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Billet de blog 9 décembre 2014

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Ni « Gardien de Calumet *» ni « Tartour **», nous votons pour un troisième tour... social et révolutionnaire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Comme ce grand Bernard Lazare un jour me le disait ;(...) c'était au moment où il devenait évident que les politiques parlementaires ayant dénaturé l'affaire, allaient dénaturer la reprise de l'affaire : « Les opportunistes, me dit-il, ont mis trente ans pour se pourrir ; les radicaux n'ont pas mis trente mois ; les socialistes n'auront pas mis trente jours. » (Charles Peguy. Cahiers de la quinzaine, 15 mars 1904)

Calumet et Oracle

Ça y est les « démocrates » et les « progressistes » tunisiens de la diaspora après avoir fumer le calumet ont rendu leur oracle : « Nous votons pour Béji Caïd Essebsi » pour « faire barrage au candidat de la haine et de la division »...(1)

Ces messieurs dames qui continuent à affirmer qu'ils ont toujours « la gauche » portée en bandoulière comme jadis on portait un blason pour se distinguer de la populace, ont redécouvert les vertus dialectiques de la négation de la négation.

Ils apportent leur appui au patriarche de la Destourie pour mieux aider à « l’instauration d’une nouvelle République et surtout d’un État de droit que nous espérons au service de tous les Tunisien(ne)s. »

Faire du neuf avec du très vieux, voilà une idée à laquelle seuls les rescapés du « marxisme-léninisme » dans ses différentes versions, moscovite, chinoise voire albanaise pouvaient penser.

Ces preux chevaliers de la « gauche », qui a l'occasion des dernières élections a assisté à une Berezina qui a emporté sur son passage plusieurs partis du spectre centriste (El Joumhouri, El Massar, Attakatol, le CPR) et réduit en cendres les prétentions de quelques figures de proue de cette aréopage représentant les dites « couches moyennes » (Néjib Chebbi, Mustapha Ben Jaafar, Samir Taïeb) ont prévenu que « la ligne rouge », celle de la « manipulation et la démagogie politiques pour gagner des élections sont des moyens odieux et condamnables dans une démocratie et à plus forte raison dans un pays qui entame de manière relativement pacifique sa transition vers la démocratie ».

Fin du cycle de vol et de rapine !

Le pays est en proie aux soubresauts d'une crise permanente qui est celle de la fin du cycle de vol et de rapine qui a produit durant ces « trente piteuses » la concentration de fortunes colossales entre les mains de quelques barons de la Destourie (les fameux 75 milliardaires en dollars) et nos « démocrates et progressistes » aidés par toutes « les forces de progrès » (personne ne manquera à l'appel...) ferraillent « pour que les orientations démocratiques contenues dans la constitution se concrétisent notamment par la mise en place des institutions constitutionnelles qui pourront garantir les libertés et les droits des citoyen(ne)s. »

Le retour en force après une courte période de flottement, due au grand chambardement de l'hiver 2010/2011, de toute la canaille destourienne rassemblée de main de maître par le patriarche, (descendant d'une lignée de serviteurs à la préparation des calumets de Zatla (2) de nos Beys bienheureux), en vue de faire payer aux classes dangereuses leur insubordination, n'est pour nos « démocrates » de « gauche » qu'une opportunité pour «  proposer une alternative au pays pour les prochaines échéances électorales ».

Bien sûr, ils nous préviennent que l'union des « forces de gauche » et « la fin de l'éparpillement » est une condition pour que cette alternative prenne corps et « qu’il faudra demain défendre notre démocratie naissante contre les tentations régressives et se battre pied à pied pour une société plus juste, plus égalitaire et plus démocratique. »

En rang d'oignon derrière Bajbouj

C'est la raison pour laquelle ils se pressent en rang d'oignon pour apporter leur caution de « gauche » et leurs voix d' « hommes de progrès » au presque nonagénaire et à sa « petite majorité » parlementaire représentant « les forces de droite séculière » qui s'apprêtent à   « imposer leurs orientations libérales en matière économique et sociale ».

En cela, ils et elles, ne dérogent guère à notre parabole populaire qui décrit « la vieille, emportée par un oued en furie n'a de cesse de crier que la future année sera celle de l'abondance ». (El Azzouza Hazizha El Oued Ou Hiya It Yaït El Am Saba).

« La Nahdha Oula Nidaa » !

Nos « démocrates » saluent « les résultats » du Front Populaire et ceux de Hamma Hammami mais insistent sur l' « erreur » que fut la « division et émiettement des forces de gauche ».

A ce que l'on sait, aucun des signataires n'a rejoint le Front Populaire au moment où il fut créer avec sa belle devise : « La Nahdha Oula Nidaa !», vite sacrifiée par l'aréopage de dirigeants cooptés de ce même Front, au profit d'une « alliance tactique avec Nidaa Tounes ». Tout est dans la nuance ! Après l'assassinat de deux de nos meilleurs dirigeants : Belaïd et Brahmi... et le boulevard pour le renforcement du Front qui aurait pu changer, en restant « indépendant », la donne révolutionnaire. A l'opposé de cette démarche de construction d'un pôle révolutionnaire, Hamma et sa bande ont préféré se ruer vers un improbable centre introuvable où tous les chats sont gris et un ralliement consensuel au juste milieu dont « Ould Echaab » durant sa campagne a caressé dans le sens du poil.

Nos « démocrates » de la diaspora, en grand nombre se bousculèrent pour créer la section « Nidaa » en France et à l'étranger avant que la canaille destourienne ne leur montre de quel bois elle se chauffe. Ils ruèrent dans les brancards et pétitionnaires contre les « méthodes de voyous » de la canaille destourienne qui reprit le contrôle de leur maison Rcdéïste tout juste ravalée en « Nidaa ».

Finalement, en appelant à voter pour Papy Bajbouj, ils font contre mauvaise fortune bon cœur et rentrent dans le rang. Tout le reste n'est que littérature. Bien sûr pour les plus « intelligents » d'entre eux, une petite placette dans un cabinet ministériel ou un rôle de conseiller de ses maîtres n'est point à exclure. On est bien en cela dans la bonne tradition démocratique.

Dédoublement

Ce qu'ils ne soupçonnent guère, c'est qu'ils sont finalement le produit d'un système et le jouet d'une période et d'une fonction. Où le dédoublement est la règle. Celui de la marchandise, en valeur d'usage et en valeur d'échange. Celui du travail, en travail concret et en travail abstrait. Celui du travailleur, en producteur et en consommateur. Celui de l'homme, en homme privé et citoyen public.

« C'est toujours le même vice moderne de duplicité. Ils veulent jouer deux fois. Ils veulent jouer deux jeux étrangers et à volonté contraires. Ils veulent jouer à deux tables. Ils veulent jouer à deux mains. Ils veulent bien être grands pour les situations temporelles. Et ils veulent bien ne pas être grands pour les responsabilités que les situations temporelles devraient conférer ». (3)

« Tartour » le faux-nez d'Ennahdha !

Venant en maintenant à notre « Tartour », pour qui d'autres « démocrates » et « progressistes » pétitionnent.

En chœur, ces dernier reprennent le leitmotiv de la campagne menée aux frais de la princesse par notre « président temporaire » : « Barrons la route au retour du RCD »... (4)

Le faux-nez d'une partie d'Ennahdha, l'autre partie choisissant clairement de « voter Bajbouj ! » au second tour, a labouré le terrain électoral en endossant la position d'un « Robin des bois » démocrate. Votez pour lui, c'est empêcher « que le RCD ne reprenne la totalité des positions institutionnelles » (Parlement, Gouvernement, Présidence).

Lui permettre, par la grâce du vote au second tour en sa faveur de devenir vraiment « Président » sans la particule « temporaire » qui lui colla à la peau, transformerait le bougre en un intrépide défenseur « de la veuve et de l'orphelin ». Avec lui, de nouveau au Palais de Carthage, (mais cette fois pour une période incompressible de cinq années) nous aurons affaire à un homme d’État qui, pour paraphraser Coluche, « lavera plus blanc que blanc ».

Mais le masque est tombé et la feuille de vigne qui cachait « le sexe » de notre « démocrate » a depuis belle lurette montrer le vrai visage d'un politicien au petit pied.

Il n'a jamais, ni durant les trois années passées à présider « temporairement » le pays avec la Troïka, ni même lorsque quant s'opposant à Ben Ali, il n'avait de cesse à partir de la lucarne Jazirienne d'appeler « l'armée à renverser le tyran »... fait autre chose que de la cuisine bassement politicienne.

Toutes ses déclarations sur « La Maquina » Rcdéïste, que ses amis nahdhaouis et lui-même ont aidé par leur pusillanimité à remettre en selle, en blanchissant jusqu'au dernier mafieux destourien, n'est qu'un effet de manche de campagne élecrotale. Tous sont sortis, blanc comme neige, par la grâce d'une justice qui n'a pas changé de mains au nom de cette duplicité qui veut que l'on ne « jette de l'huile sur le feu » afin de sauvegarder « la concorde nationale ». (Cela ne rappelle-t-il pas « la cohésion de la société » qu'appellent de leurs vœux nos « démocrates de gauche » !)

Son parti, créé de bric et de broc s'est évanoui aussi vite qu'il vit le jour, comme beaucoup d'autres partis. Et c'est encore par la volonté de son parrain Ghannouchi de ne pas présenter de candidat attitré « Ennahdha », qu'il doit sa présence au second tour.

Mais le parrain est en perte de vitesse et l'on sait qu'une partie d'Ennahdha comme une partie du Front Populaire appellent publiquement à « voter Bajbouj », par pur opportunisme politique, seule denrée non périssable en plein chambardement révolutionnaire.

« Jeux institutionnels » ou Révolution ?

Les jeux sont faits et les résultats connus avant même leur sortie des urnes.

Ce qui ne l'est pas, c'est que tout ce beau monde oubli un peu vite que la permanence de la révolution n'est pas une chimère, ou une utopie « sortie tout droit de l'esprit d'un marxiste-révolutionnaire » mais une réalité vivante.

L'autre versant de la révolution qui agite l'inter-nation arabo-africaine : l’Égypte, montre que malgré la sauvagerie de la répression de l’État « Moubarakien » (Moubarak vient d'être blanchi, lui-aussi ainsi que ses proches, de toutes accusation d'assassinats, de vol et de rapine !) sous la férule du Maréchal Sissi, les révolutionnaires n'ont pas rendus les armes.

La dernière séquence d'agitation de la rue égyptienne indique que nous n'avons pas été vaincus.

Le courant chaud de la révolution s'élargit à l'ensemble de notre continent africain avec le « dégage » dont le tyran Compaoré fit les frais, sauvés in extremis par les services secrets français qui réussirent à l'exfiltrer. Et « vive la FrançAfrique » !

La question sociale, comme en 2008, en cet hiver qui fut l'étincelle de ce qui se déroula par la suite, est toujours brulante.

Nous sommes, en réalité, sur un processus d'une longue période de contestation, elle même marquée par la crise systémique du capitalisme à l'échelle mondiale qui démarra à la même époque et dont aucune éclaicie n'est en vue pour changer la donne.

Au contraire de ce que pensent les pétitionnaires militants et sympathisants de la « gauche du Front Populaire », nous ne sommes guère disposés à guerroyer « à coup d'épingles » dans la future chambre parlementaire en nous comportant en « opposition parlementaire raisonnable » en attendant sagement l'« arrivée de la gauche au pouvoir par les urnes, poussée par le soutien et la protection du peuple ». (5)

La coupe est pleine

Les opprimés et les exploités ne peuvent attendre. La coupe est pleine.

Les phénomènes contre lesquels nous nous sommes levés entre 2008 et 2011 : corruption, malversations, inflation, chômage de masse, cherté de la vie, désespérance et suicides n'ont jamais cessé. Ils se sont au contraire amplifiés avec l'arrivée aux « affaires » de nouvelles coteries politiciennes désireuses de faire les poches des pauvres.

La classe des travailleurs avec ou sans travail est doublement orpheline. Les dirigeants de la « gauche » se sont coulés dans les habits de « gestionnaires » de l'aléatoire : le capitalisme, pendant que la direction de l'UGTT s'est enferrée dans le trop fameux « dialogue patriote » avec les représentants de la « société civile »...

Construire du neuf avec du neuf !

L'ensemble des classes populaires sont sans direction dans une situation où plus que jamais l'art stratégique réclame que l'on dispose d'un commandement pour les futures luttes prévisibles.

L'ensemble de la jeunesse sur les épaules de qui ne pèsent aucune défaite et qui viennent, pour beaucoup d'entre eux, de faire leurs premières armes de lutte dans cette première séquence révolutionnaire, sont les premiers concernés par la construction de la nouvelle maison commune de lutte contre le capitalisme mortifère.

Sachant qu'on est au début d'un cycle qui s'annonce long où stratégies et tactiques sont à préciser à partir de notre première expérience et des expériences historiques similaires, il faut construire l'organe de direction des luttes à venir qui s’annoncent déjà nombreuses, n'en déplaisent à tous les petits bourgeois effrayés par la révolution et qui le sont moins par le bruit des bottes.

D'ailleurs on retrouve les mêmes « démocrates » qui durant la « décade sanglante » se sont mués en « éradicateurs des fanatiques islamistes » avec la bénédiction des officiers « Hizb França » (6) de l'armée algérienne. On connaît parfaitement la suite.

En Égypte, nos « démocrates » ont salué l'impérator Sissi pour sa liquidation des mêmes « fanatiques » et l'emprisonnement de dizaines de milliers de personnes. Pourvu que leur petit confort de classes intermédiaires ne s'en trouve perturbé.

Chez nous c'est la même sérénade à laquelle « nos démocrates et progressistes » entonnent en choeur le même refrain : « Éradiquez » ! Quand on vous dit qu'on a affaire à des « démocrates »...

AOUINA Hamadi

9 décembre 2014

* « Caïd Essebsi » le nom de notre presque nonagénaire vient de la période ottomane ou les Beys avaient des serviteurs attitrés pour la préparation de la prise de Hashish. Comme pour la cuisine les serviteurs devaient être triés sur le volée pour éviter l'empoisonnement...

** « Tartour » est une formule inventée par les gens d'en bas pour décrire l'insignifiance de notre cher « propvisoire » de président : Moncef Marzouki, durant la période transitoire sous gouvernement d'Ennahdha...

(1) http://nawaat.org/portail/2014/12/08/appel-presidentielle-il-faut-barrer-la-route-au-candidat-de-la-haine-et-de-la-division/

 (2) Zatla : Hashish, Shit, Marijuana, Chanvre, Kif, Cannabis.... On estime à plusieurs milliers les jeunes majoritairement d'origine populaire (les enfants de riches sont arrachés aux griffes des flics dès l'annonce de leur arrestation grâce à un Bakchich ou un entregent) à croupir en prison pour consommation et petits trafics de Zatla.

  (3) Charles Péguy, L'Argent, Gallimard, Paris, 1932, p 230

 (4) http://www.mediapart.fr/journal/international/061214/tunisie-moncef-marzouki-denonce-le-retour-de-lancien-regime

 (5) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article33662#top

 (6) Hizb França : Parti de la France ou « FrançAfrique »

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