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Billet de blog 28 janvier 2025

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Massacre de Thiaroye - Lettre ouverte à Emmanuel Macron

Après la commémoration du 80ème anniversaire, du côté français le compte n'y est pas. Aucune décision n'a été prise pour faire avancer le dossier : pas de saisine de la Cour de Cassation pour le procès en révision ; point de fouille des fosses communes ; des archives ne sont toujours pas consultables. L'état français s'obstine à refuser toute réparation aux descendants.

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Monsieur le Président

Dans une lettre adressée au président de la République sénégalaise, vous avez reconnu l’existence d’un massacre le 1er décembre 1944 au camp de Thiaroye après l’attribution de la mention « Mort pour la France » pour six seulement des ex-prisonniers de guerre rapatriés le 21 novembre 1944.

Les termes de votre courrier interrogent notamment « un enchaînement de faits ayant abouti à un massacre ». Nous pourrons déterminer plus précisément l’enchaînement des faits imputable aux officiers lorsque le ministère des armées livrera enfin le motif de la sanction infligée à un officier particulièrement compromis. Le caviardage a été commis à tort après l’amnistie du 16 août 1947. Aussi je vous demande à nouveau d’intercéder auprès du ministre des armées alors qu’en avril 2023, j’ai reçu un accord verbal de ses services afin d’effectuer cette opération de désoccultation avec un laboratoire habilité. Je souhaite savoir qui s’autorise à revenir sur des décisions favorables à la recherche et qui rédige des discours nous éloignant de la vérité.

Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, dans son discours du 1er décembre 2024, dira : « Et c'est au matin du 1er décembre 1944, ici même à Thiaroye qu'ils réclamèrent justice dans un immense cri de colère qui retentit encore 80 ans plus tard. Un cri de colère que la France réprima dans le sang en ouvrant le feu sur ceux-là même qui avaient risqué leur vie pour qu'elle puisse être libérée ».

Le 1er décembre 1944, les hommes de Thiaroye n’ont pas réclamé justice dans un immense cri de colère, ils ont été rassemblés sur ordre des officiers pour être exécutés sans le moindre jugement. Par contre, le cri des agonisants peut retentir encore sachant que des blessés ont été achevés à l’hôpital. Le président Bassirou Diomaye Faye a évoqué fort justement le massacre prémédité et a réclamé l’ensemble des archives car il manque les plus sensibles, celles qui nous rapprocheront de la vérité, à savoir la liste des rapatriés, la liste des victimes, tous les calculs des soldes, des primes de démobilisation, du pécule et la cartographie des fosses communes.

« elle [la France] n'accepte pas qu'une telle injustice puisse entacher son histoire ». Monsieur le Président, vous avez tout pouvoir, pour que l’histoire de Thiaroye ne puisse plus être entachée et que la justice puisse réhabiliter les hommes de Thiaroye. Le garde des Sceaux peut saisir la Cour de Cassation pour faire aboutir le procès en révision dès lors que la mention « Mort pour la France »  a été attribuée et avec la reconnaissance du massacre. Vous pouvez agir aussi pour faciliter la réparation d’une effroyable injustice y compris en apportant votre aide dans la fouille des fosses communes et l’exhumation des corps comme l’a réclamée le président de la République sénégalaise. La France, d’après la réglementation, y est contrainte depuis l’attribution de la mention « Mort pour la France ».

Biram Senghor, seul descendant d’un homme massacré à Thiaroye que j’ai pu retrouver, âgé aujourd’hui de 86 ans est en colère. L’État français a rejeté la proposition émise par la CEDH pour un règlement amiable concernant sa demande de restitution des sommes spoliées. Avec la reconnaissance du massacre et l’attribution de la mention « Mort pour la France », vous admettez aussi 80 années de mensonge d’État. Dès lors, la prescription ne peut être appliquée dans ce contexte.

Comptant sur votre intervention afin que ces phrases prononcées le 1er décembre 2024 : «Il n'y a pas d'apaisement sans la justice. Il n'y a pas de justice sans la vérité » ne soient pas que des vains mots, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma plus haute considération.

A. MABON

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