LETTRE OUVERTE À… (SUITE)
Christophe Aguiton, Paul Alliès, Jean-Pierre Anselme, Esther Benbassa, Alain Bertho, Jean Baubérot, Patrick Chamoiseau, Philippe Corcuff, Henri Emmanuelli, Éric Fassin, Aurélie Filippetti, Gérard Filoche, Jacqueline Fraysse, Élisabeth Gauthier, Yves Gigou, Benoît Hamon, Paul Jorion, Pierre Khalfa, Annie Lacroix-Riz, Remi Lefebvre, Jean-Christophe Le Duigou, Bernard Lefort, Laurent Loty, Liem Hoang Ngoc, Michael Lowy, Noël Mamère, Philippe Marlière, Roger Martelli, Emmanuel Maurel, Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg, Edgar Morin, Ariane Mnouchkine, Laurent Mucchielli, Roland Pfefferkorn, Yvon Quiniou, Bernard Ravenel, François Rebsamen, Christian Salmon, Bernard Stiegler, Benjamin Stora, Christiane Taubira, André Tosel, Manuel Valls, Marie-Pierre Vieu, Francis Wurtz, Patrice Bessac.
Il y a une semaine, environ, je vous ai écrit. C’était pour avoir votre avis à propos de cette question : humanisation du capitalisme (c’était le point de vue de Manuel Valls notamment, en 2007) ou dépassement de celui-ci (c’était, la même année, le point de vue de Jean-Luc Mélenchon et de bien d’autres) ?
Peut-être n’avez-vous pas encore répondu ? Pourtant, le sujet ne me semble ni hors actualité ni hors urgence. Michel Rocard rappelait il y a peu, dans Le Monde, que « Le capitalisme semble maintenant entré dans une période de convulsions, de drames, et de contradictions dont on ne voit guère comment il pourrait sortir. » Il ajoutait, à propos de gauchisme : « Qu’est-ce que le gauchisme sinon l’attitude consistant à refuser le discours politiquement correct auquel se sont ralliés les institutions et les chefs en place ? Il est des moments où une cure de gauchisme est nécessaire. » […] Une cure de gauchisme n’est donc ni pour me surprendre ni pour me déplaire. Mais, mais… le fondateur du gauchisme, au fond, est un camarade à nous qui s’appelait Karl Marx. »
Cela rejoint les propos de ce dernier, reformulés et reprécisés, en 1968, par Henri Lefebvre : « La société capitaliste peut donc, à travers crises et convulsions, connaître une croissance et même bouleverser les techniques de production. Tant que la bourgeoisie peut jouer ce rôle, elle garde le pouvoir. Un mode de production disparaît seulement lorsqu’il a mis à jour ce qu’il recelait : connaissances, techniques, forces productives. Les limites du capitalisme lui sont assignées par lui-même, et non pas du dehors. »
Pour certains, le silence comme réponse à ces questions peut valoir abstention… d’opinion. Pour « sauver le quinquennat » de François Hollande, Gérard Filoche appelle à l’adhésion, maintenant, au Parti socialiste de tout ceux qui l’ont quitté, de tout ceux qui ont voté aux primaires de 2011, pour pouvoir voter au congrès de mai (Démocratie socialiste, No 219, nov. 2014, p.3). Espoir me semble-t-il vain. Les cotisants à ce parti ont fondu comme neige au soleil, par dizaines de milliers paraît-il. Il y a fort à parier qu’ils n’ont pas envie de revenir et que M. Cambadélis ne fera rien pour cela avant le congrès.
Ne vaudrait-il pas mieux réinventer un nouveau PSU ? Et cela avant le congrès, car ensuite, après une défaite, démobilisatrice, annoncée de ceux qu’on nomme « frondeurs », les choses seront « pliées » au PS pour aller vers une humanisation/régulation, illusoire, du capitalisme (du marché). Humanisation/régulation telle que Nicolas Sarkozy, mais aussi Marine Le Pen, pourraient facilement s’y rallier. On pourrait alors élargir le sigle inventé par le FN – UMPS - à UMPSFN.
Pour Michel Rocard, « la seule certitude qui demeure est que la somme des intérêts individuels qui constitue le marché est incapable de définir et de défendre l’intérêt général. » « La réponse était "humanisation" à l'automne 2008. Ceux qui auraient pu la rendre possible n'en ont cependant pas voulu, préférant s'accrocher plutôt à quelques privilèges dérisoires. Il ne reste plus du coup que l'option "dépassement". Cela ne leur convient probablement pas mais il faut leur rappeler que la responsabilité de la transition de l'"humanisation" vers le "dépassement" leur revient entièrement. » écrit Paul Jorion dans sa réponse à la lettre ouverte.
Se prononcer pour un dépassement du capitalisme est d’abord et avant tout manière de se positionner. Ensuite vient la question du contenu de ce dépassement. C’est alors celle du rassemblement de ceux qui se reconnaissent dans cette ambition - dépasser le capitalisme - qui devient capitale. Et enfin, ce rassemblement effectué (?), débattre du contenu de ce dépassement, moins dans le seul cadre des partis politiques et plus dans celui d’états généraux ouverts à tous, deviendra alors la question du jour. S’abstenir aujourd’hui pour faire un « coup » en mai prochain au congrès socialiste n’a guère de sens. Vouloir à tout prix sauver le soldat Hollande et son quinquennat, et ainsi accorder un sursis à un mode de production devenu obsolète ne va pas dans le sens de l’Histoire. S’abstenir de poser ces choix de société… et s’abstenir d’y répondre, ne seraient finalement que manœuvres politiciennes.