
Les sportifs, ou ceux qui prétendent parler en leur nom, haïssent la démocratie, ou au mieux, la méprisent. La délibération, le débat, les échanges d'arguments ne sont à leurs yeux que de lamentables palabres ; aux antipodes de la confrontation physique, forte de son résultat clair et net, avec un vainqueur et un vaincu. Le monde sportif s'identifie au plus fort, contre la loi duquel il n'a rien, tout au contraire.
Le CIO incarne la mémoire intacte de l'injustice ou de l'ignominie révolues ailleurs, mais dont cet aréopage se fait le conservatoire. 111 ans après la Révolution française, le Comité d'organisation des Jeux de Paris de 1900, présidé par le duc de La Rochefoucauld, se compose de vingt-et-un aristocrates...
Le racisme voire le nazisme trouvèrent dans le CIO leur ultime cocon après 1945. Son Président, Avery Brundage, en fonction de 1952 à 1972, était acquis aux thèses de l'apartheid et de bien d'autres systèmes. Il couva le Comité (ouest) allemand, où figurait le Dr Karl Ritter von Halt, membre de 1929 à 1964.
Celui-ci était l'héritier du Dr Willibald Karl August Gebhardt (1861-1921), docteur en médecine, spécialiste de l'hygiène, qui représentait le CIO aux Jeux Olympiques à Saint Louis, en 1904, où eut lieu la jonction entre l'eugénisme et Barnum : en effet des « journées anthropologiques » furent organisées, avec de prétendues compétitions opposant Chinois, Esquimaux, Noirs ou Indiens ! On retrouve cette idée du zoo humain, ces expositions dites « ethnologiques » de spécimens vivants « exotiques », dont une première avait eu lieu en Allemagne en 1874, lorsqu’un marchand d’animaux sauvages, Karl Hagenbeck, avait exhibé des Samoas et des Lapons, glorieux représentants de populations « purement naturelles ». Rappelons, pour balayer devant la porte française, que l’attraction la plus prisée, après la tour Eiffel, lors de l’exposition universelle de 1889, fut tout de même le « village nègre ».
Le trait d’union entre le Dr Gebhardt et le Dr Ritter von Halt fut Carl Diem (1882-1962), qui dirigera, de 1947 à sa mort, l’École des sports de Cologne. Élu en 1913 secrétaire général du comité d’organisation des JO de Berlin prévus en 1916 mais annulés pour cause de guerre, il occupa exactement la même fonction pour ceux de 1936 qu’organisa le IIIe Reich en sa capitale. Richard Strauss avait composé à cette occasion un hymne au Führer et Carl Diem s’était fendu de vers de mirliton nazi consacrés aux « martyrs héroïques de la mère patrie ».
Carl Diem avait fait mieux, en inventant de toutes pièces le relais de la torche olympique, qui partit de la Grèce fasciste de Metaxas pour rejoindre son Heimat hitlérien. Cette pseudo tradition, dont se sont emparées les autorités chinoises, est donc un legs nazi devenu secret partagé totalitaire. Y voir un symbole irénique auquel devraient souscrire les démocraties tient du contresens. Il s’agit tout simplement, hélas !, d’une arme de l’absolutisme sportif pointée contre l’esprit de résistance civique.