Antoine Perraud (avatar)

Antoine Perraud

Journaliste à Mediapart

Journaliste à Mediapart

177 Billets

1 Éditions

Billet de blog 29 mars 2008

Antoine Perraud (avatar)

Antoine Perraud

Journaliste à Mediapart

Journaliste à Mediapart

Méfions-nous des néophytes

Voilà donc une semaine que le pape Benoît XVI a baptisé Magdi Allam. Né en Égypte, Christian (son nouveau prénom chrétien) Allam était jusqu’à présent musulman (ses détracteurs, dont Tariq Ramadan, affirment qu’il était copte). Pas très musulman, en définitive. Avant tout opposé à l’islam, à l'islamisme, ou au Coran, le débat est ouvert.

Antoine Perraud (avatar)

Antoine Perraud

Journaliste à Mediapart

Journaliste à Mediapart

Voilà donc une semaine que le pape Benoît XVI a baptisé Magdi Allam. Né en Égypte, Christian (son nouveau prénom chrétien) Allam était jusqu’à présent musulman (ses détracteurs, dont Tariq Ramadan, affirment qu’il était copte). Pas très musulman, en définitive. Avant tout opposé à l’islam, à l'islamisme, ou au Coran, le débat est ouvert. En embrassant le catholicisme, « l’authentique religion de la Vérité, de la Vie et de la Liberté », il considère s’être «affranchi de l'obscurantisme d'une idéologie qui légitime le mensonge et la dissimulation, la mort violente qui conduit à l'homicide et au suicide ».


Ces propos sont extraits du Corriere della Sera, journal dont il est l’un des piliers, et dans les colonnes duquel il justifiait sa conversion, au lendemain même de son baptême, en affirmant que par delà le « phénomène des extrémistes et du terrorisme islamique, la racine du mal est inhérente » au mahométisme, qu'il juge « physiologiquement violent et historiquement conflictuel ». Pour lui, son baptême par Benoît XVI « a lancé un message explicite et révolutionnaire » à une Église qui, « par peur », s’est montrée « trop prudente dans la conversion des musulmans ».


Le zèle, l’ardeur et la rage du néophyte font des ravages dans le domaine public, autant qu’ils provoquent des merveilles dans la sphère privée. Oui au for, non au forum de la conscience ! Voilà ce que devrait être le mot d’ordre d’une laïcité ouverte, ayant donc dépassé les anathèmes de jadis (c’est-à-dire le cléricalisme, ou l’islam, ou encore toute cible au choix : voilà l’ennemi !).


Sachons donc nous tenir à l’écart des incartades mécaniques et programmées de tout prosélyte adoubé. Les nouveaux convertis sont forcément gens de peu de bonne foi, toujours prêts à relancer une croisade de derrière les fagots. Leur tapage tape-à-l’œil ne devrait rencontrer que notre humour.


À ce propos, dans un second volume du Cercle des menteurs, contes philosophiques du monde entier, qui vient de paraître dix ans après le premier tome (Ed. Plon, 394 p., 21 €), Jean-Claude Carrière relate (pp. 117-118) une histoire qui lui fut contée en Tunisie. Elle résume à merveille la psychologie du bizut, toujours en retard d’une guerre :
« Nasreddin Hodja se prit d’admiration et même d’amour pour l’Angleterre. Il décida de demander la nationalité britannique et il lui fallut des années de démarches et de pourboires divers pour l’obtenir.
Enfin, lorsque le grand jour arriva, lorsqu’il reçut un courrier officiel pour dire que tout était en règle, il revêtit son plus bel habit pour se rendre au consulat d’Angleterre et retirer son nouveau passeport. Un ami l’accompagnait. Nasreddin lui demanda de l’attendre dans la rue et pénétra seul dans les bâtiments du consulat.
Une demi-heure plus tard, son ami le vit ressortir en larmes, l’air profondément abattu.
— Qu’est-ce qui se passe ? lui demanda-t-il. Ils t’ont refusé le passeport au dernier moment ?
— Non, non, ils me l’ont accordé. Tiens, le voici.
— Alors, pourquoi pleures-tu ?
Nasreddin secoua la tête et dit :
— Nous avons perdu les Indes. »