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Billet de blog 16 avril 2008

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Le for intérieur de Max-Pol Fouchet

http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=I00006245En activant le lien ci-dessus, vous serez le 18 juin 1958. Vous noterez l'audace formelle (le sein photographié par Lucien Clergue) d'une télévision encore libre, expérimentale, avant le corsetage (en 1964, Noëlle Noblecourt, présentatrice de Télé Dimanche, sera chassée pour avoir montré ses... genoux !). Lors de ce numéro de Lecture pour tous, émission qui prit son envol en 1953 et qui fut canardée après mai 1968 (l'unique survivant de cette aventure cathodique, Pierre Dumayet, vient de dépasser les 85 ans), Max-Pol Fouchet parle admirablement de Paul Éluard (1895-1952). Parce qu'il parle aussi de lui (1913-1980).

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http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=I00006245

En activant le lien ci-dessus, vous serez le 18 juin 1958. Vous noterez l'audace formelle (le sein photographié par Lucien Clergue) d'une télévision encore libre, expérimentale, avant le corsetage (en 1964, Noëlle Noblecourt, présentatrice de Télé Dimanche, sera chassée pour avoir montré ses... genoux !). Lors de ce numéro de Lecture pour tous, émission qui prit son envol en 1953 et qui fut canardée après mai 1968 (l'unique survivant de cette aventure cathodique, Pierre Dumayet, vient de dépasser les 85 ans), Max-Pol Fouchet parle admirablement de Paul Éluard (1895-1952). Parce qu'il parle aussi de lui (1913-1980). L'un est mort à 57 ans, l'autre à 67 ; le premier a écrit « Je serre la forme de l'amour » (Corps mémorable), le second :

« Être assez lourd

Assez lourd d'amour

Du poids d'un ramier

Pour ne pas briser

Les plus hautes branches »

(Règles de vie).

La poésie de Max-Pol Fouchet avait fini par disparaître de nos catégories mentales. Et voici qu'émerge un recueil publié chez Actes Sud : Demeure le secret (18 €).

Dans son introduction, Marie-Claire Bancquart rappelle ce qu'il en coûte au Voyant. Tout petit déjà, en Algérie, Max-Pol s'était créé un camarade imaginaire, tapi sous la table : « Monsieur Linquiétude ». Le 7 janvier 1942, il voit sa femme embarquer sur le « Lamoricière » et songe avec insistance : « La mort ici erre. » Le nauffrage a lieu, Jeanne périt. Max-Pol écrivait en octobre 1941 (Les limites de l'amour) :

« Il suffit d'un mort

Pour savoir en secret

Les machines de l'oubli

Les pièges du souvenir »

Ou bien :

« Je te prolonge tu me limites

Ta frontière est en moi

Ta vie se fait de la mienne

Serais-je si tu n'étais pas ? »

Ou encore et surtout :

« Vestiges des naufrages

Témoignages d'écume

Tout nuage est au ciel

Et vous secrets de la vie

N'êtes-vous pas seulement

Analogies de la mort ? »

Si bien que le recueil suivant, La mer intérieure, « À Jeanne, noyée », n'a pas, dans son hébétude, la force prémonitoire du précédent :

« La mer t'a prise où tu baignais ton corps

Que m'enseignes-tu morte impitoyable

À ton doigt passée la couronne de sauvetage

Tu m'ancres vivant dans le perdurable

Et donns à ma vie le flux intarissable »

Demeure le Max-Pol Fouchet qui fut, à la télévision, l'incarnation du partage culturel avec quelques autres de nos instituteurs nationaux des étranges lucarnes. Il semblait l'avoir prévu, aussi, dans un poème de jeunesse (Corps perdus) :

« Le visage de l'ami

Je le prends le reprends

L'anime et le pétris

Le rivage de la vie

Le poursuis le harcèle

Je le pétrifie »

Alors lisons notre futur dans un poème tardif, Tristesse du Minotaure :

« J'avance nous avançons tels des sacrificateurs

Nous ignorons pour quels dieux nous allons immoler

Les instants vécus parmi la promesse des herbes dures

Nous entendrons à peine le rire des fenaisons.

De quoi saignes-tu, dis-le, ma nuit profonde ? »