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Billet de blog 18 janv. 2020

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Mélenchon-Iglesias, deux paris identiques, deux échecs différents

Beaucoup ont cru en Mélenchon ou en Iglesias. Partis sur une même démarche conflictuelle avec leurs socialistes respectifs, le premier en instrumentalisant électoralement les mobilisations sociales en cours, le second en faisant de même avec celle, achevée, des Indigné-es, ils ont tous deux chaviré, chacun à sa façon, dans l'impuissance politique !

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Ce qui suit est initialement une réponse à un commentaire fait sur l'article de Pauline Graulle paru hier sur Mediapart : Retraites: à gauche, l’introuvable débouché politique

Ce commentaire auquel je réponds a cru bon de faire référence de façon élogieuse au "gouvernement progressiste" qui s'est mis en place en Espagne. Par où il y aurait à envisager, ce que je conteste, le "trouvable débouché politique" à gauche, ici en France, qu'amène à penser la lecture dudit article mediapartien. Tout ce qui est écrit ci-dessous ne fait qu'esquisser la problématique qui me semble essentielle de par ma double expérience d'analyseur de ce qui se passe en Espagne et de ce que je vois et essaye d'analyser ici.

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Un gouvernement  très à gauche en Espagne ? Avec Sánchez aux manettes et Podemos en débandade sur le strapontin (1) ? Cela me rappelle ce qu'on disait, peu ou prou, de Mitterrand en 80-81 (avec le PC qui a fini sur le strapontin). On veut le rêve, bonjour le cauchemar ! Ne l'oublions pas, l'état de la gauche, aujourd'hui en France, a quelque chose à voir avec les années Mitterrand. Le temps long de la politique dit quelque chose du temps présent. Beaucoup de choses ont changé depuis ces années mais réfléchissons dans quel sens : le raccourcissement des cycles de mystification "de gauche" des espoirs suscités.

Illustration 1

Regardez Podemos, cinq ans après l'état des lieux : quasiment en jeu égal , en 2014-2015 avec un PSOE qu'il voulait dépasser (grossière erreur, par les seules élections !) pour lui imposer d'être éventuellement un allié subalterne. Maintenant la bascule s'est produite car le système sait promouvoir ses options : le PSOE a hégémonisé Podemos ravalé à être, lui, le subalterne ! Mélenchon et Iglesias, c'est le même réformisme "radical" avec la particularité, pour le premier, d'avoir contribué à l'effondrement des socialistes dont le système pouvait se passer pour lancer Macron, à défaut de Fillon, tandis que le second s'est heurté à un PSOE en recul mais toujours alimenté comme option de secours par ledit système. Du coup Mélenchon s'est trouvé tout nu dans la croyance qu'il pouvait occuper à lui seul l'espace de l'alternative et, sans plus avoir le recours d'un PS allié, navigue à vue. Tandis qu'Iglesias, qui, paradoxalement, a échoué dans ce que Mélenchon a réussi, "tuer" les socialistes, il fait de nécessité vertu et se contente de jouer les seconds couteaux sous direction des socialistes.  

Dans les deux cas, le réformisme radical (antilibéral), avec deux trajectoires finalement différentes, a échoué à opérer les ruptures antisystème nécessaires en sous-estimant justement ce que l'ordre/désordre capitaliste conserve comme moyen pour neutraliser ses opposants les moins rupturistes tout en marginalisant les plus rupturistes (extrême gauche). Dans les deux cas aussi, à l'exception de la Catalogne, du mouvement féministe et des retraités, l'Espagne, par rebond de la défaite électorale qu'elle a infligée à la gauche radicale (Podemos et Communs) qui a joué les institutions contre la rue (relancer la contestation indignée), parvient à démobiliser les radicalités sociales et cela suffit, dans l'immédiat, pour que l'Etat espagnol survive à sa crise de légitimité, pourtant profonde; tandis qu'en France, Macron joue du vide politique laissé par l'échec d'un Mélenchon ayant fait exploser autour de lui le paysage de la gauche politique sans que la gauche sociale parvienne à se doter d'une option politique propre ou à en dégager une (ou plusieurs), non nécessairement représentatives de l'ensemble, en son sein.

Or, si la France de Macron ne parvient pas, contrairement à son alter ego espagnol, à mater ses oppositions (Gilets Jaunes, mobilisation des retraites), là aussi paradoxe, c'est largement parce que l'option "dérivatif électoraliste" de Mélenchon ne marche plus. Pas moyen, et au fond, pas nécessaire, de le mouiller dans une alliance prosystème, comme cela a été possible avec un Podemos en net recul mais surestimé encore une menace (les possédants d'outre-Pyrénées, qui n'ont pas assez médité ce qui s'est passé chez nous sous Mitterrand et après, sont tétanisés à l'idée que des "communistes-chavistes" puissent, malgré les signes d'allégeance à la modération qu'ils émettent, faire la révolution !) : LFI est orpheline du Père sévère et gardien de la Loi (pour avoir cru que Mélenchon pouvait l'incarner) auquel Iglesias, se dépouillant de sa morgue habituelle, a décidé de se donner. Tout ceci ne dégage pas une feuille de route claire pour opposer à Macron une alternative de gauche mais dit, selon moi, ce qu'il faut écarter comme piège systémique. A savoir la déviation de l'énergie sociale mais aussi écologiste, massivement mobilisée en ce moment, vers l'électoralisme ! Les urnes sont le "lieu" exact où les dominants diffusent que les contestations doivent aller car ils savent que c'est là que les plus dangereuses pour eux se désactivent vite ! LFI comme Podemos en sont la preuve éclatante.  Tant que le mélenchonisme a été une option politique crédible, les mobilisations sociales (retraites, loi travail) se sont ensablées dans des stratégies "tourne en rond" dans l'attente (promues par les appareils syndicaux mais aussi, pour beaucoup, intériorisées par les acteurs de ces mouvements) de récupérer la mise aux élections. Podemos, quant à lui, n'a eu qu'à "gérer" le reflux du mouvement des places (15-M) en se gardant bien de travailler à le relancer ou, mieux, à le réorienter pour faire jonction avec les salariés restés extérieurs/étrangers aux dites places.

C'est par là, pour moi, qu'il faut commencer à penser de sortir des impasses passées et présentes à gauche ! Pour répondre à ce que je lis dans ce commentaire "Etre (vraiment) de gauche ça veut dire forcément être anti-libéral économiquement." :  Etre (vraiment) de gauche ça veut dire forcément être anticapitaliste politiquement et, partant, économiquement.

(1) Espagne : Pedro Sánchez, ce pompier pyromane du danger fasciste

Espagne. Sánchez et ses raisons de gouverner avec Podemos...

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