Lu sur le blog de Jean-Luc Mélenchon :
[C'est nous qui soulignons]
S’il est bien normal que bon nombre de nos amis ne soient pas heureux de ces propositions [de Tsipras à l'Eurogroupe] , il est bien normal que nous disions de notre côté pourquoi c’est un devoir de soutenir Tsipras à cette heure sans faiblir. […] [Il faut] d’abord résister, comme à chaque étape, à l’utilisation qui est faite de toute proposition de Tsipras pour la convertir en « capitulation », « trahison » et ainsi de suite, dans le but de démoraliser et dissuader toute confiance dans l’esprit de résistance. […]
Je partage l’avis de mon camarde Guillaume Etievant lorsqu’il écrit : « J'irais même plus loin en affirmant que les choses vont dans le bon sens si on reprend l'historique des négociations depuis le début : on est maintenant proche d'un accord sur trois ans avec rééchelonnement de la dette, sans aucune attaque contre le droit du travail (bien au contraire, il sera amélioré sur la base des recommandation de l'OIT), aucune attaque contre les salaires ni les pensions de retraites, ni la protection sociale. Et toute la progression de l'excédent budgétaire vient de nouvelles recettes fiscales et non pas d'une baisse des dépenses ! Rappelons-nous d’où on est partis ! Au départ, les créanciers voulaient tout décider et imposer toutes leurs réformes structurelles. Certes, on est loin du programme de Syriza, mais vu la situation d'étranglements financiers, et la faiblesse d'un petit pays comme la Grèce dans les négociations, et du fait que, contrairement à ce qu'on pensait, l'Allemagne souhaite la sortie de la Grèce de l'euro, le rapport de force mené par Tsipras est considérable. » Cliquer ici
Remarques : nous rappelons que ces lignes ont été écrites le 11 juillet. Il faudra attendre deux jours pour que tout devienne enfin clair : Grèce : un accord contraint qu’il ne faut pas soutenir
Le rétablissement est cependant extraordinairement emberlificoté : on reste solidaire d'un Tsipras qui aura, nous dit-on, résisté magnifiquement, mais on ne soutient pas ce qu'il a signé : " Il faut soutenir Alexis Tsipras et ne pas s’ajouter à la meute de ceux qui veulent le déchirer et se rendent complice du coup d’état tenté contre lui et les Grecs. Mais il ne faut pas soutenir l’accord pour ne pas cautionner la violence dont il est issu et qu’il prolonge. "
A notre avis : Mélenchon ou la dialectique de la quadrature du cercle
On savait Jean-Luc en délicatesse avec la dialectique mais là avouons qu'il en surprendra encore plus d'un-e. Malgré les classiques rodomontades du type "Mobilisés en équipe et avec traducteurs, mes amis et moi nous n’avons pas lâché les devoirs de la froide analyse et de la « solidarité raisonnée » qui est notre règle éthique et politique." Froide analyse ? Solidarité raisonnée ? La preuve par le soutien "schizo" à Tsipras contre ce qu'il a signé avec les eurocrates ? Et quid de la question politique test : si le peuple grec, comme on peut l'espérer, se lève contre l'accord austéritaire qui n'a d'autre but que de le "casser" socialement et politiquement, faudra-t-il le soutenir contre celui qui appliquera (avec ce qu'il faut pour que force reste à la loi ?) ledit accord ? Un Tsipras désormais forcément en rupture avec sa gauche et mécaniquement en convergence avec la droite ND et Pasok (+ Potami), hier honnie et toujours inféodée à Merkel-Hollande... mais un Tsipras que l'on soutient ! (1)
Parions qu'il y a là quelque chose d'une quadrature de cercle d'autant plus inconfortable politiquement que les référents de la 6eR, du PG ou du FdG sont explosés (2). En particulier sur la Grèce. Reconnaissons que, malgré tout, le laborieux rétablissement de Mélenchon, désapprouvant les décisions prises par les chefs d'Etat de l'UE, lui permet d'échapper aux honteux alignement du PCF sur la politique de capitulation de Tsipras (cliquer ici). Réflexe de survie politique in extremis qui ne change rien sur le fond d'un syndrome germanophobe aggravé et directement indexé sur un républicanisme cocardier qui évacue ce qui est au coeur de l'actualité grecque : la lutte des classes dont l'UE démontre de façon exacerbée qu'elle est dans son ADN politique et qu'elle s'applique à mener jusqu'à sa plus totale cohérence capitaliste. A l'inverse des pathétiques et dramatiques acrobaties ou rétropédalages par lesquelles les antilibéraux comme Mélenchon ou Tsipras lui laissent le champ libre... Tout ceci lance un défi aux anticapitalistes qui doivent prouver qu'ils peuvent sortir de leur impuissance souvent incantatoire, qu'ils peuvent élaborer une réponse au désarroi que les populations matraquées vivent et que, par là-même, ils sont la seule chance de neutraliser le développement d'une extrême droite qui pourrait s'alimenter des démissions politiques et autres confusionnismes antérieurement évoqués.
(1) Le "pour mais contre" de Jean-Luc Mélenchon est en miroir du "J'ai signé un accord auquel je ne crois pas mais j'assumerai mes responsabilités" (Tsipras) qui pourrait être l'emblème des antilibéraux qui rusent avec la lutte des classes pour le plus grand bonheur des adeptes conséquents de celle-ci, les capitalistes et leurs serviteurs politiques !
(2) On relèvera dans la dernière livraison de son blog cet aveu de Jean-Luc Mélenchon qui renvoie à ce qu'il a mis en oeuvre dès l'après-présidentielle et a à voir avec une progressive décrédibilisation que le retour vibrionnant du "parler vrai, parler dru" n'a plus pu rattraper : "Nous avons mis en veilleuse nos critiques de François Hollande, même si nos encouragements à bien faire ont comme d’habitude été utilisés sans scrupule pour faire croire à notre adhésion." (lire ici). On pourra se reporter à ce qu'à ce propos nous écrivions de la "gauche édredon" en juin 2012 : cliquer ici
Billet extrait de Paris-Athènes-Berlin, le mélenchonisme en son triangle des Bermudes ...