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Billet de blog 10 juin 2024

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Être fonctionnaire face à l'extrême droite : de quel côté est la démocratie ?

Le lendemain de ma sortie de l'ENA, en pleine campagne présidentielle de 2017, Donald Trump était élu président des États-Unis. Depuis, une question m'obsède : que se passerait-il pour nous, fonctionnaires, si l’extrême droite arrivait au pouvoir en France ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le lendemain de ma sortie de l'ENA, en pleine campagne présidentielle de 2017, Donald Trump était élu président des États-Unis. Depuis, une question m'obsède : que se passerait-il pour la fonction publique, pour moi en tant que fonctionnaire, si l’extrême-droite arrivait au pouvoir en France ?

Cette question se réactive à chaque nouvelle échéance électorale : évidemment à la présidentielle de 2017. A la présidentielle de 2022, avec un stress accru. Plus récemment encore, avec une boule dans le ventre, lors du vote de la loi asile-immigration et de la préférence nationale avec le soutien des voix des parlementaires d'extrême droite. Depuis hier, après la dissolution de l'Assemblée nationale, ce spectre apparaît plus réel que jamais.

Vous me direz peut-être que la question ne se pose pas. Qu'un fonctionnaire c'est fait pour obéir : il ne détient pas l'intérêt général, et cet intérêt général serait déterminé par les élus, dont la légitimité démocratique est issue des élections.
Et pourtant ce serait oublier que la démocratie ne se résume pas au suffrage universel. La démocratie suppose, pour être réelle, la garantie des droits fondamentaux, le respect des contre-pouvoirs, le pluralisme et l’indépendance des médias, etc. Ce serait oublier que les fonctionnaires sont, aux termes de la loi, “responsables de l’exécution des tâches qui leur sont confiées”. Des guichets aux préfets nous faisons des choix, nous exerçons notre métier d’une certaine manière, et ces choix ont une implication politique.

Plus encore, la déclaration des des droits de l’homme et du citoyen de 1789 nous le rappelle : “La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.” C’est cela aussi la responsabilité, la possibilité de demander des comptes : nous ne pouvons pas nous réfugier derrière “l’obéissance hiérarchique” (terme qui ne figure d’ailleurs nulle part dans dans la loi) pour nous exonérer des conséquences de notre travail.

Ce serait oublier que le projet du RN est fondamentalement contraire à celui des services publics. D’abord parce qu’il met en danger leur vocation universelle. Un service public qui ne s’adresserait qu’aux personnes de la “bonne nationalité” irait fondamentalement à l’encontre de sa vocation : tenir ensemble toute la société. Ensuite car le discours du RN caricature à l’envi “l’obésité administrative” au risque de fragiliser un peu plus l’administration par rapport aux lobbys. Enfin car il conduirait à assécher les sources de financement publiques : diminution des cotisations sociales, de la fiscalité, de l’impôt sur les successions, pour un montant estimé par l’institut Montaigne à 40 milliards d’euros annuels.

Alors que faire ? Eh bien pour être franc je n’ai pas la solution. Ou plutôt, tout dépendra de la nature des attaques et de celle de notre travail. Mais de mes années de questionnements je retiens trois leçons :

  1. Rappelons-nous en permanence l’horizon des services publics : l’universel, le respect des droits fondamentaux, l’égalité entre toutes et tous
  2. Assumons nos responsabilités : la protection des fonctionnaires sert à prendre des risques, pour l’intérêt général
  3. Construisons du collectif : les collectifs de travail sont indispensables pour garder le cap, avec exigence et lucidité.

Mais surtout : il n’est pas trop tard. Et nous, fonctionnaires, sommes également citoyens : nous avons quelques semaines pour nous mobiliser de toutes nos forces. Pour éviter que la lumière ne s'éteigne.
Et RDV le 30 juin et le 7 juillet.

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