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Billet de blog 31 mars 2008

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Pour saluer dignement Jules Dassin

Jules Dassin, l'auteur de Jamais le dimanche, attendit un lundi pour mourir ; dans sa 97e année. Comment ne pas jouer avec la mémoire, tout comme Melina Mercouri tourne la manivelle du piano mécanique, en 1960, précisément dans Jamais le dimanche ?

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Jules Dassin, l'auteur de Jamais le dimanche, attendit un lundi pour mourir ; dans sa 97e année. Comment ne pas jouer avec la mémoire, tout comme Melina Mercouri tourne la manivelle du piano mécanique, en 1960, précisément dans Jamais le dimanche ?

Quel souvenir s'impose en premier ? Celui auquel ne fait pas allusion Le Monde dans sa nécrologie hâtivement mise en ligne, où il n'est question que du chanteur Joe Dassin (pipolisation de la presse oblige) : la chasse aux sorcières que dut subir Jules Dassin. Ultime pied de nez, il casse sa pipe l'année du centenaire de la naissance de Joseph McCarthy (1908-1957), sénateur républicain du Wisconsin qui, en février 1950, avait lancé sa croisade à Wheeling (Virginie-Occidentale), en dénonçant la mainmise des communistes sur les États-Unis d'Amérique.

Dès qu'avait plané la guerre froide, en 1947, le cinéma avait été victime de contrôles hystériques et tatillons, avec la complicité de grandes figures foudroyées par la sottise, comme Cecil B. De Mille. Au contraire, à la fin de l'année 1947, il y eut la création courageuse du Comité pour le 1° Amendement, en vue de résister, avec, dans leur meilleur rôle à la ville : Humphrey Bogart et Lauren Bacall, aux côtés de Sterling Hayden, John Huston, Gene Kelly, Catherine Hepburn, Evelyn Keyes….

Les premières listes noires furent constituées en 1948. En 1951, la délation s'imposa et des réalisateurs comme Elia Kazan, Robert Rossen et Edward Dmytrik accusèrent leurs anciens camarades. Les plus farouches mouchards furent les acteurs Robert Taylor et Lee J. Cobb. Mais Gary Cooper et Ronald Reagan n'ont pas été en reste. Au total, une trentaine de sycophantes désignèrent plus de trois cent personnes. Certains refusèrent de se plier à l'exercice et perdirent tout, comme Paul Robeson ou John Garfield, qui mourut peu après. En 1952, s'enfuirent des États-Unis d'Amérique Charlie Chaplin, Joseph Losey, John Berry, Ben Hecht et Jules Dassin. Tout cela est très bien rappelé dans Les Sorcières de Hollywood (Ed. Philippe Rey), un livre de Thomas Wieder, excellent collaborateur du... Monde !

Jules Dassin, l'auteur des Démons de la liberté, trouva refuge en Europe, où il parvint, malgré les pressions des milieux cinématographiques d'outre-Atlantique, à tourner Du rififi chez les hommes (1955).

Dassin illustrait à lui seul le mot de Camus : « Ce n'est pas la révolte en elle-même qui est noble, mais ce qu'elle exige. »