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Billet de blog 12 janvier 2009

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Petit précis de sollicitude ministérielle envers la jeunesse

«Nous devons essayer de répondre à la demande d'autonomie de nos jeunes, pour leur donner les moyens de choisir. Et choisir, c'est être libre, et être libre, c'est être responsable. Voilà comment j'aimerais que nous puissions construire une politique de la jeunesse»

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«Nous devons essayer de répondre à la demande d'autonomie de nos jeunes, pour leur donner les moyens de choisir. Et choisir, c'est être libre, et être libre, c'est être responsable. Voilà comment j'aimerais que nous puissions construire une politique de la jeunesse», a expliqué à Saint-Lô (Manche) le 12 janvier Nicolas Sarkozy, pour justifier que Martin Hirsch accède à la fonction de haut-commissaire à la Jeunesse.

En République, la jeunesse n'a jamais fait cavalier seul au sein d'un ministère. Un poste annonciateur fut créé sous le Front populaire, occupé par Léo Lagrange (en 1936-1938) : sous-secrétaire d'État aux Sports et à l'organisation des Loisirs.

Après la Libération, la première femme ministre de la IVe République, Andrée Viénot, est sous-secrétaire d'État à la Jeunesse et aux Sports du 24 juin 1946 au 22 janvier 1947. Lui succède un complice de François Mitterrand au sein de l'UDSR, l'homme de Radio-Londres Pierre Bourdan, mais en tant que ministre de la Jeunesse, des Arts et des Lettres. Certains cabinets, dont celui de Pierre Mendès France, se passent de ce genre de ministre. D'autres lui adjoignent l'enseignement technique. Du 1er février 1956 au 14 mai 1958, l'inamovible (au regard de l'époque) radical René Billières, conserve le portefeuille de Ministre de l'Education nationale, à la Jeunesse et aux Sports.

Sous la Ve République, il faut attendre 1963 pour que le résistant et alpiniste Maurice Herzog (qui fêtera ses 90 ans le 15 janvier), redonne vie au secrétariat d'État à la Jeunesse et aux Sports. En 1966 lui succède François Missoffe, avec rang de ministre, jusqu'au 30 mai 1968. Roland Nungesser prend la suite jusqu'au 10 juillet 1968

La jeunesse était dans la rue ? Elle disparaît du gouvernement pendant dix ans ! Jean-Pierre Soisson reprend l'affaire de 1978 à 1981. La gauche au pouvoir fait d'Edwige Avice la ministre déléguée à la Jeunesse et aux Sports auprès du ministre du Temps libre, jusqu'en 1983. Un vide d'un an et l'ancien patineur Alain Calmat saisit le flambeau. Sous le gouvernement Rocard (1988-1991), il y aura, venu de «la société civile», un autre sportif de gauche, Roger Bambuck. Des sportifs de droite occuperont le poste (Guy Drut et Jean-François Lamour), ainsi qu'une femme socialiste (Frédérique Bredin), une néo-gaulliste (Michèle Alliot-Marie), une communiste (Marie-George Buffet).

En 2007, Roselyne Bachelot fait précéder la jeunesse et les sports de la... santé.

Seul le régime de Vichy a eu un secrétaire général à la Jeunesse, en la personne (septembre 1940-mars 1943) de Georges Lamirand (1899-1994). Ingénieur (il avait été directeur général des usines Renault de Billancourt), proche du mouvement scout et de l'Église catholique, admirateur de Lyautey, Lamirand, maire de La Bourboule, apparaît en 1969 dans Le Chagrin et la pitié de Marcel Ophuls. Il devait jusqu'à la fin, tout comme Jean Borotra et Jacques Isorni, être un pilier de l'ADMP (Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain).

Georges Lamirand eut à compter avec les rivalités au sein de la nébuleuse pétainiste. Il dut surtout affronter un secteur de la population qu'il était censé guider (manifestation à l'Étoile dès le 11 novembre 1940). Encadrer la jeunesse, la surveiller pour au besoin la punir, telle était la politique d'un régime qui entendait conjuguer modernisation et répression. Le secrétaire général à la Jeunesse, d'une allure quasiment up to date et décontractée pour l'époque, prêchait la soumission anti-intellectuelle propre au technocrate. Ainsi, en 1942: «Il faut avoir la foi du charbonnier, il faut suivre le chef aveuglément. Chercher à comprendre, mais vous n’avez rien à comprendre. Croire, obéir, combattre.»

Pour se pénétrer de l'atmosphère du moment:

http://ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=AFE86001581

Ou encore:

http://ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=AFE86001449

Pour écouter et voir Georges Lamirand dans ses œuves oratoires:

http://ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=AFE85000505

Ou bien cet extrait qui fit le bonheur des spectateurs du Chagrin et la pitié (Marcel Ophuls) ou de L'Œil de Vichy (Claude Chabrol):

http://ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=AFE86001359