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Billet de blog 4 avril 2017

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L'ENIGME DU BONHEUR

Ecrire n’est pas un loisir pour rentier désœuvré. Ecrire est une nécessité. Certains ont la chance, le talent, le bonheur de pouvoir concilier vocation, passion et travail. Beaucoup sont contraints d’exercer une autre activité professionnelle pour simplement vivre, jouissant du bonheur d’écrire que lorsqu’ils en ont le temps... Les fruits de ce temps dérobé, je vous les offre.

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Il hésita à signaler sa présence. C’est la chienne qui le dénonça par un jappement joyeux destiné à saluer ce familier des lieux. Annie se réveilla.  L’ourlet de ses lèvres se décousit sur une double rangée de dents régulières que sa mère déplorait de voir jaunir par l’abus du thé vert. Ses yeux brillaient comme enfiévrés ou  excités. Elle avait conservé tout au long des années  ce regard de statue animée, à la fois glacial et envoûtant qu’il avait toujours aimé, auquel il savait que toujours il céderait. Annie était sa muse, sa sœur, sa bénédiction. Elle regardait ce grand garçon dégingandé, mince encore comme au sortir de l’adolescence il l’avait été.  Les traits de son visage doucement s’adoucirent et sa voix basse l’invita à s’assoir sur un ton railleur qu’elle affectionnait avec lui car il brisait aussitôt le malaise qui entre eux aurait pu s’installer du fait de leur intimité mal définie.

Il avait terminé sa journée par deux heures avec une classe d’élèves de B.T.S. Elle ne l’enviait pas. Elle avait déjà expérimenté leur inertie face à un programme de français  beaucoup trop ambitieux qu’ils ne parvenaient en général pas à assimiler. Il était un peu las et s’écroula à ses pieds à même le sol. Il devait tourner la tête pour lui parler ce qui laissait libre le champ de son regard quand il se taisait. Ils échangèrent  quelques propos anodins sur la pénibilité des tâches qui se multipliaient en fin d’année au lycée. Elle prit des nouvelles d’Arnaud la plupart de son  temps libre  occupé à rédiger un essai de philosophie appliquée à bases d’aphorismes sur le modèle des haïkus japonais. Elle rit de son entêtement, de sa persévérance et du refus de lever le secret sur ce livre qu’il écrivait et refusait de leur soumettre. Pas encore, il n’était jamais prêt à être montré, il lui fallait l’émonder, le peaufiner si bien qu’Annie se disait que depuis le temps qu’il y travaillait il devait faire au moins 1000 pages !

Kevin redevint sérieux. Il avait vu sa santé s’altérait depuis ces dernières semaines. Elle n’avait pu cacher ni empêcher que ne s’ébruitât  la rumeur de quelques malaises qu’elle avait eus en classe si bien qu’on l’avait crue enceinte  un moment avant de songer qu’il se pouvait qu’elle fût malade. Alors tout y était passé. On avait tout interprété : son extrême minceur,  le fait qu’elle fumait comme un pompier, sa taux rauque et sa voix éraillée, son teint si habituellement  claire qui s’était voilé, avait pâli puis jauni tour à tour malgré le maquillage et le souci qu’elle mettait à demeurer la même femme debout, obstinée, libre, forte et autoritaire.

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