Sidération de l'esprit public, face à la vacuité et l'indécence des confessions de François Hollande coproduites par deux journalistes du Monde : Un président ne devrait pas dire ça... (lire ici le compte rendu du livre par Lénaïg Bredoux). Sidération démocratique (les valeurs de gauche se résumeraient donc à ça ?!), doublée d'une sidération plus trouble, liée à l'inconscient politique propre aux grenouilles qui – trop souvent – demandent un roi : ce petit personnage n'est pas du bois dont on fait nos monarques républicains...
C'est peut-être Blaise Pascal (1623-1662) qui permet le mieux de saisir la mentalité d'affable ectoplasme usurpatoire ayant mené François Hollande à sa – à notre – catastrophe. Voici ce qu'énonçait, en 1660, dans son Premier Discours sur le pouvoir, le génie des lettres, de la théologie, de la mathématique et de la philosophie françaises, au sujet de l'illégitimité intériorisée par qui incarne un médiocre pouvoir. Mais qui se projette indument au-dessus du commun des mortels, cette pauvre humanité que l'Élysée fait méchamment surplomber. Le tout avec la passivité de trop de récepteurs (les électeurs), sous le charme délétère d'un tel émetteur (le politicien au sommet)...
« Un homme est jeté par la tempête dans une île inconnue dont les habitants étaient en peine de trouver leur roi qui s'était perdu, et ayant beaucoup de ressemblance de corps et de visage avec ce roi, il est pris pour lui, et reconnu en cette qualité par tout ce peuple. D'abord il ne savait quel parti prendre ; mais il se résolut enfin de se prêter à sa bonne fortune. Il reçut tous les respects qu'on lui voulut rendre, et se laissa traiter de roi.
Mais comme il ne pouvait oublier sa condition naturelle, il songeait, en même temps qu'il recevait ces respects, qu'il n'était pas ce roi que ce peuple cherchait, et que ce royaume ne lui appartenait pas. Ainsi il avait une double pensée, l'une par laquelle il agissait en roi, l'autre par laquelle il reconnaissait son état véritable et que ce n'était que le hasard qui l'avait mis en la place où il était. Il cachait cette dernière pensée, et il découvrait l'autre. C'était par la première qu'il traitait avec le peuple, et par la dernière qu'il traitait avec soi-même (...)
Que s'ensuit-il de là ? Que vous devez avoir, comme cet homme dont nous avons parlé, une double pensée ; que si vous agissez extérieurement avec les hommes selon votre rang, vous devez reconnaître, par une pensée plus cachée mais plus véritable, que vous n'avez rien naturellement au-dessus d'eux. Si la pensée publique vous élève au-dessus du commun des hommes, que l'autre vous abaisse et vous tienne dans une parfaite égalité avec tous les hommes ; car c'est votre état naturel.
Le peuple qui vous admire ne connaît pas peut-être ce secret. Il croit que la noblesse est une grandeur réelle, et il considère presque les Grands comme étant d'une autre nature que les autres. Ne leur découvrez pas cette erreur, si vous voulez, mais n'abusez pas de cette élévation avec insolence, et surtout ne vous méconnaissez pas vous-même, en croyant que votre être a quelque chose de plus élevé que celui des autres.
Que diriez-vous de cet homme qui aurait été fait roi par l'erreur du peuple, s'il venait à oublier tellement sa condition naturelle qu'il s'imaginât que ce royaume lui était dû, qu'il le méritait et qu'il lui appartenait de droit ? Vous admireriez sa sottise et sa folie. Mais y en a-t-il moins dans les personnes de condition qui vivent dans un si étrange oubli de leur état naturel ? »