« Montpellier l’Africaine », « Delafosse l’Africain », la presse locale n’est pas avare de boursouflures pompeuses à la veille de la tenue du Sommet France Afrique dans la capitale héraultaise, en présence vendredi d’Emmanuel Macron. Ces emballements médiatiques doivent cependant être douchés par un minimum de sens critique. Et cela en rappelant que l’événement montpelliérain, non seulement n’a pas de sens en soi, isolé de la réalité que connaissent les peuples d’Afrique, mais aussi et surtout parce qu’il tire sa pleine signification d’un autre événement, parisien celui-là, qui est en fait son double obscur : la rencontre en mai dernier, sous l’égide comme il se doit, en bonne tradition « africaine » de la France, du Président de la République. Emmanuel Macron avait réuni alors un très grand nombre de présidents et chefs de gouvernement africains ainsi que des représentants de l’UE et quelques personnalités : au menu, ce que d’aucuns appellent les affaires ou le business et que d’autres, dont nous sommes, considèrent exemplaire des sempiternels paramètres de la dépendance des uns couplés à l’exercice de la domination par les autres.

Illustration : nouvellesvagues.blog
Les peuples africains, victimes des exactions de leurs dirigeants locaux corrompus, souffrent de ce qui a été discrètement discuté à Paris et que l’on peut résumer à ce qu’un économiste, dans les années soixante déjà, désignait comme les mécanismes du « développement du sous-développement ». Par là-même, la débauche d’exaltation à Montpellier autour de l’amitié entre la France et l’Afrique sur fond d’hommages à la créativité culturelle de celle-ci, au dynamisme …entrepreneurial de sa jeunesse, dans l’oubli des guerres, du pillage des richesses naturelles, de la misère exponentielle des populations que la France promeut dans ce qui reste son pré carré colonial, version néocoloniale, est d’une indécence sans bornes. Comme est indécente l’attitude du maire de la ville, Michael Delafosse qui, en connivence avec l’Elysée, participe de cette gigantesque mystification : les paillettes d’ici, à Montpellier, ne sauraient faire oublier les désastres structurellement produits par la Françafrique.
Aussi l’organisation d’un Contre Sommet comme la mobilisation pour l’annulation même de tout sommet de cette nature, sont d’autant plus bienvenues qu’elles permettent de poser des contre-feux au dégâts causés par un racisme qui, autre face, des plus grimaçantes, de l’instrumentalisation des réalités africaines, prétend casser les clés de compréhension de ce que signifie l’arrivée en France de migrant.e.s, en particulier, en provenance de l’autre rive de la Méditerranée.
Il importe d'appuyer en présentiel ou en distanciel, comme il est de saison de dire, la manifestation de samedi en soutien au Contre Sommet comme à l’appel à l’annulation de l’idée même de Sommet Afrique France. Aucun sommet concernant l’Afrique n’a sa place, pour les raisons mentionnées plus haut, dans un pays comme la France : il revient aux Africain.e.s de décider des sommets qui s’inscrivent dans l’exercice de leur pleine souveraineté et de l’affirmation autonome de leur riche et belle culture !
Info du jour (7 octobre) : migrants en gare de Montpellier pour le Contre Sommet, direction le commissariat et puis...
Sommet France Afrique de Montpellier...un sommet contre les peuples !
Voilà un début en fanfare pour cette grande opération de poudre aux yeux qu'est ce Sommet : 10 sans papiers venant participer aux mobilisations contre ledit Sommet ont été arrêtés à leur descente de la gare de Montpellier. Tout a beau être en règle par déclaration au Ministère de l'Intérieur comme aux préfectures de Paris et de l'Hérault, les réflexes antipopulaires des organisateurs de cet imbuvable raout se sont activés : preuve éclatante que ne sont toléré.e.s en cette occasion que ceux et celles qui acceptent de se plier à la mystification qu'il s'agit de célébrer l'amitié des peuples. La réalité que le Sommet cherche à occulter est là toute crue, à la descente d'un train, direction le commissariat : haro sur les migrants, leur présence détonne, de fait au double sens du mot ; elle déroge à l'asepsie politique à laquelle Macron mais aussi le maire socialiste de Montpellier voudraient soumettre l'événement; cette présence fait ainsi exploser le voile mystificateur de l'idée d'amitié entre les peuples qui présiderait à l'organisation du sommet.
Des migrants embastillés, voilà que s'exhibe la nature de cette République invoquée fille des Lumières. C'est l'obscurité des cachots qui donne le la républicain de Macron et de son compère socialiste : les migrants il est vrai, par leur présence mais aussi leur combativité, nous rappellent que la France institutionnelle, celle qui impose la logique mortifère de la Françafrique là-bas, de l'autre côté de la Méditerranée, est régie, ici même, en France, à "Montpellier capitale africaine" comme vient de titrer une gazette locale, par la loi d'airain du capital.
Trêve d'esbrouffe : obtenir la libération des emprisonnés doit devenir la bannière de la mobilisation contre l'insultante supercherie de ce Sommet, pour l'annulation de l'idée même d'un sommet aux connotations clairement néocoloniales. C'est réaffirmer notre solidarité inconditionnelle avec les peuples d'Afrique. Cela dans le double rejet de l'Etat impérialiste français et de leurs marionnettes placées à la tête de la plupart des Etats africains. Le tout débouchant sur l'engagement aux côtés des migrant.e. pour la satisfaction de leurs revendications (droit d'accueil digne, d'installation, de circulation, d'études, de vote, etc.). L'amitié avec l'Afrique, avec ses peuples passe par là, seulement par là, loin des paillettes et de la com' officielles. Manifestons pour le crier dans les rues de Montpellier !
Info dernière minute : sur les 7 arrêtés, 5 ont été relâchés avec Ordre de Quitter le Territoire Français (OQTF) et 2 ont été placés en Centre de Rétention Administrative (CRA)... Plus beau le Sommet France Afrique !
Antoine