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Billet de blog 26 septembre 2019

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Un nouveau cycle de grandes luttes à l’échelle arabe.

La première leçon à tirer de tous les évènements auxquels on assiste, de nos jours, est qu’il existe un véritable terreau commun et une synergie à l’échelle de l’ensemble  arabe. Qu'aucun des évènements produits dans l'un des Etats ne peut être séparé du bain global qui agite la région.

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Un nouveau cycle de grandes luttes à l’échelle arabe.

Les évènements qui se déroulent en Tunisie, avec l’arrivée en tête des élections présidentiels du professeur de droit, Kaïs Saïd, en Egypte avec la reprise des manifestations contre la caporalisation de la société par le despote Sissi, en Algérie contre le régime militaire représenté par le dernier rempart de ce dernier: Gaïd Salah, au Soudan avec une transition qui abolit la main mise sur ce pays des Frères Musulmans et leur bras armé après la destitution du tyran El Béchir, tous ces évènements sont la preuve tangibles que le souffle du grand chambardement de l’hiver 2010/2011 est toujours vivace.

Si on y ajoute que la monarchie marocaine est ébranlée par le soulèvement du traditionnel Rif insoumis, que le pantin libyen Hafter, surarmé par des puissances étrangères se trouve toujours dans l’incapacité de venir à bout de la résistance des tripolitains, que l’Arabie Saoudite et son satellite émirati subissent des revers au Yémen, dont la dernière attaque des installations pétrolières saoudiennes et les pertes engendrées, nous donne la mesure de l’incapacité de la monarchie autocratique, sous la conduite de MBS, à conquérir le leadership du monde arabe, et last but not least la question palestinienne qui reste toujours brulante et la Syrie du bourreau alaouite Bachar qui est devenue un condominium russo-iranien; tous ces ingrédients sont une belle démonstration que la séquence révolutionnaire n’a pas été étouffée par la contre-révolution. 

La première leçon à tirer de tous ces évènements est qu’il existe un véritable terreau commun et une synergie à l’échelle de l’ensemble  arabe. 

Si on prend en ligne de compte le temps long de notre histoire contemporaine, la séquence de soubresauts à laquelle on assiste aujourd’hui, depuis l’étincelle de l’hiver 2010/2011, nous rappelle celle ouverte par la victoire des insurgés Rifains, sous la conduite d’Abdelkrim El Khatabbi, en 1921, il y a près d’un siècle, qui a vu la défaite de l’armée espagnole, colonisatrice du Maroc du Nord. 

On a même failli assister à la défaite de l’armée coloniale française, puissance occupante du sud du Maroc, sous la conduite du maréchal Lyautey destitué au profit du Maréchal Pétain. 

Ce dernier, allié au nouvel homme fort de l’armée espagnol, après le suicide du général Sylvestre, le général Franco, n’ont réussi à venir à bout de la résistance rifaine qu’avec la mobilisation de 700 000 soldats franco-espagnols (soit l’équivalent de la population totale du Rif) et surtout par l’usage massif du premier bombardement aérien chimique, le fameux gaz moutarde. 

Nous sommes donc en train de vivre un nouveau cycle de luttes pour une nouvelle indépendance et surtout la réalisation du rêve de nos ainés: l’unité arabe dans ses deux versants: Maghreb et Machrek. 

Il n’est point inutile de rappeler que cette unité ne saurait se réalisée sans le plein épanouissement des deux nationalités qui forment les deux segments du trépied arabe: la nationalité amazigh et la nationalité kurde, et la protection des cultes chrétiens, juif et autres cultes minoritaires.

Même la Banque Mondiale qui ne peut être soupçonnée de « gauchisme » indique dans un rapport publié en septembre 2019 (https://blogs.worldbank.org/fr/arabvoices/shifting-development-paradigm-middle-east-and-north-africa?cid=ECR_E_newsletterweekly_FR_EXT&deliveryName=DM44833) que « ces dernières décennies ont vu évoluer les priorités des modèles de développement économique, la réduction des importations cédant le pas à la promotion des exportations, nouvelles garantes de la prospérité.

Pour les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), aucun de ces deux paradigmes n’a été vraiment efficace : l’économie stagne et le chômage, en particulier chez les jeunes, reste élevé. Le moment est sans doute venu pour eux d’emprunter une trajectoire différente, en misant sur la demande intérieure régionale pour stimuler le développement économique. »

Le rapport insiste sur la nécessité de construire une économie rassemblée pour satisfaire un marché de « 400 millions d’habitants, soit environ deux fois plus que l’Europe de l’Ouest. Sans oublier que sa population devrait doubler d’ici 2050, contrairement à l’Europe où le moteur démographique est pratiquement à l’arrêt. »

Bien entendu le rapport de la Banque Mondiale reprend les fondamentaux de l’idéologie libérale, celles-la mêmes qui sont à bout de souffle au sortir des « trente piteuses », mais l’idée de centralisation de l’économie du monde arabe, en privilégiant la satisfaction de l’immense marché intérieur de ce dernier est une idée forte.

Nous avons aujourd’hui une nouvelle séquence de luttes pour sortir notre région des nouvelles formes de « colonialisme », formes  prises par la contre-révolution qu'on a désigné par la formule " Infitah", au sortir des années soixante-dix où les nouvelles couches bourgeoises sorties des entrailles des bureaucraties étatiques qui, tel un boa, ont asphyxié l’élan d’émancipation mis en place après la vague d’accession aux indépendances. 

Le recul historique et la remémoration de l’épopée d’Abdelkrim El Khatabbi en 1921 qui a ouvert le cycle des luttes anti-coloniales du vingtième siècle est nécessaire pour toutes celles et tous ceux qui désirent reprendre le flambeau de nos aînés.

Sans cette mémoire des luttes nous ne pourrons point avoir de phare pour éclairer notre nouveau chemin d’émancipation. 

Paris: 26 septembre 2019

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