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Billet de blog 6 août 2025

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Poutinyahou et Netanyahine

L’esprit public doit enfin dessiller sur la nature siamoise des boutefeux Vladimir Poutine et Benjamin Netanyahou, qui ensanglantent leurs voisins à longueur de jour.

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Bien des consciences peinent à établir des similarités structurelles, pourtant congrues, entre deux criminels de guerre : Vladimir Poutine et Benjamin Netanyahou. Et ce, en raison, bien entendu, du carnage perpétré par le mouvement terroriste islamiste Hamas le 7 octobre 2023.

Voilà un état de fait, réel, intolérable et indéniable – à la différence des prétendus meurtres de masse attribués aux Ukrainiens dans le Donbass par le Kremlin, histoire de justifier son « opération militaire spéciale » du 24 février 2022.

Initialement, le monde fut donc en présence de deux circonstances différentes. La Russie a envahi son voisin ukrainien sans avoir été attaquée. Israël, de son côté, eut le droit et le devoir de se défendre – il le faut souligner, à l’encontre d’une tendance de l’opinion qui veut la perte de cet État et ne saurait se satisfaire d’une situation dans laquelle Israël perdurerait, quelles qu’en soient les frontières.

Toutefois, en dépit des assassinats du Hamas et de toutes les menaces géopolitiques, Israël n’a pas le droit de se venger sur la population de Gaza – même si des éléments de celle-ci exprimèrent une joie funeste après le bain de sang et les prises d’otages planifiés du 7-Octobre, auxquels participèrent quatre groupes armés palestiniens en plus de la branche armée du Hamas

Se défendre, oui ; se venger, non. Tel fut, dès le début, la position maintenue par une minorité éclairée au sein de l’État hébreu, à l’instar d’Orly Noy, présidente de B’tselem – le Centre israélien d’information pour les droits humains dans les territoires occupés –, dès le 13 octobre 2023 dans les colonnes de Mediapart. Il ne saurait y avoir de culpabilité collective de Gaza, condamné, par assimilation, en raison de l’action accablante du Hamas.

Représailles mimétiques

Une telle hauteur de vue ne pouvait être partagée par le gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahou. Celui-ci, effréné, se lança dans ce qu’il y a de plus archaïque et impolitique, c’est-à-dire le talion, qui prétend proportionner le châtiment à la gravité du forfait commis. Le Hamas a tué ? les Gazaouis seront assassinés ! Place aux représailles mimétiques : un groupe terroriste rejette le droit d’Israël à exister ; en conséquence Israël dénie aux Palestiniens le droit de vivre.

Fort d’un tel penchant drapé dans la raison d’État et stimulé par la logique de guerre, Benjamin Netanyahou s’est aligné sur la scélératesse de Vladimir Poutine – en l’amplifiant même jusqu’aux lisières du génocide.

Stupéfait, honteux et parfois secrètement satisfait, le « monde occidental » s’est déshonoré, à de trop rares exceptions près, en s’abîmant dans « un espace mental, moral et physique où l’indifférence règne en maître […] l’espace de l’aveuglement volontaire, celui de la complicité passive », selon les mots de Dominique de Villepin (Le Monde, 31 juillet 2025).

La confusion, face au chaos de Gaza et de l’Ukraine, s’avère nourrie par trois facteurs : le « campisme » et les réactions pavloviennes qu’il induit ; le mépris du droit international ; la perte d’une certaine idée de l’internationalisme.

D’où une sorte de Rubik's Cube de l’engagement. Les uns, proches du RN et consorts, soutiennent Poutine dans la mesure où il incarne le spectre brun qui hante l’Europe. Les mêmes appuient Netanyahou parce qu’il représente une force territorialisée apte à détruire l’Arabe errant – dernière cible en date de l’extrême droite. Celle-ci se divise néanmoins, puisque certains de ses éléments vouent un culte à une poignée d’Ukrainiens fascisants adeptes de Stepan Bandera (1909-1959) ; tout en prenant le parti des Palestiniens, par antisémitisme atavique.

Haine primaire

Un antisémitisme d’une autre nature se vérifie chez quelques égarés au sein de la gauche. Il ne s’agit pas de celles et ceux qui s’opposent, légitimement, aux injustices propres à une situation aux tournures coloniales enracinée depuis 1967 sur la « Terre promise ». Il s’agit de cette haine primaire des « sionistes », qui rejoint « le socialisme des imbéciles » (August Bebel) de jadis. Par surcroît, une fraction de cette gauche, un rien rouillée, croit pouvoir distinguer en Poutine un héritier, même lointain, de 1917…

Un tel échiquier politique, aussi éclaté que périmé, empêche de penser l’événement historique. On s’en tient au plus féroce b.a.-ba : les ennemis de mes ennemis sont mes amis. D’où un empêtrement général qui peine à saisir qu’aujourd’hui, après des mois et des années de destructions, se comportent à l’unisson les boutefeux Poutine et Netanyhaou.

Mentir, bluffer, décimer. Soustraire sa loi du plus fort au regard de la presse internationale. Alimenter la caisse de résonnance des réseaux sociaux aux fins de justifier l’injustifiable – ou encore en vue de harceler qui refuse d’admettre l’inadmissible. Amalgamer, essentialiser, invalider : les Ukrainiens dans leur ensemble ressortiraient du nazisme, tous les Palestiniens seraient sous la coupe du terrorisme. Etc., etc.

La « cause existentielle » est entendue. Impossible de se mettre en travers du chemin inhumain d’un tel duo de chefs de guerre. À toute critique, Poutine s’autorise à rétorquer : « Russophobie ». Netanyahou, quant à lui, se prévaut de riposter : « Antisémitisme ».

Voilà pourquoi il est grand temps que l’esprit public adopte cette règle d’or, démocratique puisqu’elle consiste à séparer le bon grain du peuple de l’ivraie des autocrates : être russophobe, c'est être poutinophile ; de même qu’être netanyahouphile, c’est être israélophobe.

La paix, demain, sera au prix d’un tel dessillement et d’une telle détermination.