Le rude titre de ce billet est tiré d'un commentaire fait par "Quentin" sur le site de Bellaciao en réaction à un texte élogieux envers le discours du communiste Pierre Laurent à la fête de l'Humanité (1). Ces lignes, que je publie ci-dessous, me semblent, à bien des égards, pertinentes car développant une critique constructive de gauche de l'orientation du Front de Gauche.
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Sur le fond du programme, celui du Front de Gauche est dès le départ un programme à l’eau tiède teinté d’une pointe de nostalgie pour le capitalisme mixte des trente Glorieuses.
Non le FDG n’évoque pas une réquisition des banques et assurances pour créer un monopole public en charge de l’investissement utile et coupant certains circuits de la spéculation. Il évoque un pôle public (Caisse des dépôts, banque postale…) à côté du secteur bancaire et assurantiel privé. C’est toujours celui-ci qui fera la loi. La question de l’indemnisation des gros actionnaires n’est même pas posée alors que cette indemnisation des actionnaires lors des privatisations de 1982 a joué un rôle essentiel dans l’amorce de l’endettement public.
Le seul secteur d’activité promis à la création d’un secteur public est celui de l’énergie sans que l’expropriation des gros actionnaires de Total ou de GDF Suez soit évoquée. Pour le reste, des pôles publics sont envisagés à côté des mastodontes du privé : chimie, médicaments, bâtiment, transports… Et ces pôles publics seraient en fait des partenariats public/privé !
Dans le système capitaliste mondialisé, cette économie mixte largement privatisée restera déterminée par les lois du marché : compétitivité, licenciements, etc.
Sur la dette, le FDG ne propose pas son annulation. Il est d’accord pour l’audit de la dette mais insiste surtout pour que la BCE finance les Etats européens. Avec quel argent, acquis auprès de quels créanciers ? Le FdG insiste surtout sur le rééchelonnement d’une partie de la dette, politique dont on a vu les effets en Amérique du Sud avec le plan Brady.
En matière de revenu, l’écart de 1 à 20 des salaires dans les entreprises est irrecevable et sans fondement dans une économie en transition vers le socialisme. Quant au revenu maximal autorisé de 20 fois supérieur au revenu médian, on est dans le foutage de gueule absolu : l’écart sera bien plus important pour les cinq déciles de revenus inférieurs au médian. On est loin de la proposition de Marchais en 1981 qui posait un rapport de 1 à 15 dans l’échelle des revenus.
En ce qui concerne les licenciements, la proposition du FdG est assez nébuleuse. Qu’est-ce qu’un licenciement boursier ? Le droit de véto suspensif se solde comment quand les experts du CE sont passés (et ont pris leur chèque) ?
De plus, sur les institutions, le Sénat et la présidence de la République, même rééquilibrés, restent en place. L’Onu "réformée" également.
Ensuite, la capacité des composantes de la gauche à s’émanciper des aspects les plus progressistes de leur programme n’est plus à démontrer.
Dès 1982, l’Union de la Gauche supprimait l’échelle mobile des salaires et ouvrait aux marchés financiers les portes de l’économie tout en effectuant le tournant de la rigueur.
Dès 1998, la Gauche Plurielle entamait un programme de privatisations y compris des entreprises publiques clés des transports et des télécommunications, sans parler des derniers éléments publics du secteur financier.
Aucune de ces décisions politiques ne se déduisaient en tant que telles des programmes affichés par le PS (en 1981) et par le PCF (en 1981 et 1997).
Cela atteste que sans mobilisation de masse, sans rupture avec les institutions, aucune mesure favorable aux travailleurs ne peut être arrachée au capital.
Cela confirme que toute alliance formée sous l’égide du PS ne peut que conduire, non seulement à l’impasse, mais surtout aux reniements. A fortiori avec la crise formidable que traverse la société capitaliste.
Le programme du FdG, même s’il comporte quelques avancées, est sans rapport avec l’ampleur de la crise. La mise en œuvre de la moindre mesure progressiste supposera un affrontement violent avec le capital et ses institutions.
Le FdG et sa révolution citoyenne assument-t-ils cet affrontement sans merci ?
Le prépare-t-on en poursuivant l’alliance sous domination PS dans les villes, cantons et régions. Sans parler de l’union PS/EELV/FDG réalisée pour les sénatoriales et la distribution au consensus des circonscriptions législatives avec les mêmes partenaires ?
Sur ce seul terrain électoral (le pire pour nous), rien dans le programme et les pratiques d’alliance du FdG n’est exclusif d’une future alliance avec le PS au niveau du pays.
La fête de l’Huma l’a démontré sans ambigüité.
Signé Quentin
(1) Le Front de Gauche à l’épreuve face aux masses populaires
Sur la gravité de la crise et les mesures radicales qu'elle appelle pour que soit trouvée une solution favorable aux peuples, voir les positions du NPA :
Prenons le contrôle des banques !
Réquisitionnons des banques (tribune parue dans Libération du 29 août)