guerre dont, au demeurant, il faudra bien, au vu de la tournure qu'elle a vite prise, se poser la question si elle n'est pas en elle-même...génocidaire dans son projet avoué d'éradiquer toute ukrainité !

On notera que, du côté de LFI, on s'est réfugié dans l'abstention alors que, en décembre dernier, lors du débat sur le même sujet au Parlement Européen, la délégation insoumise avait voté à l'unanimité la résolution reconnaissant le caractère génocidaire de l'Holodomor. Il vaut la peine, à ce propos, de lire l'argument, avancé par une de ses député.e.s pour justifier leur vote d'alors, qui assume « avoir fait le choix de privilégier l’enjeu de la condamnation des crimes de Staline et d’envoyer un signal de soutien au peuple ukrainien dans le contexte de guerre actuel ». Evidence que la question de l'Holodomor ne saurait être dissociée, si ce n'est en endommageant toute cohérence politique de gauche, de l'obligation de soutien, sans calcul tacticien, au peuple ukrainien contre la Russie poutinienne dont la logique de massacre qu'elle lui impose signe bien sa filiation stalinienne.

Dernier point, montrant à quel point cette gauche française, déstabilisée et empêtrée dans un confusionnisme aberrant par ce débat sur l'Holodomor, a du mal à se montrer crédible sur la guerre en Ukraine, ce propos du député insoumis Bastien Lachaud : « Une loi mémorielle, ça n’a rien à voir avec notre position sur l’international. ». Or, l'enjeu de ce qui a été débattu à l'Assemblée Nationale n'était pas un vote en faveur d'une loi mémorielle, dont on peut interroger, à bon droit, qu'elle soit pertinente, mais d'une résolution politique, ce qui n'est pas la même chose, sur une qualification de génocide concernant l'Holodomor.

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