Non, ce ne sont pas des survivants d'Auschwitz mais des rescapés, après la seconde guerre mondiale, de l'hôpital psychiatrique de Clermont-de-l'Oise.
« Nous vivions dans une ambiance de camp de la mort »
Dr Requet, Psychiatre alors au Vinatier
Cette photo figure dans le rapport de la direction de l’hôpital de Clermont-de-l’Oise, en 1945, où il est précisé que l’état squelettique des malades ici représentés n’est pas exceptionnel. On comparera avec la photo suivante prise à la Libération au camp nazi de Majdanek, près de Lublin en Pologne.
À Clermont-de-l’Oise, de 1940 à 1944 inclus : 3 536 morts
Soit en 1939 : 5,8 % de l’effectif de l’année
1941 : 26,6 %
1942 : 19,9 %
1943 : 15,0 %
1944 : 19,3 %
Au Vinatier (Lyon), de 1940 à 1944 inclus : 3 227 morts
Etc., etc. En tout : 76 000 morts dans les hôpitaux psychiatriques de France
- Soit près de 70 % des malades mentaux alors internés.
- Soit 1,81 morts par « extermination douce » pour 1 000 habitants (en Allemagne, en comparaison, il y eut 1,85 morts par « extermination dure » pour 1 000 habitants).
- Si les nazis n’avaient pas exigés la livraison en Allemagne des juifs de France,
- Mais que ceux-ci aient été internés dans des Pithiviers et des Beaune-la-Rolande,
- Qu’il y ait eu 150 000 juifs d’internés au lieu de 76 000 de déportés, confiance en la France et en Pétain oblige,
- Étant nourris et traités identiquement aux fous internés, il y aurait eu 100 000 juifs de France morts de faim en France, au lieu de 76 000 exterminés en Allemagne.
NON, CE NE SONT PAS DES SURVIVANTS DE CLERMONT-DE-L’OISE
MAIS DES RESCAPÉS DU CAMP DE MAJDANEK (POLOGNE)
« De loin, les camps pouvaient ressembler à des maisons de fous »
Henri Michel, historien.
C'est Henri Michel qui prit, en 1955, l'initiative de commander à Alain Resnais la réalisation du célèbre film sur le système concentrationnaire nazi, mais aussi sur celui de l’État français d’alors, Nuit et brouillard, dont il fut le conseiller historique.
« Ici l’on vit ici l’on meurt à petit feu
On appelle cela l’exécution lente
Une part de nos cœurs y périt peu à peu. »
Aragon
NON, CE NE SONT PAS DES JUIFS PÉNETRANT DANS UNE CHAMBRE À GAZ, À AUSCHWITZ
MAIS UNE PUB NAZIE JUSTIFIANT LE TRAITEMENT DES FOUS ALLEMANDS DANS DES CHAMBRES À GAZ (OPÉRATION T4)
« Une conception morale et religieuse de la vie exige la prévention d'une descendance héréditairement malade »
Source : USHMM
« Le gouvernement allemand a pris des mesures énergiques contre la propagation des individus défectueux, des malades mentaux et des criminels. La solution idéale serait la suppression de chacun de ces individus aussitôt qu’il s’est montré dangereux. Alexis Carrel, préface à l’édition allemande de L’homme, cet inconnu, 1936. C’était avant l’opération T4. Message, on l’a vu, reçu 5/5 par Hitler.
« Un effort naïf est fait par les nations civilisées pour la conservation d’êtres inutiles et nuisibles. Les anormaux empêchent le développement des normaux. Il est nécessaire de regarder ce problème en face. Pourquoi la société ne disposerait-elle pas des criminels et des aliénés d’une façon plus économique ?[…] Le conditionnement des criminels les moins dangereux par le fouet, ou par quelque autre moyen scientifique, suivi d’un court séjour à l’hôpital, suffirait probablement à assurer l’ordre. Quant aux autres, ceux qui ont tué, qui ont volé à main armée, qui ont enlevé des enfants, qui ont dépouillé les pauvres, qui ont gravement trompé la confiance du public, un établissement euthanasique, pourvu de gaz appropriés, permettrait d’en disposer de façon humaine et économique. Le même traitement ne serait-il pas applicable aux fous qui ont commis des actes criminels ? Il ne faut pas hésiter à ordonner la société moderne par rapport à l’individu sain. »
Alexis Carrel, L’homme, cet inconnu, 1935
- Carrel, complice d’Hitler ?
- Il reste une rue Alexis-Carrel à Meaux (77), ville dont Jean-François Copé est Maire !
NON, CE NE SONT PAS DES RESCAPÉS D’AUSCHWITZ
Mais, à gauche, en 1945 à Bergen-Belsen : un enfant juif survivant
Et, à droite, en 1994 au Rwanda : un enfant Tutsi survivant
L’abandon à la mort des fous, la Shoah, l’extermination des plus faibles, le génocide Rwandais ont un point commun : une idéologie qui intervient avec la force d’un fait concret. Si l’idéologie peut être entendu comme un ensemble de représentations du monde et des rapports sociaux répondant à des intérêts dominants, la conduite des sociétés à l’égard de ceux qu’elles regardent comme différents ou faibles est révélatrice de l’état de leurs civilisation en chaque moment de leur histoire. Idéologies, politiques, pratiques sociales (et psychiatriques) se retrouvent ainsi dans un ensemble cohérent caractérisant la structure d’une société où l’abandon à la mort des malades mentaux, en 1940, rejoint les procédures d’ « effacement » des juifs, des Tziganes et d’autres catégories de personnes placées en dehors ou en deçà des normes par l’État français à la même époque, comme elle rejoint aussi celles ayant conduit au génocide des Tutsi en 1994. Dans lequel l’État français actuel nie toute responsabilité.
S’agissant des malades mentaux internés pendant le seconde Guerre Mondiale, certains et certaines nient qu’ils y ait eu non-assistance à personnes en danger, ou abandon à la mort des malades mentaux par L’État français d’alors. POURTANT :
- 3 mars 1942, circulaire No 39 (Direction de la Santé, 2e bureau) : « Dans les conditions actuelles, il est difficile de faire obtenir à ces malades (mentaux) un supplément à la ration qui leur est octroyée, supplément qui ne pourrait être prélevé que sur les denrées déjà trop parcimonieusement attribuées aux éléments actifs de la population, en particulier aux enfants et aux travailleurs. […] Pour le Secrétaire d’État : Le Secrétaire général de la Santé : L. Aublant »
- mai 1942, courrier, retrouvé par l’historien Samuel Odier, émanant d’un Directeur régional de la Santé et de l’Assistance (Secrétariat d’État à la Santé, XXe région) : « Demandez à vos médecins de désigner les bénéficiaires par classement basé sur la distinction ci-après : les malades récupérables, c’est-à-dire ceux qui, par un traitement approprié et séjour de courte durée dans votre hôpital pourront être rendus à la liberté et reprendre leur place dans la société et leur activité antérieure : ce sont ceux-là qu’il convient de réalimenter ».
- 4 décembre 1942, circulaire No 186 : « Le Secrétaire d’État à la Santé à MM. les Directeurs régionaux de la Santé et de l’Assistance. J’ai l’honneur de vous faire connaître que les démarches effectuées depuis plusieurs mois auprès du Secrétaire d’État à l’Agriculture et au Ravitaillement en vue de l’attribution supplémentaire de denrées contingentées aux malades internés dans les hôpitaux psychiatriques viennent d’aboutir. M. le Ministre, Secrétaire d’État à l’Agriculture, m’informe, en effet, qu’il se propose d’allouer aux internés les suppléments prévus pour les cantines d’usines et restaurants à prix réduit et le régime de suralimentation à 25 % de leurs effectifs. […] Pour le Secrétaire d’État : Le Conseiller d’État, Secrétaire général. Dr Aublant »
« Un surprenant revirement de Vichy ». C’est ainsi que Mme von Bueltzingsloewen, historienne, qualifie la circulaire du 4 décembre 1942. Pour elle la nomination, le 11 septembre 1942, de Max Bonnafous à la tête du ministère de l’Agriculture et du Ravitaillement a constitué (au bout de plusieurs mois) le facteur déterminant du « miracle ». Ce qui lui permet, alors que les deux tiers des condamnés par la famine sont à cette date déjà morts, d’absoudre le régime de Vichy de toute responsabilité dans l’hécatombe.
L’avis du psychiatre et historien Michel Caire à ce sujet (il s’agit de quelques éléments de la critique faites par lui de L’abandon à la mort… de 76 000 fous par le régime de Vichy, L’Harmattan, nov. 2012) : « La circulaire du 4 décembre 1942 du Secrétaire d'État à la Famille et à la Santé, dite « Circulaire Bonnafous » qui a incontestablement permis une amélioration de la situation en accordant "l'attribution supplémentaire de denrées contingentées aux malades internés dans les hôpitaux psychiatriques" est considérée par l'auteur (A. Ajzenberg) comme "probablement politicienne et non humanitaire" (p.47), si tant est que l'on ne puisse imaginer "un brusque accès d'humanisme" d'un "ministre collaborationniste, par ailleurs solidaire de toutes les déportations de juifs vers les camps de la mort" (p.53).
Cette circulaire "tardive, décalée, insuffisante et en partie inefficace" (p.73) et au mieux "un accident, une péripétie, un miracle" (p.80) aurait été destinée, propose A. Ajzenberg, moins à satisfaire les psychiatres qui avaient réclamé cette mesure, que "la bonne conscience de quelques personnalités" (p.72) comme Heuyer.
L'auteur discute aussi le rôle possible d'Hélène Bonnafous, fille du grand aliéniste Paul Sérieux et elle-même médecin du cadre des hôpitaux psychiatriques, dont l'intervention auprès de son époux Max, Secrétaire d'État à l'Agriculture et au Ravitaillement aurait pu être à l'origine de cette circulaire. Mais cette hypothèse n'a jamais été prouvée, écrit à juste titre Ajzenberg (p.76), et d'autant plus douteuse, précise-t-il, que la psychiatre et le ministre étaient alors déjà séparés.
Préférée à la « fable Bonnafous », « l'hypothèse Heuyer » fait l'objet d'un développement intéressant (pp.81-99). A. Ajzenberg nous rappelle que le président Laval avait commandité auprès de son ministre de la santé Raymond Grasset la création d'un « Conseil technique de l'enfance déficiente et en danger moral », où siégeront Louis Le Guillant, médecin directeur de l'hôpital de La Charité, Jean Dublineau et Georges Heuyer, qui tous trois réclamèrent par ailleurs des mesures pour sauver les malades des hôpitaux psychiatriques. L'auteur postule que ces trois importantes personnalités purent, avant même la mise en place de ce Conseil (25 juillet 1943) faire des démarches auprès de l'autorité centrale : Heuyer lui-même "fréquenta Vichy dès 1941" (p.83). Laval, tenant à ce projet, aurait ainsi par intérêt, "nécessité politique" oblige, accordé ces suppléments alimentaires.
Nous avions nous-mêmes suggéré le rôle possible des psychiatres membres du Conseil Supérieur de l'Assistance de France, avec les docteurs Georges Demay, Paul Gouriou, Charles Perrens et Jean Lauzier notamment (voir sur ce site : Pages d'histoires : Sous l'Occupation : Hécatombe par carence - http://psychiatrie.histoire.free.fr/). Il pourrait être intéressant par ailleurs d'étudier celui de la Société de médecine légale, qui tint sans discontinuer ses séances sous l'Occupation, comme le fit la Société médico-psychologique… ».
Si vous estimez que ce billet mérite une plus grande visibilité sur Mediapart, pourquoi ne pas démultiplier l’information et le publier, un moment, sur votre propre blog ? Cela viendra en appui à l’Appel pour la création d’un Mémorial en hommage aux victimes handicapées exterminées par le régime Nazi ou condamnées à mourir par celui de Vichy. Appel signé par plus de 48 000 personnes et actuellement entre les mains du Président de la République. Appel qu’on peut encore signer :