L'intervention média de Vladimir Poutine sur les retraites, essentiellement sur la suppression des régimes spéciaux, en France est à retrouver ici : https://www.midilibre.fr/2023/03/27/une-perte-de-souverainete-vladimir-poutine-fait-la-lecon-a-emmanuel-macron-sur-la-reforme-des-retraites-11092640.php
Sans étonnement, sur les retraites françaises, l'autocrate russe reste fidèle aux procédés de propagande les plus grossiers et mystificateurs par lesquels il justifie l'injustifiable, comme sur la guerre qu'il a déclarée à l'Ukraine : il est, au passage, significatif que ce soit lui qui incidemment fasse, à propos des retraites en France, le lien avec l'Ukraine, puisque ce message critique contre la réforme d'E Macron apparaît dans son discours sur le prochain déploiement d'armes nucléaires tactiques en Biélorussie. Propagande grossière et mystificatrice donc, comme en témoigne sa façon d'opérer une simple (ou double) inversion/perversion du rapport des mots au réel : ainsi, on le sait, l'Ukraine agressée, réduite, première inversion, à son oxymorique "nazisme otanesque", est posée, deuxième inversion/distorsion, comme l'agresseur de la Russie justifiant que l'agresseur de fait affublé du statut de l'agressé se réclame du droit de se défendre en déclenchant la guerre impérialiste que l'on sait. Pour les retraites en France, il pense, en surfant discursivement sur la remarquable pugnacité du peuple français mobilisé, pouvoir se contenter d'un schéma d'inversion-enfumage plus simple : et cela pour accréditer, d'abord à fonction interne à son pays, car le rapport à la France des luttes est strictement instrumental, que sa personne et son régime sont, c'est là qu'il inverse le rapport des mots au réel...russe, le président et le régime du peuple russe, au plus près de ses intérêts....la preuve, implicite, par les retraites dont il bénéficierait. Ce qui, comme nous allons le voir avec l'article dont je donne lien ci-dessous, est tout le contraire du réel de son positionnement sur les retraites dans son pays comme cela est apparu lors de la réforme qu'il lui a proposée en 2018 (avec une rude mesure d'âge toute macronienne avant l'heure) et qui a provoqué une forte réaction populaire de refus de sa part l'obligeant, avec quelques déboires électoraux, quand cela était encore possible à obtenir, à rétropédaler partiellement (pour les seules femmes).
Je me contenterai de renvoyer lecteurs et lectrices à l'article de 2018 publié sur le site du CADTM (Comité pour l'Abolition des Dettes Illégitimes) dont le titre donne d'emblée une idée de ce qu'il analyse et argumente : Russie : Avec sa réforme des retraites, Vladimir Poutine dévoile son visage antisocial et préserve les plus fortunés
Puissent ces lignes ouvrir les yeux sur le poutinisme, plus ou moins assumé, d'au moins certain.e.s de celleux, à gauche, devenu.e.s prisonnier.es des effets de manches propagandistes du chef du Kremlin sur l'Ukraine, que relaie complaisamment une partie des gauches françaises et internationales : car, insistons, il n'y a aucune solution de continuité entre le discours poutinien sur les retraites françaises et russes et celui portant sur la guerre en Ukraine. Tout d'abord parce que le premier n'a d'autre fonction que de donner crédit de vérité au second auprès des Russes, comme dit plus haut, mais aussi auprès des gauches "campistes" (choisissant son camp, celui de l'Etat russe, contre le "diabolique" camp occidental, c'est-à-dire avant tout inéluctablement contre l'Ukraine et son peuple dans l'oubli de l'oppression et de l'exploitation auxquelles est soumis le peuple russe). Lesquelles gauches campistes, quelle aubaine pour le soft power russe, sont, en France, engagées dans la mobilisation pour la défense de ces retraites que leur mentor russe cherche seulement à instrumentaliser au profit de sa guerre d'agression, antipopulaire s'il en est, contre l'Ukraine et d'autres méfaits à venir ! Par où, en second lieu, la prise de connaissance de ce que Poutine a fait aux retraites russes pourrait (conditionnel peu optimiste en réalité) déniaiser les esprits somnambules à gauche quant à la réalité qu'est la communauté de pensée, intrinsèquement ultracapitaliste, niée par le falsificateur du Kremlin, existant, sur les retraites, entre lui et Emmanuel Macron. Communauté de pensée antisociale à dégager du magma des confusionnismes ambiants sur la guerre d'Ukraine pour ensuite se coltiner le faux paradoxe, induit par ladite communauté de pensée, concernant l'Ukraine, qui amène la résistance de ce pays à n'avoir d'autre choix que de s'armer auprès de Macron (et d'autres dirigeants occidentaux) pour lutter contre l'envahisseur terroriste et totalitaire russe. Faux paradoxe mais vraie contradiction à dépasser dialectiquement par une démarche de solidarité internationaliste propre à une gauche accordant le primat politique au soutien aux peuples en lutte. C'est là, disons-le avec force, la seule position susceptible d'oeuvrer pour que cette absolue nécessité de survie, chez les Ukrainien.ne.s, de "s'accrocher" aux fournitures d'armes occidentales se double d'un appui à la résistante gauche ukrainienne à l'envahisseur. Gauche qui incarne le tout aussi nécessaire décrochage politique à proposer au peuple, mobilisé militairement, vis-à-vis du régime de Kiev et des modèles libéraux occidentaux antipopulaires, sur les retraites comme sur le reste, qu'il fait siens comme le montrent les mesures, préconisées par le FMI ou la Banque Mondiale et combattues par les syndicats (1), contre le droit du travail et cela en pleine guerre alors que nombre de travailleurs, ont décidé, au péril de leur vie, de quitter leur lieu de travail et leur univers familial, pour combattre sur le front militaire.
Antoine
(1) "L'étude des normes de l'Organisation internationale du travail et de la législation du travail de l'Union européenne montre clairement que les mesures adoptées par le parlement ukrainien [de flexibilisation néolibérale du marché du travail et de réduction des droits des travailleurs] vont à l'encontre de ces organisations [OIT et UE]. Comme l'a souligné M. Jan Willem Goudriiani, secrétaire général de la Fédération syndicale européenne des employés du secteur public (FSESP), "les autorités ukrainiennes ont attaqué les droits syndicaux et exclu les travailleurs et les syndicats du processus de réforme du pays", s'éloignant ainsi de l'intégration souhaitée dans l'Union européenne." (Lo que no se está informando sobre las políticas ultraneoliberales del Gobierno Zelensky en Ucrania y sus consecuencias [L'information qui fait défaut sur les politiques ultra-libérales du gouvernement Zelensky en Ukraine et de leurs conséquences], Vicenç Navarro, 22 mars 2023)
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Quelques extraits donnant un avant-goût de l'article Avec sa réforme des retraites, Vladimir Poutine dévoile son visage antisocial et préserve les plus fortunés : l'autrice, Karine Clément est une chercheure spécialiste de la Russie qui est fortement engagée du côté des opposant.e.s russes au régime poutinien et, plus particulièrement en ce moment, à la guerre déclarée à l'Ukraine.
"À la mi-juin 2018, alors que s’ouvrait la Coupe de monde de football, les partisans d’une réforme draconienne du système de retraite l’ont emporté en Russie. Comptant sur la liesse sportive pour détourner l’attention, le premier ministre Dmitri Medvedev a annoncé la décision du gouvernement : les femmes travailleraient désormais jusqu’à 63 ans au lieu de 55 ; les hommes, jusqu’à 65 ans au lieu de 60."
"Bien que M. Vladimir Poutine ait prétendu se tenir à l’écart des débats, sa cote de popularité a alors plongé, passant de 80 à 63 % d’opinions favorables. Des centaines d’actions de protestation dans tout le pays l’ont obligé à s’adresser directement à la nation à la télévision. Sans surprise, le président russe a assoupli le projet de loi, notamment en ramenant l’âge de départ à 60 ans pour les femmes ; et il a promis une forte revalorisation des pensions : 1.000 roubles (13 euros) par an en moyenne sur six ans.
Mais l’opération de communication n’a réussi qu’à moitié. Si la mobilisation de rue s’est essoufflée, le pouvoir a subi des revers électoraux."
"Comparée aux politiques menées dans d’autres pays, la refonte du système de retraite russe frappe par son ampleur et par son rythme soutenu. D’ici à 2029, les actifs devront travailler cinq années de plus pour toucher leur pension, à raison de six mois supplémentaires chaque année. En 1998, le gouvernement sud-coréen a lui aussi reporté de cinq ans l’âge de départ, mais il a prévu une progression plus lente (trois mois de plus chaque année). En Allemagne et en France, les gouvernements ont relevé ce seuil de respectivement un et deux ans (jusqu’à 67 et 62 ans), à raison d’un à deux mois par an."
"Dans son adresse télévisée, M. Poutine a promis une retraite moyenne à 20.000 roubles d’ici à 2024. Une promesse moins généreuse qu’il n’y paraît : si l’inflation se maintient au rythme observé les six dernières années, l’augmentation permettra seulement de compenser la perte de pouvoir d’achat…"
"Dès son installation au Kremlin, il a entrepris de « moderniser » l’État social, de freiner les dépenses publiques et d’instaurer une fiscalité favorable aux entreprises et aux hauts revenus. Il a mis en place un taux unique d’imposition sur le revenu à 13 % (2001), réformé les systèmes de santé et d’éducation en soumettant le financement fédéral (amputé) à des critères d’efficacité et de rendement (2006-2012), et fait adopter un nouveau code du travail qui penche en faveur de l’employeur (2002).
Le système de retraite n’a pas été épargné. En 2002, le gouvernement instaure un barème de cotisations dégressif particulièrement injuste, toujours en vigueur : l’immense majorité des salariés versent 22 % de leur rémunération brute à la caisse de pensions étatique, mais ceux qui touchent plus de 67.900 roubles (900 euros) en 2018 — soit, approximativement, les 15 % de salariés les mieux rémunérés — ne cotisent qu’à hauteur de 10 % au-dessus de ce seuil. La même année, les autorités greffent sur l’architecture existante un système de retraite par capitalisation obligatoire.
Désormais, 6 % des cotisations retraite alimentent non pas la caisse de pensions et le financement des retraites en cours, mais des intermédiaires financiers ou des fonds de pension privés.
En 2005, un premier grain de sable enraye la marche des réformes. Un mouvement de protestation sans précédent dans la Russie postsoviétique s’oppose à la « monétisation des avantages sociaux », qui vise à réduire les aides sociales en nature (transports, soins, etc.) accordées à de très larges catégories de la population. Le gouvernement doit revoir sa copie."
"La récession qui s’installe en Russie en 2014, à la suite de la chute du cours du pétrole et des sanctions occidentales liées à l’annexion de la Crimée, conduit le gouvernement à relancer sa politique d’austérité budgétaire en sacrifiant en priorité les dépenses sociales, d’éducation et de santé. Une multitude d’aides et de crédits d’impôt sont accordés aux plus grandes entreprises, notamment aux compagnies pétrolières, pourtant parmi les plus rentables, tandis que les sanctions valent une réduction d’impôt aux milliardaires interdits de séjour en Occident — c’est-à-dire appartenant au cercle rapproché de M. Poutine. Selon la Cour des comptes, ces avantages fiscaux se traduiraient par un manque à gagner de 11.000 milliards de roubles (145 milliards d’euros) pour le budget fédéral, dont les revenus pour l’année 2018 se limiteraient de ce fait à 15.000 milliards de roubles (200 milliards d’euros)."
"Préserver les grosses fortunes
Hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) — de 18 à 20 % —, élévation annoncée du taux — toujours unique — de l’impôt sur le revenu : les réformes en cours renforcent encore la tendance générale à réduire les cotisations et les impôts sur le capital tout en augmentant la taxation des revenus du travail, surtout pour les salariés modestes. Le pouvoir somme la population de faire des sacrifices au nom du prestige international de la Russie. Pourtant, d’autres sources de financement permettraient de maintenir l’âge du départ à la retraite et de revaloriser les pensions, surtout dans un pays où celles-ci ne pèsent que 7 % du produit intérieur brut (PIB), contre 14 % en France, au Portugal ou en Autriche."
"Alors que les revenus réels de la population ont plongé d’environ 10 % depuis 2014 , le gouvernement préfère préserver la bonne santé des grandes fortunes. Si la promulgation de la loi a eu un effet démobilisateur sur les protestataires, le pouvoir n’en sort pas indemne. « L’invocation des “valeurs traditionnelles de la majorité” et de l’“union spirituelle” afin de souder la société autour de son dirigeant national ne sont d’aucune aide s’agissant d’une mesure aussi impopulaire », remarque Ilya Boudraïtskis, historien et militant politique de gauche.
Pour beaucoup de partisans de M. Poutine, séduits jusqu’ici par son image de protecteur du peuple, la preuve est désormais faite : les intérêts des classes populaires et moyennes ne pèsent guère face à ceux des élites économiques et financières. En ce sens, l’été 2018 marque la fin de l’euphorie consécutive à l’annexion de la Crimée."