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Billet de blog 14 mars 2025

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La paix proposée par Mélenchon en Ukraine

Parler des "exagérés des deux camps", comme fait Jean-Luc Mélenchon, est une faute politique. il n'y a pas d'"exagérés" parmi les Ukrainien.ne.s qui sont sur le front. Ou alors, il faut aller jusqu'au bout du propos et dire que l'écrasante majorité de ceux et celles-ci qui soutiennent, tous les sondages le montrent, renseignez-vous, la résistance armée à l'envahisseur, sont des exagéré.e.s.

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Guerre d'Ukraine. Jean-Luc Mélenchon tel qu'en lui-même.
C'était hier sur France Inter (1) que cela s'est passé et voilà ce que le chef LFI a lâché moins de 2 minutes après avoir commencé à parler :
"Dans les derniers mètres d'un processus de paix, ou en tout cas, quand on est entrés dans un processus de cessez-le-feu, il y a toujours les exagérés de chaque camp qui veulent mettre à profit cette ultime période pour grignoter les km2 qu'il faut reprendre avant que s'arrête la ligne de front."
"Les exagérés des deux camps", voilà qu'elle est bien ciselée cette formule : dans un discours politique il y a souvent ce qu'on peut appeler des noeuds lexicaux particulièrement signifiants qu'une surabondance de mots cherche par la suite à recouvrir d'effets ronflants. Comme, par exemple, sur ce qui serait la volonté française de faire la guerre à la Russie, par où il se perd de vue l'importance de ce qui a été lâché en liminaire, alors qu'en réalité "ça" continue à fonctionner en sourdine, mais subliminalement chez les destinataires s'ils n'y prennent garde, comme fond du message délivré dans l'intervention.

Illustration 1

Parler des "exagérés des deux camps" est, disons-le tout net, une faute politique rédhibitoire quand on se réclame, comme fait Mélenchon, des droits des peuples à vivre en paix sans être envahis : non, Monsieur Mélenchon, il n'y a pas d'exagéré.e.s parmi les Ukrainien.ne.s qui sont sur le front. Ou alors, allez jusqu'au bout de votre propos, et dites que l'écrasante majorité de ceux et celles-ci qui soutiennent, tous les sondages le montrent, renseignez-vous, la résistance armée à l'envahisseur, sont des exagéré.e.s. Tous et toutes sont pour la paix mais pas comme vous l'envisagez ... à leur place. L'idée de céder du territoire (vous parlez même de "partition"), dont vous déclarez qu'elle est inévitable, est refusée largement. Ce qui signifie que, pour les Ukrainien.ne.s, accepter un cessez-le-feu, ne parlons donc pas de paix SVP, n'oblige pas à reconnaître la partition du territoire national.
Au demeurant, et cela aussi est lourd de sens, dans tout ce que dit Mélenchon dans les 21 minutes de sa prestation, il n'y a aucune mention de ce que pensent et veulent les Ukrainien.ne.s. Pardon, je rectifie, il y a cette mention des exagérés, oui, ce mot, ces mots que je relève et qui signent un incroyable déni de ce que le peuple ukrainien est, l'agressé, et de ce qu'il veut et qui n'est pas la paix mélenchonienne !
Mais peut-être le plus grave est-il que l'ellipse infâme du peuple ukrainien au profit d'une fantomatique bande d'exagérés ultrabellicistes, outre qu'elle caricature un peuple en symbiose avec son armée qui ne veut pas grappiller des km2 pour grappiller des km2 mais qui, avant tout, veut récupérer du territoire national, et qui, en réalité, cherche, en premier lieu, à repousser l'ennemi afin d'éviter qu'il n'en grappille plus encore - quelle insulte de ne pas le voir -, outre, donc tout ceci, il y a que, par ces mots "les exagérés des deux camps", l'ellipse mélenchonienne pose un signe d'égalité entre l'agressé (tout un, un peuple avec son armée) qui se défend et l'agresseur (tout un, un dictateur néofasciste et ses affidés et sa chair à canon) qui attaque, détruit, tue...
Cette terrifiante équidistance, en peu de mots, déjoue toutes les acrobaties discursives opérées par l'Insoumis en faveur du droit de l'Ukraine à ne pas être agressée, du droit à l'inviolabilité des frontières, etc. Le fin mot de la position mélenchonienne c'est, malheureuse expression que celle des "deux camps," qu'elle ouvre sur un double campisme antiukrainien : 1/ celui qui, campisme proPoutinien, essayant de passer inaperçu, par quelque bout qu'on prenne la chose, reconnaît de facto (pas de jure mais c'est sans conséquence !) à Poutine, de ne pas être mis en déroute (pas question que l'on dote l'Ukraine des moyens d'attaquer en profondeur les centres de guerre russes et que l'on travaille à affaiblir radicalement, jusqu'à mettre hors d'état de nuire, le mégalomane du Kremlin !); qui lui reconnaît de garder les territoires conquis, en assumant, sans le dire, contre ce qui est dit, que le droit international soit bafoué et que cela soit une invitation faite aux satrapes de tout poil à ce que la guerre s'invite partout ailleurs dans le monde et 2/ campisme contre les Ukrainiens mais aussi contre les peuples du monde reposant sur le syndrome pacifiste des poupées russes : la recherche bornée de la paix, posée comme un absolu, ce concept si noble qu'il fait l'unanimité, à peu de frais, quand il repose, en son fond, sur une approche biaisée de ce qu'est la guerre. Ce qui est le cas de Mélenchon à travers son "histoire", loufoque préhistoire, foncièrement poutinienne, de cette guerre contre l'Ukraine, d'une OTAN qui aurait menacé la Russie et qui l'aurait poussée à attaquer... pour se défendre. Orwell réveille-toi ! Posture qui cache grossièrement la réalité de la menace de guerre, par-delà celle d'Ukraine, et empêche de s'y préparer. En opposant, de façon irresponsable, les dépenses nécessaires à s'armer à celles que nécessite la défense de l'environnement ou des besoins sociaux des Français. En oubliant que c'est la guerre de Poutine qui a porté un catastrophique préjudice à la préservation (et plus) des équilibres écologiques de l'Ukraine, de la Russie et du monde. Et qui par son expansionnisme fou est un facteur d'augmentation tous azimuts de réchauffement climatique et de mise en danger des droits sociaux de par le monde ! Ce que la paix de Mélenchon ne peut en aucune façon exorciser, si tant est qu'il faille en parler en terme d'exorcisme.
Cette paix visée à la mélenchonienne est une paix littéralement désarmante comme l'a été la paix de Munich en 1938, ce tragique prélude à une guerre mondiale. Anecdote significative : à son retour de Munich, le président du Conseil Daladier, persuadé qu'il allait être hué, avait été accueilli, à sa grande surprise, à l'aéroport par une foule en délire, applaudissant à tout va celui qui "avait sauvé la paix". Il aurait grommelé, écrit Sartre, « les cons ! » ! D'autres versions disent "ces gens sont fous" !
Restons polis : Mélenchon ? Au fou !
(1) https://www.youtube.com/watch?v=seORd3dDuls

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