Selon Platon le corps de l’homme a été conçu, comme tout ce qui est d’ailleurs, à partir d’une matière informe et chaotique. C’est en ce lieu délimité par sa propre structure, par sa finitude même, que l’âme a pris chair. L’âme a donc pour fonction d’animer le corps en lui insufflant la vie.
Platon se représente l’âme comme une entité divisée en trois parties. Cette conception tripartite de l’âme, ainsi que les fonctions qu’il leur attribue respectivement, donne naissance au mythe de « l’attelage ailé ». Le rôle de ce mythe, et des autres mythes répartis dans ses œuvres dans leur ensemble, est de donner à voir sous une forme allégorique ce qui ne saurait autrement se dire ni être compris. Ils sont, pour Platon, le moyen de rendre intelligible l’ineffable.
Ainsi, dans le cadre de sa théorie de l’immortalité de l’âme, qui survit donc après la mort du corps, dans son œuvre intitulée « Le Phèdre », il propose au lecteur cette image : « Imaginons donc l’âme comme une puissance dans laquelle sont naturellement réunis un attelage et un cocher, soutenus par des ailes ». L’action se situe dans le hors-temps du mythe. Plus précisément, lors d’une période où l’âme est libre de toute incarnation. Platon indique que « cette âme circule à travers tout le ciel ». Sa résidence se trouve donc dans « les hauteurs » où elle a la faculté de s’élever, grâce à ses ailes, dont la présence dépend de sa perfection. L’âme, dite immortelle, car elle a su conserver ses ailes, parvient à traverser la voute céleste et à contempler « les réalités qui sont en dehors du ciel. » C’est un lieu que perçoit uniquement l’intelligence : le lieu de la résidence de l’essence qui n’a ni forme ni couleur. Cette contemplation de la vérité n’est possible que si l’âme a pu bénéficier des acquis de la vraie science, c’est-à-dire la philosophie. Et elle est source de joie car elle accède à la connaissance de la Justice en soi, de la Sagesse en soi, de la Science de la vraie réalité. L’âme qui atteint ce degré de perfection est l’égale des dieux. Quant aux autres, en dépit des multiples efforts pour s’élever, du fait du comportement inapproprié des cochers de l’attelage, s’abîment les ailes et en sont réduites à se nourrir de l’opinion faute d’avoir pu se repaître de l’Être. Leur lot est alors l’oubli et la perversion, la perte de leurs ailes et la lourde chute sur la terre. Celles des âmes qui ont « eu la plus vaste vision » se mêle à la « semence d’un homme » appelé à un noble devenir. Plus la vision de l’âme fut réduite et fugace, plus son incarnation se fera dans le corps d’un roi respectueux de la loi, en passant par le politique, le gymnaste, le devin, le poète, le sophiste pour terminer par l’âme la pus vile qui habitera le tyran.
La composition de l’âme en trois parties, le cocher et les deux chevaux, correspond à une représentation symbolique de l’homme. Elle renvoie à des tendances dominantes, des caractères particuliers, à l’idiosyncrasie de chacun. Ainsi le philosophe tentera-t-il de gouverner l’attelage de son être guidé par sa conscience, sa raison. Le gardien de l’ordre dans la cité se fiera à son cœur et fera preuve de courage et de dévouement. Alors que les autres hommes plus directement en contact avec la matérialité de la vie, évoluant dans la sphère de l’artisanat ou de la productivité à plus grande échelle agiront orientés par leurs sens, de façon plus viscérale.
On le voit, la réflexion métaphysique est indissociable, chez Platon, de la vision politique. Ce pourquoi, il rêvera toute sa vie d’un philosophe-roi gouvernant la cité avec sagesse et clairvoyance.