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Billet de blog 5 octobre 2016

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Etre anticapitaliste de Podemos dans un Etat espagnol politiquement tourneboulé...

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Notes à partir de Isabel Serra: “Queremos evitar que en Podemos haya concentración de poder” (https://www.cuartopoder.es/…/isabel-serra-queremos-ev…/10433)

Une entrevue de Isabel Serra, membre du Conseil Citoyen de Podemos pour la Communauté de Madrid. IS est membre du courant Anticapitalistas de l'organisation et elle s'exprime sur le débat politique qui va amener à reconfigurer cette instance régionale du parti. Point intéressant : elle n'hésite pas à dire que ce débat a une portée nationale et concerne donc l'orientation générale du parti.

Les anticapitalistes de Podemos ont construit avec divers-es militant-es un regroupement Reinicia Podemos (littéralement Recommençons Podemos, plus clairement, Réinition Podemos,  Relançons Podemos, voire Réinitialisons Podemos !). Le point de départ est la crise que subit ce parti dont l'affrontement, plus ou moins de basse intensité, entre deux de ses principaux dirigeants, Iglesias et Errejón, n'est que la pointe émergée. IS souligne à quel point Podemos s'est institutionnalisé et éloigné de ses bases politiques (les cercles) et sociales (la population en général). La réponse des anticapitalistes est que le travail institutionnel doit désormais se subordonner à une pratique politique immergée dans le social et retrouver ainsi l'élan de la révolte des Indigné-es. En termes clairs, la rue (à quoi on pourrait ajouter, mais cela mérite d'être approfondi, les lieux de travail) doit redevenir prioritaire dans l'orientation du parti pour contribuer à y reconstruire le mouvement social. Mouvement social incontournable pour tout projet politique d'émancipation vis-à-vis du système.

Corollaire de ce positionnement, IS souligne l'erreur qu'il y aurait à gouverner avec le PSOE. Là, il faut dire clairement que s'exprime le plus fortement le point de rupture avec la politique prônée par Errejón mais aussi avec celle qui est défendue par Iglesias. La posture combative, voire contestatrice qu'assume celui-ci dans sa polémique avec son camarade, est en fait partie prenante d'une conception plus "musclée" du rapprochement avec le PSOE mais rapprochement et, pire, volonté de gouverner avec lui, il y a aussi chez Iglesias. On ne peut que noter cependant que IS s'exprime par sous-entendu sur ce volet de la critique de la politique menée par la direction de Podemos, y compris par le courant iglésiste : il y a visiblement volonté de ne pas aller au clash ouvert avec Iglesias. L'avenir dira si cette prudence sera tenable !

Reinicia Podemos accepterait de signer un accord programmatique avec le PSOE en quelques points mais sans que cela implique de gouverner avec lui : depuis ce qui serait affiché comme une opposition, il se vérifierait que cet accord signé, qui amènerait à voter pour ces mesures si elles venaient à être proposées par le PSOE, est autre chose que lettre morte ! Je ne vois personnellement pas l'intérêt politique, c'est le moins que l'on puisse dire, qu'il y aurait à signer un accord pour défendre des mesures politiques dont il suffirait de déclarer que ce sont des points du programme de Podemos qui amèneraient un vote "pour" si d'aventure le PSOE daignait les reprendre. Pas plus, pas moins. Signer la moindre chose avec un parti comme le PSOE serait symboliquement un acte de rapprochement avec un parti du régime qui affaiblirait l'image, défendue par IS et ses camarades, d'un Podemos solidement revenu s'ancrer sur la dynamique foncièrement anti-institutionnelle du mouvement des Indigné-es (15 M).

Après la défaite de Pedro Sánchez, à la tête du PSOE, et de la réassomption ouverte par ce parti autour de Suasana Díaz et des barons comme Felipe González, qu'il reste bien un des piliers du régime prêt probablement à faire que le PP puisse à nouveau gouverner et donc à appliquer l'austérité, Podemos n'a rien à gagner à poursuivre l'erreur commise par le couple Iglesias/Errejón : celle de courir après un PSOE qui serait compatible avec le changement. De ce point de vue l'échec de Pedro Sánchez (qui, rappelons-le, a toujours envisagé de s'allier à la droite incarnée par Ciudadanos) est l'échec du Podemos institutionnalisé contre lequel IS et les anticapitalistes se positionnent. Il serait, pour moi, cohérent que cette opposition écarte la moindre manifestation de proximité avec ce parti bourgeois qu'est le PSOE : la souplesse tactique nécessaire devrait, toujours de mon point de vue, passer par la disponibilité, somme toute classique chez les anticapitalistes, à appuyer toute extraordinaire propension d'un parti bourgeois, quelle qu'en soit la raison, à faire voter des mesures allant dans l'intérêt du peuple !

Enfin IS Serra rappelle la proposition des anticapitalistes de bouleverser le schéma de fonctionnement verticaliste et de concentration des pouvoirs qui prévaut dans Podemos depuis le premier congrès et qui place le centre de gravité du parti chez les élu-es : chez ceux et celles qui sont le plus coupé-es de la réalité sociale du pays car ils/elles se retrouvent pris-es dans des institutions peaufinées sur plusieurs décennies précisément à cet effet, mettre de la distance entre le bon peuple et ses "représentants". Au demeurant les élu-es de Podemos au Congrès et au Sénat n'ont pas fait la démonstration de pouvoir peser pour qu'il en aille autrement. Et ce n'est pas la voie envisagée de gouverner avec le PSOE qui pouvait donner de la crédibilité à l'idée que c'est depuis les institutions et seulement depuis les institutions que, comme l'a déclaré cet été Iglesias, l'on peut changer les choses dans le sens des intérêts populaires.

On pourra se reporter à ces lignes Espagne. Derrière la crise du PSOE, le spectre de l'échec de Podemos... pour comprendre que ce qui vient de se passer dans le PSOE signe, quel paradoxe, un échec de la ligne suivie par la direction de Podemos. Ce qui légitime l'orientation de Reinicia Podemos à ceci près que le cataclysme qui vient de se produire chez les socialistes appelle, me semble-t-il, à affirmer plus radicalement qu'on n'a rien à faire, mais ce qui s'appelle rien de rien, de près ou de loin, avec ce parti !

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A lire également : Espagne. Podemos, IU, PSOE...une gauche qui dilue l'alternative dans l'alternance...

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