Je sais que je vais encore me faire engueuler, mais le cru Mélenchon n'est pas encore à maturité. Il promet un beau millésime, mais il faut encore transformer l'essai. Vendange en vert d'un côté, maturation voire surmarturation de l'autre.
J'entends par là qu'il va falloir mobiliser très à gauche maintenant et ne pas trop chasser en terre FN. Donc clarifier 2-3 points critiques du programme actuel qui pour ma part me posent de sérieuses questions.
1/ Le souverainisme : je comprends bien le principe, mais en se focalisant uniquement sur le souverainisme on pose la question des frontières de fait ! Pour ne pas se la poser il faut confronter franchement le souverainisme national à l'émancipation des classes laborieuses. De mon point de vue, un protectionnisme économique n'est QUE un cadeau à destination du capital s'il n'y a pas réforme du capital. Et je ne crois pas à la théorie de la redistribution en cascade. Non, les patrons n'arrosent pas équitablement les subalternes. C'est un fait. Il faut donc un mécanisme de refonte du capital, par sa socialisation en particulier. Le fait est que la commission économie du PG y travaille depuis des années et a même publié un rapport interne très précis et complet sur les méthodes pour le mettre en oeuvre. Mais comme d'hab les travaux de la com'éco ne sortent pas de la com'éco (merci généreux...). On a plein d'outils à disposition, déjà en place. Je pense aux SCOP et aux SCIC en particulier ou à la capitalisation directe (épargnants qui misent sur des entreprises à des taux de profits raisonnables, forme de crowfunding structuré).
2/ La planification écologique : OK avec le principe, sans planification on gaspille, on stagne, on est inadaptés à répondre correctement aux besoins des usagers/consommateurs. Mais il faut aller plus loin : qui planifie et comment ?? Grande question, pas vraiment posée. C'est l'Etat qui décide tout et donc reste largement soumis aux lobbys industriels ? A coup de grosses subventions publiques histoire de faire exploser encore le gavage des entreprises qui en profitent (170Milliards€ pour 2017 ! du délire !!! On était à 65Md€ en 2007 !). ça rejoint le point 1 ! La planification n'est profitable qu'à deux conditions : elle doit répondre à des enjeux locaux, elle doit être équilibrée à l'échelle nationale. Donc il nous faut un appareil législatif central (des lois qui s'appliquent à tous) et un exécutif local et citoyen. Pas un mot là dessus sur le programme. Or c'est très critique.
3/ Service militaire : alors là c'est mon gros point de désaccord, revenir à un service obligatoire me fout les boules. On tombe dans du patriotisme de bas étages là. J'entends l'idée que l'armée doit être composée de citoyens. Mais nous avons quand même d'autres moyens de luttes hein. Et le problème actuellement ce n'est pas l'armée mais la police qui blesse, mutile et assassine impunément. Concernant la lutte contre le terrorisme, je ne vois vraiment pas ce que ça apporterait. On va réarmer chaque citoyen comme après la révolution ? Attention à la dérive sur ce sujet. Il faut des contours nets sinon ça craint.
Et globalement, le programme actuel est très flou. Il possède des belles idées mais ne décrit absolument pas les moyens politiques de les mettre en oeuvre. Or ces belles idées ne servent à rien si elles sont pas applicables dans les institutions actuelles. 2 points concrets pour illustrer mon propos :
- pas un mot sur les causes du problème agricole à savoir les liens dévasteurs entre l'industrie et l'agriculture au travers de la FNSEA qui dirige toutes les chambres d'agricultures qui sont toutes à la tête des crédits agricoles, seul organe en capacité de capitaliser l'agriculture actuellement. Tout le programme agricole ne vaut rien si on n'aborde pas cette question de front.
- L'impact carbone du transport : Pas un mot sur la concurrence déloyale entre le fret ferroviaire et le routier. Or c'est l'UNIQUE problème lié aux coûts du transport. 1 tonne.kilomètre en train doit rémunérer l'investissement et la maintenance des infrastructures en plus du coût d'achat du train, de sa maintenance, de sa conso énergétique et de la main d'oeuvre impliquée. 1 tonne.km par la route ne doit financer que le coût du camion et du conducteur et peanuts pour le réseau (péage qui ne coûtent que dalle ramené à l'impact d'un camion sur la dégradation du réseau). Et oui, l'Etat s'est désengagé du financement du fer, mais continue a bien alimenter le budget route....
Certes il y a le projet de constituante. Mais tout ne doit pas reposer là dessus. Car cette constituante devra passer par un vote majoritaire, qu'il soit parlementaire ou référendaire. Il faudra donc convaincre avec des exemples concrets.
Voilà, donc vive l'humanisme et le progrès social, vive la France insoumise si elle se met en capacité de les mettre en oeuvre concrètement.