Procès Sarkozy. En ce qu'il est exemplaire du pari politique et médiatique de l'ignorance par où tente d'avancer la fascisation des esprits.
Le procès en correctionnelle de Nicolas Sarkozy qui lui a valu, entre autres choses, 5 ans d'emprisonnement avec incarcération à la clé, a déclenché un raz de marée de commentaires alignés sur l'indignation exprimée par le condamné à la sortie du tribunal. C'était, c'est encore, une véritable curée médiatique, emmenée par le journalisme d'extrême droite mais relayée par des esprits a priori plus modérés (par exemple Patrick Cohen), qui a ciblé et les juges et Mediapart, tous accusés d'avoir participé à un lynchage politico-judiciaire. Tous accusés et sans moyen de se défendre pour ce qui est des magistrats tenus à la réserve, face à ce qui relève d'une incroyable désinformation, de mensonges grossiers et d'une méconnaissance même de ce qu'a été le déroulement du procès, du contradictoire totalement respecté, du déroulé des preuves et des faisceaux d'indice, etc. Toutes choses que, fort heureusement, Mediapart et, en particulier, son journaliste en charge des enquêtes, Fabrice Arfi, ont méthodiquement démontées.
Informer sans se positionner à la source de l'information ?
Mais, pour bien comprendre ce qu'est l'asymétrie qui prévaut, malgré tout, entre la rationalité judiciaire qui a présidé à ce procès (et qu'on aimerait, il faut le dire, voir à l'oeuvre dans tous les procès et pour tous les justiciables) et "la désinformation folle" (pointée par Mediapart) qui s'est mise en marche, il faut partir d'un constat des plus étonnants : seuls "huit journalistes ont suivi la totalité des 38 audiences du procès" (1). Ce qui met en évidence que la massivité de la campagne médiatique de désinformation (redondance volontaire) dont on parle est inversement proportionnelle à la connaissance (la compétence) que ces vecteurs médiatiques ont de la réalité de ce dont ils parlent. Par où cette faillite médiatique se colore fascistement à partir d'une cassure vis-à-vis du réel judiciaire pour que s'ouvrent les vannes de l'idéologie brutalement la plus antidémocratique et démagogique. Etant entendu qu'elle explose, au profit d'une intox primaire, ce qui permet d'éclairer les consciences sur le réel.
Nous sommes en effet en train de voir la mise en place d'un schéma journalistique (et politique) d'ignorance à l'oeuvre en amont de la diffusion de l'information (les journalistes informateurs au sens d'avoir été au plus près de l'objet de l'information, le procès, furent rares) avec, comme prix inévitable de cette ignorance initiale, en aval dudit procès, de ce qui est à proprement parler l'acte d'informer : la manipulation et donc le dévoiement d'information avec un nombre incroyable de contresens. Ce schéma de torpillage de l'information trouve son aboutissement dans une volonté de faire partager cette ignorance désinformatrice, chez les "informateurs", du réel par des destinataires, vous, moi, tout le monde, que l'on voudrait voir privés de toute base de rationalité pour comprendre la réalité des choses du monde. En l'occurrence d'une séquence judiciaire majeure.
Désinformer pour fasciser...
Il ressort de tout ceci que le pari médiatique fait de l'ignorance ouvre la porte à la fascisation des esprits. Fascisation assumée par les médias que l'on sait, relayée par d'autres impactés par les premiers, pour créer l'effet populaire de meute dont a besoin tout fascisme pour saper les barrages antifascistes que sont 1/ la séparation des pouvoirs politique et judiciaire (et cela indépendamment de ce que sont les carences de la justice car, il se trouve que, dans le cas du procès Sarkozy, il n'y a pas eu carence mais plein respect du droit, de la loi et de la justice !) et 2/ la liberté de la presse où il est clair qu'une partie de celle-ci joue contre cette liberté ! Le tout dessinant un horizon d'arbitraire des plus inquiétants où le politique brunit sans cesse. D'autant plus que, à partir de ce qu'en dit l'ancienne magistrate Eva Joly, beaucoup de la gauche n'est vraiment pas à la hauteur des circonstances qui se dévoilent autour de ce procès.
(1) Voir à partir de 35.17 : « Une semaine de désinformation folle »
(2) Eva Joly : « Il n’y a pas de volonté politique contre la corruption »