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Billet de blog 28 août 2008

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RIP, RIP, RIP Hourra !

Le parti socialiste, réuni à La Rochelle du 29 au 31 du mois d'août, va sans doute, à l'instar de Pierre Dac et Francis Blanche, prétendre «réconcilier les œufs brouillés» tout en bramant assurément, à l'unisson de nos duettistes : «Nous avons placé nos idéaux bien plus haut que les plus hauts des idéaux.»

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Le parti socialiste, réuni à La Rochelle du 29 au 31 du mois d'août, va sans doute, à l'instar de Pierre Dac et Francis Blanche, prétendre «réconcilier les œufs brouillés» tout en bramant assurément, à l'unisson de nos duettistes : «Nous avons placé nos idéaux bien plus haut que les plus hauts des idéaux.» Mais il flotte sur la Charente inférieure une impression non plus du parti d'en rire, mais de parti du RIP (Requiescat in pace).

Entre les deux guerres, Edouard Herriot, incarnation du radicalisme (il était normalien et avait inventé l'expression «Français moyen»), confiait volontiers sa recette en privé : «À gauche toute... mais pas plus loin !» On sait ce qu'il advint du radicalisme.

Le socialisme, c'est pas la flamme de Bertrand : «Sans démagogie, nous devons proposer un autre chemin aux Français, pour redresser les finances publiques et relancer l'investissement, là où l'Etat n'y consacre que 3 % de ses dépenses.» Dixit Delanoë. On dirait du Raymond Poincaré redressant le franc après l'échec du Cartel des gauches...

Alors le socialisme ?

Pas la flamme de Gontrand
Pas la flamme de Pamphile
C'est pas la flamme de Firmin
Pas la flamme de Germain
Ni celle de Benjamin
C'est pas la flamme d'Honoré
Ni celle de Désiré
Ni celle de Théophile
Encore moins la flamme de Nestor
.

La preuve en est donnée par le site-même du PS, qui exhibe sans vergogne les vingt et une contributions générales en vue du congrès de Reims, les 14, 15 et 16 novembre à venir.

Pour mémoire, voici un extrait de la déclaration de principes de 1905 : «Le parti socialiste est un parti de classe qui a pour but de socialiser les moyens de production et d’échange, c’est-à-dire de transformer la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste, et pour moyen l’organisation économique et politique du prolétariat.»

Voici un extrait de celle de 1946 : «Le but du Parti socialiste est de libérer la personne humaine de toutes les servitudes qui l’oppriment, et, par conséquent, d’assurer à l’homme, à la femme, à l’enfant, dans une société fondée sur l’égalité et la fraternité, le libre exercice de leurs droits et de leurs facultés naturelles.»

En comparaison, voici les titres des vingt et une contributions socialistes actuelles :

01- Donner une cohérence à la gauche et un espoir à la France - François Hollande
02- Clarté, Courage et créativité : Choisir maintenant, pour agir demain - Bertrand Delanoë
03- Une vision pour espérer, une volonté pour transformer - Martine Aubry
04- Debout la gauche ! - Marc Dolez
05- Aux militants - Gaëtan Gorce
06- Socialistes, Altermondialistes, Ecologistes - Franck Pupunat
07- Reconstruire à gauche - Laurent Fabius
08- Combattre et proposer - Ségolène Royal
09- Unité et refondation (s) ! - Frédéric Léveillé
10- Reconquêtes - Henri Emmanuelli / Benoît Hamon
11- Réussir ensemble le congrès du Parti socialiste - Jean-Marc Ayrault
12- Besoin de gauche - Pierre Moscovici
13- La ligne claire - Gérard Collomb / Jean-Noêl Guerini
14- Réinventer la gauche - Jean-Luc Mélenchon
15- Pour un socialisme du 21ème siècle en France - Pascal Jacquemin
16- Changer ! - Marie-Noëlle Lienemann
17- D'abord, redistribuer les richesses - Gérard Filoche
18- Brèves de campagne - Marylise Lebranchu
19- Pour un socialisme écologique - Géraud Guibert / Christophe Caresche
20- Urgence sociale - Pierre Larrouturou
21- Et si le Parti restait socialiste- Jacques Fleury

Tonalité générale : vous reprendrez bien un doigt de gauche ? Riquiqui le PS, étriqué, battu d'avance, donc sépulcral. Telle est la coloration actuelle. Même pas une offensive en forme de leurre à la Herriot. Non, une ligne défensive, à la Maginot, rebaptisée «La ligne claire» (cf. la 13, joli nombre, celui de la ligne de métro la plus calamiteuse de Paris...)

La 4e contribution obtient la palme : «Debout la gauche !» On pense à la devise du 95e régiment d'infanterie :

C'est dans cette unité, le 8 avril 1915 à Verdun, que l'adjudant Jacques Péricard lança cette apostrophe à ses hommes histoire de ranimer leur courage : « Debout les morts ! », ce qui permit de sauver une position juste conquise et menacée. Le Larousse mensuel de mai s'en empara. Barrès itou : «Debout, les morts !... Coup de folie ? Non. Car les morts me répondirent. Ils me dirent : "Nous te suivons." Et se levant à mon appel, leurs âmes se mêlèrent à mon âme et en firent une masse de feu, un large fleuve de métal en fusion. Rien ne pouvait plus m'étonner, m'arrêter. J'avais la foi qui soulève les montagnes. Ma voix éraillée et usée à crier des ordres, pendant ces deux jours et cette nuit, m'était revenue, claire et forte.»

Georges Brassens, dans Le Bulletin de santé («J'ai perdu mes bajoues, j'ai perdu ma bedaine»), non content de pasticher Charles de Gaulle («C'est beau, c'est généreux, c'est grand, c'est magnifique !»), en 1966, 50 ans après le glorieux «on ne passe pas!» (Pétain) de Verdun 1916, osait empoigner à sa façon «debout les morts !» :

«Et si vous entendez crier comme en quatorze :
"Debout ! Debout les morts ! " ne bombez pas le torse,
C'est l'épouse exaltée d'un rédacteur en chef
Qui m'incite à monter à l'assaut derechef.»

Alors à quoi peut bien vous faire penser «Debout la gauche !» ?

«Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.»

(Charles Baudelaire)