«Lire c'est vivre», affirmait tranquillement le titre d'une émission de Pierre Dumayet, visible à la télévision française de 1977 à 1985. Relire c'est revivre. Et se plonger dans Le Passé composé (Grasset, 1971), récit publié par le photographe et peintre François-Marie Banier, c'est découvrir à quel point l'auteur a écrit puis s'est conduit tel un ange exterminateur, comme le démontre l'article mis en ligne sur Mediapart: Les aveux composés de François-Marie Banier.
François-Marie Banier:«L'affaire Mac-Mahon» (peinture de 1994)
Le Passé composé décrit avec minutie et cruauté comment un jeune homme, François, met sous coupe réglée une famille fortunée de Neuilly, en prenant d'assaut les trois forteresses qui la composent: le père, la mère et la fille. Cette dernière passe de la fascination à la haine, jurant mais un peu tard, qu'on ne l'y prendra plus. Elle poursuit de sa vindicte ce corrupteur ayant détruit toute harmonie non sans sadisme se parant d'altruisme, non sans un goût d'achever les vieillards sous couvert d'une gérontophilie de bon aloi.
François-Marie Banier aime les gens cabossés par la vie. Il s'abreuve à leurs plaies. Il guette les derniers pas, encourageant les êtres à trébucher, comme pour les accompagner vers une déchéance en laquelle il se niche. Ce peut être une anonyme traquée dans les plis sinueux des vieilles capitales:
François-Marie Banier: «Rue du regard» (photographie de 1981).
Ce peut être le sommet de la puissance. En mai 1988, il soutient ainsi François Mitterrand, 71 ans, qui se représente, tout comme il avait soutenu en mai 1968 Charles de Gaulle, 77 ans, qui se cramponnait (à 1'40", juste après Pierre Bergé, François-Marie Banier professe son amitié pour les burgraves qui flamboient au seuil sévère du tombeau):
La clef de François-Marie Banier gîte dans cette émission d'Apostrophes d'octobre 1985 (de 14' à 24'). Il vient présenter Balthazar fils de famille et prononce cette phrase lourdissime de sens: «Rien n'est plus bouleversant dans la vie que quelqu'un qui est humilié par quelqu'un d'autre.» Tout Banier se révèle dans cette archive télévisuelle. La négation aveuglée qu'il y ait chez son héros (donc chez lui), ainsi que le questionne Bernard Pivot, «une insatisfaction fondamentale». Son déni de réalité lorsque Pierre-Jean Rémy lui met le nez dans sa quatrième de couverture, où figure un mot que Banier prétendait absent avec un aplomb d'acier, avant que de se faire anguille une fois confondu:
Le poète Henri Pichette (1924-2000), qui fut un authentique prodige littéraire, avait écrit dans Les Épiphanies (1948), ce «mystère profane» créé par Gérard Philipe et Maria Casarès: «L'homme c'est l'ange + le sexe.» Et si la principale contribution de François-Marie Banier, à la faveur de l'affaire Bettencourt, était de nous faire découvrir à quel point, parfois, l'homme c'est le diable moins le sexe...