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Billet de blog 7 juillet 2008

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D'une inobservation de MM. Schneidermann et Jeanneney sur @si

 Dans une émission délectable d'Arrêt sur images, enregistrée vendredi 4 juillet, consacrée à la télévision de jadis et dont l'invité était Jean-Noël Jeanneney, Daniel Schneidermann a tenu à faire réagir l'historien au sujet de la descente de reins de Nicole Paquin, aperçue le 29 janvier 1961 sur les étranges lucarnes, qui fut à l'origine de la création du carré blanc.

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Dans une émission délectable d'Arrêt sur images, enregistrée vendredi 4 juillet, consacrée à la télévision de jadis et dont l'invité était Jean-Noël Jeanneney, Daniel Schneidermann a tenu à faire réagir l'historien au sujet de la descente de reins de Nicole Paquin, aperçue le 29 janvier 1961 sur les étranges lucarnes, qui fut à l'origine de la création du carré blanc. L'extrait montré fut celui-ci, que propose le site de l'Ina :

http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=I05283769

Obnubilés par l'image, le journaliste et l'universitaire n'ont prêté aucune attention à la bande son, pourtant fascinante. Il y est d'abord question d'un «Fritz». Et il sera dit, à la fin de l'extrait : «Bien sûr, c'est un Allemand.» Pourquoi la comédienne éprouve-t-elle le besoin de se déplacer nue ? Pour quérir un sac, à propos duquel elle déclare : «Évidemment, il n'est pas tout à fait neuf. Il m'a dit qu'il l'avait piqué à une bonne femme qui partait dans un convoi pour ne je sais pas où...»

Et si nous étions en présence, par-delà l'obscénité apparente, d'une obscénité sourde ; celle de la minoration des camps, de la déportation, par une télévision alors héroïsante ? Et si ce téléfilm, dont on ne nous livre même pas le titre, ni le réalisateur, désincarcérait, l'air de ne pas y toucher, une mémoire douloureuse, comme le fera, deux ans plus tard, sur les grands écrans, à propos de la guerre d'Algérie, Muriel d'Alain Resnais ?...

Le téléfilm en question s'appelait L'Exécution. Le scénario était d'Antoine-Louis Dominique, pseudonyme de Dominique Ponchardier (1917-1986), compagnon de la Libération, créateur de la série «Le Gorille», qui popularisa le mot «barbouze» à la fin de la guerre d'Algérie, après avoir repris du service contre l'OAS. L'Exécution avait pour directeur photo le grand Ghislain Coquet. Le réalisateur n'était autre que Maurice Cazeneuve, né en 1923, directeur de la deuxième chaîne (couleur !) de 1968 à 1971, père d'un autre réalisateur de talent, Fabrice Cazeneuve.

Ce billet entend juste illustrer une thèse développée par une disciple de Jean-Noël Jeanneney, Agnès Chauveau, dans un remarquable article de la revue Vingtième siècle publié par les presses de Science Po (n° 72, oct-déc 2001 consacré à «Image et histoire») et intitulé : «Le voile, le miroir et l'aiguillon. La télévision et les mouvements de société jusque dans les années 1970.» Agnès Chauveau démontre que tout en se faisant forcément censeur, en ces temps archéologiques, le petit écran savait anticiper les transformations sans en avoir toujours pleinement conscience...

Pour en revenir à — et en finir avec — Nicole Paquin, cette fois couverte et même accoutrée, la voici dans un succès de 1961 précisément, qui pourrait, malgré sa vétusté, s'avérer avant-coureur à condition d'être repris un jour en altissime lieu : «Mon mari, c'est Frankenstein»