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Billet de blog 16 avril 2022

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Le fascisme à nos portes ? Petit retour sur l’Allemagne des années 30

Macron n’est pas Hindenburg mais cette évidence ne devrait pas servir à sous-estimer le choix politique désastreux qui permettrait au premier de bénéficier, sans que les modalités de ce bénéfice soient les mêmes, de l’irresponsabilité à gauche qui a amené, en son temps, le second à commettre le méfait historique de servir de rampe de lancement de l’hitlérisme.

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On a, à juste titre, critiqué l’irresponsabilité du KPD (PC allemand) faisant, dans les années 30, des socialistes des sociaux-fachos, divisant là où il fallait unir le mouvement ouvrier. On oublie trop souvent l’envers de la médaille de l’irresponsabilité politique : le SPD (socialistes) n’a pas hésité, de son côté, en 1932 à appeler à voter pour le maréchal Hindenburg, le représentant de la droite la plus conservatrice, qui sollicitait d'être reconduit pour un second mandat après que, sous le premier, il avait mené une politique antipopulaire ayant contribué à faire monter le danger nazi !

Macron n’est pas Hindenburg, ni Marine Le Pen un simple décalque de Hitler, ce qui n’enlève rien à son extrême dangerosité néofasciste. La situation économique et politique n’est pas exactement la même. Mais il y a un terrible danger à reproduire en pire, les erreurs du mouvement ouvrier allemand de ces années noires, d’autant qu’il serait vain de surmajorer le sens politique du succès de premier tour d’une Union Populaire qui n’a d’autres préoccupations que de mener une action politique dans des institutions pourtant largement verrouillées. Ce que LFI a fait depuis 2017 est assez clair de l’incapacité de ce courant à faire d’un succès électoral un levier pour développer des mobilisations extra-institutionnelles, et rien n’indique qu’un changement de cap se dessine suite au premier tour de la présidentielle. Sans parler de son refus, lors de la campagne de premier tour, de favoriser un regroupement unitaire de rupture avec le gouvernement et, de façon irrévocablement complémentaire, de lutte contre le Rassemblement National et le zemmourisme.

Ne faisons donc pas des analogies réductrices et biaisées entre ce qui prévalait en Allemagne dans ces années 30 et la situation politique que nous connaissons en France : il y a simplement à réfléchir sur ce que, par-dessus ces différences, se profile l’erreur politique, toujours actuelle comme on le voit au détour de l’invitation à faire barrage à la « fasciste » en votant pour le « fascisateur » (mot de Frédéric Lordon) Macron, qu’il y a à fantasmer sur une politique du moindre mal qui éviterait le pire dont on a vu depuis 2017 (et on pourrait remonter à bien plus loin) qu’elle mène toujours plus près du pire ! Cette erreur c’est, comme a fait le SPD en 1932, d'adopter aujourd'hui une position politique faisant d’un personnage de droite "extrémistement" dure le levier appelé à bloquer l’avènement du pire fasciste, alors que ledit personnage de droite est lui-même actif fascisateur. Et qu'il renouera, servi par l'éventuel fourvoiement de la gauche votante en sa faveur, avec une pratique exponentiellement dévastatrice des libertés et des droits sociaux et un surdéveloppement toujours plus fascisant des violences policières pour neutraliser les velléités contestatrices : « En octobre 1931, le président Hindenburg rencontre pour la première fois le Führer du NSDAP, Adolf Hitler, au cours d'un entretien au palais présidentiel. L'entrevue tourne au désastre : les deux hommes ne s'entendent absolument pas. », le 30 janvier 1933 Hindenburg nomme Hitler Chancelier du Reich et, en moins de deux ans, il installe sa dictature !

Alors, évitons les distorsions intéressées à cacher la misère des légèretés argumentatives prônant la nécessité de faire de Macron le barrage à Le Pen. Macron n’est pas Hindenburg mais cette évidence ne devrait pas servir à sous-estimer le choix politique désastreux qui permettrait au premier de bénéficier, sans que les modalités de ce bénéfice soient les mêmes, de l’irresponsabilité à gauche qui a amené, en son temps, le second à commettre le méfait historique de servir de rampe de lancement de l’hitlérisme : le choix du dévoiement de l'antifascisme qui est dans le faire barrage en refusant de constater que ce barrage est largement fissuré par celui-là même que l’on nous présente comme en étant la figure même !

Pour conclure : si nous empruntons ici à l’histoire sinistre de l’avènement du nazisme c’est bien parce que les « barragistes » électoraux ne procèdent à aucune analyse sérieuse de ce qu’est la « fascisation » institutionnelle dont Macron, principalement pour le rôle ultraviolent qu’il fait jouer à la police contre les contestations et, concomitamment, son positionnement raciste islamophobe traduit en lois séparatisme et sécurité globale, est le vecteur comme Hindenburg en a été un il y a quelque 90 ans. Il y a, toutes choses égales par ailleurs, du hindenburgisme chez lui qui amène une bonne partie de la gauche, et certains à l’extrême gauche, à agir comme fit désastreusement le SPD alors que les organisations de gauche se refusant à appeler à voter Macron ne commettent pas l’erreur inverse à celle du SPD, celle du KDP, de sous-estimer la dangerosité de Marine Le Pen qu’elles appellent à combattre, sans attendre le second tour. Mais sans lier l’appel à cette mobilisation à rien qui incite à créditer le vote Macron d’être la médiation...utile (ah ! la mode de l'utilitarisme politique et de son frère dévalué, le "pragmatisme") pour éviter un succès de Marine Le Pen. Par où ces gauches du vote barrage se font barrage à elles-mêmes avant de se noyer dans l'impuissance induite par l'erreur exponentielle commise.

Antoine

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