Il nous est arrivé ici d'insister sur l'obsession de l'huis-clos chez Michel Fourniret, tueur en série dont le procès se poursuit à Charleville-Mézières. Chez ce justiciable, le tourment suprême concerne la virginité. Il y a dans sa monomanie une hantise archaïque, symptomatique et toujours réactivée.
On pense à Perséphone, fille de Déméter, déesse de la fertilité, engloutie sous terre, alors qu'elle cueille un narcisse, au profit de l'obscur Hadès, dieu de la stérilité. Déméter, sous le coup de la douleur, quitte le monde des immortels pour celui des mortels. Les champs sont en proie à la dévastation et les humains, affamés, désertent le culte des dieux. Zeus fait alors pression sur Hadès pour qu'il rende Perséphone à sa mère une partie de l'année. Lors de ce laps de temps durant lequel elle retrouve sa fille, Déméter rend à nouveau les champs fertiles. Le reste de l'année, quand Perséphone retourne auprès du cauchemardesque Hadès, le néant s'impose dans la nature. Ainsi naquit le cycle des saisons.
Le cycle du psychopathe criminel Fourniret n'aurait guère d'intérêt s'il ne renvoyait qu'à son moi torturé. Mais il est travaillé par ce mythe de la virginité féminine (où la femme est objet de négoce en fonction de mâles intérêts), qui traverse la littérature, de la légende arthurienne à certains romans d'Émile Zola et à Mallarmé bien sûr (cf. «Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux» dans L'Azur) et dont s'imprègne le cinéma de Bunuel (Cet obscur objet du désir).
Mythe qui avait donné lieu à une étude réjouissante de Paul Lafargue en 1896.
Mythe dont les méfaits horripilent «les filles à la page».
Mythe dont les ravages donnent lieu à une enquête remarquable du quotidien Le Soir de Bruxelles.
Mythe discuté sur des forums ici et là, où en toute réactivité parfois confuse, nous sommes au cœur des choses.
Mythe dont ose se saisir le journal marocain Telquel.