Depuis 2014, le musée Paul Valéry invite, tous les deux ans, quatre artistes contemporains pour une exposition qui leur est propre. C'est ainsi que le spectateur est invité à changer d'univers en passant d'une salle à l'autre. Cette cuvée 2022 est une réussite. Honneur aux femmes, la Chinoise Zhang Hong Mei, qui n'a pas pu se déplacer, Nissrine Seffar, née au Maroc, et résidant en France, à Sète plus précisément, Aroldo Governatori, Italien, et Alain Campos, Sétois.

L'artiste chinoise est une experte de la peinture sur tissu. Une armée de mannequins, habillés/masqués de satin rouge et entravés de soie noire, évoque les statues de terre cuite, représentant les troupes de Qin Shi Huang, le premier empereur de Chine. Est-ce une allusion à la chape de silence qui recouvre l'empire du Milieu ? Nous ne le saurons pas, puisque Zhang Hong Mei n'est pas là, n'ayant pu voyager pour cause de Covid. Pour le reste de sa production, elle propose des toiles monumentales, toujours peintes sur tissu, qui ne sont pas sans évoquer le pop art, avec des couleurs primaires très flashy.

La seconde femme, Nissrine Seffar, explore les blessures du passé. Très marquée par le bombardement de Guernica et la toile éponyme de Picasso, par le massacre d'Oradour-sur-Glane, perpétré par un détachement de la division blindée SS « Das Reich », ou encore par le camp de Rivesaltes, créé pour les républicains espagnols, stoppés sur la route de l'exil, l'artiste travaille sur l'empreinte laissée au sol par le passage de l'histoire. Plâtre, grillage, photos sont des strates de son œuvre. Grand format, Guernica Huella est aux dimensions exactes du Guernica de Picasso ; en petit format (3x21x4,5 cm), dix œuvres pour évoquer Rivesaltes et La Vie d'un camp (technique mixte, impressions rehaussées et dessins sur plâtre). Ces empreintes pèsent sur notre imaginaire collectif, au même titre que les camps de la mort, et induisent une souffrance, Nissrine Seffar le rappelle opportunément. Un travail cruellement d'actualité.

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L'Italien Aroldo Governatori est un vieux monsieur pétillant. Son exposition propose deux manières très distinctes. La première, autour du paysage, est beaucoup trop new-age pour mon goût, trop ésotérique. En revanche la seconde salle est emballante. Elle propose la série des Cinabri, ou sulfure de mercure, pigment de couleur vermillon. Les toiles sont monochromes ; émergent d'elles des formes, un visage de femme, ou un paysage. La Reine de Saba et sa suite viennent se jouer de notre imagination.

Alain Campos, le dernier artiste de ce 4x4, aborde deux thèmes aux antipodes. Le premier lui a été inspiré par le confinement. Le peintre met en scène, dans une lumière bleutée, qui évoque la lumière de nos écrans, des personnages solitaires aux prises avec des engrenages, engrenages de la technique qui dominent l'esprit, engrenages qui empêchent la vie ou la facilite, c'est selon. Dans le cas précis du peintre, ces roues s'apparentent plutôt à des instruments de torture qui enfermeraient le sujet dans sa solitude. Le second thème, pré-confinement, évoque la relation qu'entretient Alain Campos avec quelques grands Maîtres du passé, Manet, Rembrandt, Hokusaï, entre autres. Des toiles en regard. Mon préféré : un dos féminin renversé, parfait dans sa blancheur et sa rondeur, enchâssé dans une silhouette masculine grossière et tremblée, est un clin-d'œil à celui qui aimait peindre le corps des femmes, Edouard Manet.
C'est à voir au musée Paul Valéry de Sète jusqu'au 8 mai 2022. Renseignements sur le site du musée.
https://museepaulvalery-sete.fr/