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Billet de blog 2 septembre 2014

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LETTRE OUVERTE À M. LE PRÉSIDENT... À CO-SIGNER SUR CHANGE.ORG

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Le peuple français, complice des crimes de guerre commis à Gaza ?

 Il faut stopper la coopération militaire avec Israël

 Initiateur de la lettre : Armand Ajzenberg

 Plus de deux-mille morts. Des enfants, des femmes, des vieillards, des adultes, des combattants aussi, d’un côté. De l’autre, près de 70 militaires tués. Après la grande boucherie, c’est la trêve. Et ça reprend ou reprendra. Indéfiniment ? Levée du blocus de Gaza en premier lieu dit le gouvernement unifié palestinien. Non, trêve sans conditions dit Netanyahou, ou dans des conditions inacceptables. Ce qui serait considéré comme une défaite et un renoncement du Hamas, et par le gouvernement hébreu et par ses soutiens ? Impensable pour les combattants de Gaza, qui ne sont pas que du Hamas.

 « Contre qui Israël se bat-il ? Contre le Hamas est la réponse qui vient en premier lieu. Parce que le Hamas est l’autorité politique compétente à Gaza, parce que c’est un ennemi facilement détestable (inscrit sur les listes terroristes de l’Union Européennes et des Etats-Unis). Parce qu’Israël le dit. En réalité, du côté palestinien, toutes les factions disposant d’un groupe armé sont engagés dans cette guerre. Le Hamas, le Jihad Islamique et les Comités Populaires mais aussi les groupes de l’OLP (Front Populaire de Libération de la Palestine, Fatah). C’est donc à minima une guerre israélo-palestinienne » pouvait-on lire sur Mediapart (Xavier Guignard, 4 août 2014).

  La délégation palestinienne unifiée aux négociations du Caire était menée par Azzam A-Ahmed pour le Fatah. Elle comprenait un représentant du Jihad Islamique, le chef du renseignement palestinien et Abou Marzouk pour le Hamas. Ce qui est une reconnaissance « De facto » du gouvernement unifié palestinien, donc aussi du Hamas, par les gouvernements impliqués dans ces négociations.

 Si l’armée israélienne s’est retirée de la bande de Gaza, c’est moins parce qu’elle était prise de remords et plus pour des raisons économiques. Le coût en soldats morts, chiffre jamais atteint par cette armée jusqu’alors, le coût en matériel militaire, le coût moral enfin (« Malgré une propagande massive, Israël a perdu la guerre médiatique » titrait Le Monde daté du 7 août 2014). Pour continuer la guerre, subsistait l’utilisation de l’aviation et des drones. Du « Dôme de fer » aussi, qui coûte très cher. D’autant plus que les rockets tirées par les palestiniens, pour aller de plus en plus loin, étaient paraît-il de moins en moins chargés d’explosifs. Mais comment en être certain et comment ne pas les abattre ? Les israéliens le savaient et se retrouvaient ainsi dans une comédie dramatique qui leur coûtait les yeux de la tête. Triste théâtre.

 Un article du Monde daté du 31 juillet 2014 notait que la saison touristique en Israël avait été gâchée. L’industrie du tourisme perdra cette année 644 millions de dollars au moins, le double au plus. L’article ajoutait : « Reste que le tourisme n’a qu’une place relative dans l’économie israélienne. S’il fait vivre 150 000 familles, il ne rapporte « que » 3,7 milliards d’euros par an à l’État, contre 30 milliards d’euros pour les exportations (high-tech surtout).

 Ici, un peu d’histoire, à deux volets, M. le Président : celle de la vente d’armes françaises à Israël et celle de l’achat d’armes israéliennes par la France. S’agissant du premier volet, les ventes d’armes par la France à Israël, elles furent florissantes jusqu’en 1968. En effet, au matin du 5 juin 1967 (la guerre des Six-Jours) les forces aériennes israéliennes effectuèrent des frappes (préventives) sur les forces aériennes syriennes, égyptiennes et jordaniennes, détruisant leurs avions à terre et détruisant leurs pistes. Ce fut une publicité exceptionnelle pour les Mirages III fabriqués par Dassault. Ils devinrent pour celui-ci un succès à l’exportation. À la fin du raid aérien israélien sur le Liban, en 1968, la France, c’était au temps du Général de Gaulle, imposa un embargo sur les armes à destination d’Israël.

 Il a été mis fin à cet embargo dans les années 1990. Depuis l’année 2001, date à partir de laquelle les exportations vers les pays destinataires sont rendues publiques, 20 États de l’Union Européenne ont exporté, à des degrés divers, du matériel militaire en direction d’Israël.  « Mais bien sûr, rien de bien comparable entre Chypre et le Luxembourg qui ont accordé 1 seule licence d’exportation en 8 ans et par exemple la France qui totalise plus de 50 % des exportations de l’Union européenne en direction de l’État hébreu » est-il écrit (en 2010) dans un document préparatoire à la Première Session Internationale du Tribunal Russel sur la Palestine.

 Patrice Bouveret, l’auteur de ce document ajoute : « … deux aspects du soutien à la politique militaire d’Israël méritent d’être signalé, même s’ils ne relèvent pas directement d’une contribution directe aux violations du droit international humanitaire.

 Il s’agit en premier des programmes de recherche scientifique financés par l’Union européenne qui ont bénéficié à des entreprises israéliennes d’armement (cf. l’article de David Cronin, annexe 3).

Le second point est l’accueil d’entreprises israéliennes d’armement dans les salons professionnels  organisés notamment en France par le ministère de la défense. Il s’agit-là d’un soutien apporté à l’industrie d’armement israélienne qui vient présenter sur le sol français du matériel utilisé par l’armée israélienne dans le cadre des opérations militaires qu’elle conduit dans les Territoire palestiniens. L’efficacité prouvée dans les combats est même un des arguments majeurs vantés par leurs commerciaux pour « accrocher » le client… ».

 Après l’embargo décrété en 1968, la collaboration en matière de matériels militaires entre la France et Israël redémarra donc en 1995 avec l’autorisation donnée à EADS par le Ministère français de la Défense pour l’achat à Israël de 4 drones Hunter. En 2001, un accord d’une valeur de 43 millions d’Euros fut conclu entre EADS et IAI (Israeli Aircraft Industry) pour l’achat d’autres drones. En 2005, fut révélée la teneur d’un accord de 300 millions d’Euros consacrés au développement, toujours dans le cadre d’une collaboration entre EADS et IAI, d’un système de drone EuroMale (Medium Altitude Long Endurance) destiné à la fois à un usage civil et militaire. En 2011, le gouvernement français a décidé d’acheter des drones à IAI pour une valeur de 318 millions d’Euros, le groupe Dassault étant chargé de les équiper. Et il y a d’autres collaborations militaires entre d’autres entreprises françaises et d’autres firmes israéliennes.

 C’est la crise. Pas pour les fabricants et marchands d’armes, en Israël comme en France.

 La coopération militaire entre la France et Israël porte principalement sur des technologies sensibles (drones, avions de reconnaissance, optronique, détection optique, lasers). « Il s’agit d’ailleurs d’une coopération technologique à double sens  permettant  de « donner aux industriels français et israéliens, affectés les uns et les autres par la baisse des budgets de défense, l’occasion de s’unir pour pénétrer de nouveaux marchés » et surtout d’améliorer leurs produits en bénéficiant des avancées réciproques  acquises tant par les industriels que par l’expérimentation du matériel sur le terrain  en situation de combat réel » écrit encore Patrice Bouveret dans son rapport. Et on sait sur quel terrain se situe ce combat réel.

 Après les massacres perpétrés par l’armée israélienne à Gaza, Londres a décidé de réexaminer les licences d’exportation conclues avec Israël sur les armes et les équipements militaires, « au regard de la situation actuelle ». Madrid en a fait autant. En France, rien. Les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Venezuela, Paraguay, Uruguay) avaient appelé l’ONU à prendre des mesures rapides et concrètes afin d’obliger le gouvernement Netanyahou à mettre fin à ses opérations militaires.

Ainsi la France, M. le Président, en coopérant en matière de matériel militaire avec Israël, était-elle en quelque sorte complice des crimes de guerre commis à Gaza. Peut-être un jour comparaîtra-t-elle, ès qualités, devant un tribunal international ? On sait en effet qu’une résolution adoptée à l’ONU, malgré l’opposition des Etats-Unis et l’abstention de la France, a nommé une commission « pour enquêter sur toutes les violations du droit humanitaire dans les territoires palestiniens occupés, en particulier à Gaza, dans le contexte des opérations militaires conduites depuis le 13 juin ». Monsieur Hael Al Fahoum, ambassadeur de Palestine en France ne comprit pas l’attitude de Paris. « Est-ce le terme crime qui dérange ? » s’interrogea-t-il.

 Il faut exercer une pression économique et politique sur Israël, et cette pression aujourd’hui concerne plus précisément le commerce des armes entre la France et Israël. En effet, si ce pays, en la matière, est importateur il est aussi exportateur vers la France. Et ce commerce dépend du gouvernement, et de vous M. le Président.

 Des communistes, des membres du Parti de gauche, des socialistes aussi, des gaullistes comme Dominique de Villepin, des démocrates éclairés comme Edgar Morin et bien d’autres, des militants d’« Une autre voix juive », des croyants de toutes obédiences, de simples gens sans appartenance politique ont protesté contre les massacres perpétrés par Israël. Le gouvernement hébreu, lui, n’en a eu visiblement « rien à cirer ». C’est un gouvernement de droite où figure en bonne part l’extrême-droite, voire pire. Continuer à commercer en matière de matériel militaire avec lui, c’est légitimer une telle « combinaison » politique. Comment pourrez-vous alors, M. le Président, en 2017, dénoncer une éventuelle alliance entre l’UMP et le Front national pour gouverner ?

Il est grand temps d’arrêter, « au regard de la situation actuelle », toute coopération à propos de matériels militaires avec Israël, tant que ne seront pas acquises un certain nombre de conditions nécessaires au règlement définitif du conflit : levée totale du blocus, arrêt de la colonisation et retour d’Israël aux frontières tracées en 1967, reconnaissance d’un État palestinien par Israël, libération des prisonniers palestiniens… et bien sûr, alors, il y aura assurance pour Israël d’être entièrement reconnu et de pouvoir ainsi vivre dans la sécurité et la paix. Il en va de l’honneur de la France, du vôtre aussi M. le Président.

 Ce texte a déjà été publié sur ce blog le 18 août 2014. C’était le seul, à cette date, traitant de la guerre israélo-palestinienne. Il était alors le blog le plus recommandé par les abonnés du journal. Jusqu’au 21 août, date d’une attaque terroriste d’un hacker franco-israélien se réclamant du sionisme, bloquant pendant quelques heures l’accès au site. Hasard ?

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