De Platon à Aristote la transmission s’opère dans le temps même où elle cristallise la problématique autour de l’accès à la connaissance des premiers principes. Connaître c’est détenir les principes qui constitueront le socle de l’information acquise. Platon met à l’honneur la maïeutique socratique, ou « Art d’accoucher les esprits », qui amène l’interlocuteur du philosophe à récupérer un savoir, auquel son âme avait pu avoir accès, du fait de la croyance de Socrate et de Platon en sa survivance dans le monde des Idées, une fois le corps mort abandonné, et après que l’âme a investi une enveloppe charnelle nouvelle. C’est ce que l’on appelle la théorie de la réminiscence, selon laquelle la connaissance, du domaine de l’esprit, est un acte de récupération, par la mémoire, de ce dont elle avait toujours été grosse, à notre insu. Connaître, pour Platon, est un phénomène de prise de conscience que derrière le voile de l’ignorance coule la fontaine invisible et inaudible du savoir.
En matière d’ « epistêmê », du grec « science, connaissance, savoir », Aristote propose une voie toute autre que celle enseignée par Platon. En effet, il affirme dans les Premiers analytiques que « c’est à l’expérience de fournir ces principes » qui caractérisent chacune des différentes sciences. Il confie donc la tâche de découvrir les premiers principes à l’observation du réel par l’intermédiaire des sens de l’homme : il s’agit d’une étude pratique et minutieuse associée à une réflexion approfondie qui a pour finalité la production de vérités générales. Bien que le mot n’existât pas encore comme doctrine constituée avant le 17è siècle, on assiste là à une confrontation de deux manières d’aborder la réalité qui opposent l’idéalisme du maître à l’ « empirisme » de l’élève. Connaître une chose, selon Aristote, c’est donc découvrir la cause qui est à l’origine d’une autre, c’est-à-dire « connaître la cause par laquelle la chose est, savoir que c’est bien la cause de la chose et que cette chose ne peut être autrement qu’elle n’est. » ainsi qu’il l’explique dans les Seconds analytiques. Aristote a comme objectif d’établir une relation de nécessité absolue entre la chose à laquelle on s’intéresse et la cause qui en permet l’existence. Il a le souci de montrer en quoi ce que l’on observe est l’effet d’une cause antérieure sans laquelle il ne serait pas ou pas tel que nous l’observons.
Ces notions de cause et d’effet nous introduisent directement à la logique démonstrative d’Aristote. Et, évoquer la démonstration, dans la cadre de l’œuvre aristotélicienne, ne peut se faire sans mentionner le syllogisme. Du grec « sullogismos » qui se traduit par le mot même de « démonstration », le syllogisme est un raisonnement qui, à partir de propositions données, appelées prémisses, établit une conclusion nécessaire, sans recourir à d’autres éléments que les données de départ. Aristote est le premier philosophe à proposer une théorie du syllogisme. Il le définit, dans les Topiques, dans les termes qui suivent : « Le syllogisme est un discours dans lequel, certaines choses étant posées, une autre chose différente d’elles résulte nécessairement, par les choses mêmes qui sont posées. C’est une démonstration quand le syllogisme part de prémisses vraies et premières. » Il fait référence, ici, au syllogisme qu’il qualifie de scientifique. C’est-à-dire, le raisonnement dont la qualité des prémisses et la rigueur du développement produit une connaissance indubitable. Les conséquences d’un semblable syllogisme ne peuvent être que vraies et nécessaires. Ainsi le syllogisme scientifique est-il une déduction dont le développement argumentatif est employé pour fournir la preuve de ce que l’on veut démontrer. S’opposant à son maître Platon, qui recourait à la dialectique afin de guider la pensée sur le chemin de la vérité, Aristote distingue le syllogisme scientifique, qui ne peut se conclure que sur une proposition apodictique, c’est-à-dire une vérité imposant sa nécessité, et le syllogisme dialectique dont la validité des prémisses donnent lieu à contestation.