Je sais, le titre est rude. Il est, comme l'ensemble du texte qui suit, de Sébastien Fontenelle dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'a pas la langue (ni le clavier) dans sa poche ! Alors, bien sûr, on aime ou pas son style mais je le publie ici car, un, j'aime, et deux, je trouve que le code policé de la presse a besoin d'être bousculé par ce genre d'énergumène et, disons-le, les lecteurs aussi. Même (surtout ?) les lecteurs de gauche radicalisés qui se croient trop facilement immunisés contre les tue-la radicalité !
Tiens, troisième raison que j'ai de publier ce coup de gueule : il vise celui qui, en particulier vu du côté du Front de Gauche, est un intouchable car, voyez-vous, le syndicalisme ce n'est pas la politique et donc, comme a pu le déclarer à maintes reprises Jean-Luc Mélenchon pendant le mouvement des retraites, il n'y a rien à dire, ni surtout à redire, de stratégies syndicales qui pourtant d'évidence, dans ce grand conflit-là (mais il n'est pas le seul), ont mené le mouvement social droit dans le mur et ainsi vers une victoire sans appel de Sarkozy. Une victoire sociale donc à effet, tiens donc, politique immédiat et durable qui permet à un président affaibli de rouler impunément des mécaniques et de continuer à casser du salarié, du chômeur, de l'étudiant, etc.comme si de rien (une des plus grandes mobilisations de ces dernières années !) n'était...

[Tiré du blog de Fañch ar Ruz en août 2009]
J'exprime ici quelque chose, du côté du Front de Gauche, que Fontenelle, malgré ses sorties iconoclastes, n'aborde pas : il va même jusqu'à valoriser une expression violente du Jean-Luc. C'est certes pour cibler Sarkozy qui le mérite bien mais dont on sait qu'il a sauvé sa "rrrréforme" des retraites parce que les syndicats (1), la direction de la CGT en tête, n'ont pas mis le quart du dixième de l'effort qu'une large fraction de la base mettait en oeuvre pour faire basculer les hésitants vers ce qui inéluctablement devait aller à la baston avec les social-killer d'en face. Ce ciblage antisarkozyen chez Fontenelle via Mélenchon fait cependant l'impasse sur la contribution dudit Mélenchon, malgré la présence des militants du Front de Gauche dans la bagarre de la fin 2010, à l'échec du mouvement. Le dirigeant du PG a en effet sagement attendu, lui aussi (comme à sa façon Thibault); sagement attendu que le mouvement commence à donner les premiers signes d'essoufflement pour lancer son appel à référendum sur les retraites : appel qui a eu pour principal effet de faire dérivatif institutionnel par rapport à la nécessité de retravailler sur le terrain directement social les contre-feux à la ridicule ritournelle des journées de mobilisation des syndicats, journées sans autre lendemain que des journées de mobilisation sans autre lendemain que... On sait de source sûre, Fontenelle a raison de le souligner, que Sarkozy a hésité entre le fou rire et la nécessité de ne surtout pas humilier des stratèges syndicaux aussi experts en désamorçage d'explosivité sociale ! Chacun est finalement rentré au bercail, les grévistes et nombre de manifestants avec un goût de cendres dans la bouche, la retraite à 60 ans a, elle, atterri dans les poubelles des défaites réussies. Quant à Jean-Luc Mélenchon, remballant son hochet du référendum, il a pu tranquillement se remettre à pagayer sur le long fleuve tranquille de sa révolution par les urnes en en profitant, tout de même, pour jeter par-dessus bord une unité (dans les urnes !) avec le NPA qui aurait continué à distiller, malgré tout, ce poison que le social devait primer sur l'électoral. Primat radical difficilement compatible, reconnaissons-le, avec ce programme partagé que le PCF voulait maintenir comme horizon des possibles arrangements avec le PS !
Bon, tout cela pour dire que le coup de fouet de Fontenelle est salutaire pour secouer une partie de la gauche radicale qui s'accommode paresseusement de tant de facilités électoralistes où, comme c'est curieux et paradoxal, les directions syndicales, pas gênées par leurs discours de vierges effarouchées contre les risques d'intrusion politique sur leur territoire, se vautrent totalement. Sur la base très efficace, dans l'immédiat du moins, de la bonne vieille et clandestine division des tâches sur le mode du "on se charge de chevaucher, jusqu'à son épuisement, le tigre social" pour que d'autres, à gauche, puissent prendre ensuite la pose devant les grilles du zoo où tourne en rond le fauve à rayures et où sous l'écriteau on lit un enchanteur "2012, année du changement !". Mais il est temps de lire le billet de l'ami Fontenelle.
Antoine
Le texte de Sébastien Fontenelle
J’étais là, peinard, en train de fumer une clope et de siroter un Coca, rien de vraiment brutal, quoi, et tout d’un coup je me suis dit, allez, zou, soyons fous, je vais carrément regarder le jité de France 3 – et sur qui je tombe, au jité de France 3 ?
Je tombe sur François Fillon, qui s’est fait le compassé faciès du gars qui vient t’entretenir du décès d’un(e) proch(e) pour nous annoncer que, la situation étant ce qu’elle est (criseuse comme c’est pas permis), va (encore) falloir qu’on se serre de quelques supplémentaires crans la ceinture (non, pas vous, mâme Bettencourt), à moins qu’on ne veuille faire faillite, comme des vulgaires Grec(que)s – et qu’il va donc augmenter la TVA sur tout (sauf sur les pâtes, le gars n’est pas non plus complètement nazi), et qu’il va, surtout, « accélérer l’application de la réforme des retraites de 2010 » (comme ils disent – fort bien – chez Le Nouvel Obs), et jusque là, tout va bien, je ne m’énerve pas : je veux dire que je ne m’énerve pas plus que d’habitude, quand j’hurle, de rage, par la fenêtre, qu’il serait quand même temps, putain de bordel de merde, qu’on réalise que ces gens-là nous font une guerre totale – de classe, d’accord, mais totale –, et qu’on les prenne enfin « aux cheveux », comme dans un bouquin de Jean-Luc Mélenchon, ne serait-ce que pour leur apprendre deux, trois règles de politesse élémentaire, du style, non, vous ne pouvez pas continuer à sauter à pieds joints sur la gueule des pauvres pour mieux nantir vos déjà nanti(e)s commanditaires.
Bref : je reste calme, mais voilà qu’apparaît Bernard Thibault – Charden, sans son vieux complice Jaune, de la CFDT, mais avec, toujours, ses extravagants veuches –, et voilà que Bernard Thibault déclare qu’il n’est pas du tout content de l’accélération de la réforme des retraites de 2010, qui l’avait déjà, par elle-même, et en son temps, grandement marri – et que si ça continue comme ça, François Fillon finira par instaurer la retraite à soixante-dix ans, « si on ne fait rien ».
C’est là – juste là, juste quand Bernard Thibault a lâché ce « si on ne fait rien » – que j’ai pour de bon pété un plomb, parce qu’en vrai, qu’est-ce qu’il a fait, Bernard Thibault, pour empêcher la réforme des retraites de 2010, dont il caquète aujourd’hui qu’elle l’a considérablement mécontenté ?
Rien, justement.
Il a obstinément refusé d’appeler à la grève générale – un truc un peu sérieux, qui aurait paralysé le pays jusqu’à ce que François Fillon retire son projet : il s’est contenté d’organiser, avec Jaune, de grotesques « journées de mobilisation », totalement inefficaces, et qui faisaient hurler de rire le gouvernement et le patronat, et qui faisaient pâmer l’édito-de-mes-couilles-cratie, où l’on trouvait délicieux que Bernard Thibault se montrât si raisonnable.
Il a fermé sa petite gueule, Bernard Thibault, quand le régime a réformé les retraites : il a laissé faire, préoccupé qu’il était de s’acheter une respectabilité.
Alors ce qu’il devrait maintenant faire, c’est qu’il devrait continuer à la fermer. À double tour.
Texte à lire sur le site de CQFD
Post scriptum : il va de soi que je partage avec Sébastien Fontenelle cet antisyndicalime primaire qui fait le lit du sarkozysme (lit pourtant bien bordé en 2010 par d'autres que moi) comme hier les critiques du stalinisme "faisaient le jeu" de l'anticommunisme frayant ainsi la voie à Hitler, Franco, le Mikado...
(1) C'est par une commodité coupable que j'use des termes généraux, syndicalisme ou syndicats, pour parler des deux principales centrales, la CGT et la CFDT, qui, malgré des différences, participent, au niveau de leurs directions nationales et parfois intermédiaires, de l'organisation méthodique de la démobilisation de toute action d'envergure tendant à converger, voire à se centraliser, pour défier le pouvoir. Qu'il suffise que je précise que des organisations comme Solidaires, la CNT ou la FSU s'inscrivent, à mes yeux, quoique différemment et sans pouvoir peser décisivement face aux deux premières, dans une démarche plus respectueuse de ces dynamiques de convergence et d'autonomie des mouvements sociaux. FO constitue, elle, un cas bien particulier de mariage d'une rhétorique de radicalité avec des pratiques contredisant souvent celle-ci.