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Billet de blog 2 octobre 2025

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Wajdi Mouawad, ‘‘comment finir une tragédie ?’’

Wajdi Mouawad, homme de théâtre, dramaturge franco-libanais, a été convié à New York pour l’Assemblée générale des Nations Unis, dans la suite de Macron, au cours de laquelle la France a reconnu la Palestine. Dans une tribune au Monde il interroge ‘‘comment finir une tragédie ?’’

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‘‘Le XXI e siècle écrase tout sur son passage. Comment finir une tragédie ?’’

C’est la question que l’auteur pose dans cette tribune. Faisant référence aux auteurs grecs, Wajdi Mouawad pense à ‘‘Hector, tué par Achille et dont le corps est traîné le jour durant dans la poussière autour des remparts de Troie. La colère d’Achille est telle que la mort d’Hector ne suffit pas pour étancher sa soif de vengeance. Achille veut aussi l’humiliation d’Hector, la profanation de son cadavre, interdisant de le rendre aux Troyens. Je pense à Priam, roi de Troie, père d’Hector, à genoux aux pieds d’Achille : « Achille semblable aux dieux, souviens-toi de ton père et remets-moi le corps de mon fils. »’’

Et il rappelle que ‘‘composée par Homère [dans l’Iliade] il y a plus de 2 800 ans, cette imploration d’un père pour récupérer le corps de son fils vibre toujours autant, du Soudan à l’Ukraine et de l’Ukraine à Gaza.’’ En précisant que Achille, pleurant son propre père, ‘‘a fini par rendre le corps d’Hector’’.

Il nous alerte là sur l’enjeu et la signification autour de la situation des otages. Et cela m’a évoqué la question posée actuellement par le diktat de Trump, s’agit-il d’un ‘‘cessez-le-feu et de la libération des otages ou de la libération des otages et d’un cessez-le-feu’’. Est-ce que face à la mortifère campagne du gouvernement d’Israël, la question première ce n’est pas le cessez-le-feu, sous contrôle international, pour engager ainsi la libération des derniers otages et l’ouverture d’un chemin vers la fin -?- du conflit?

Est-ce vraiment la fin-?, Wajdi Mouawad va plus loin, ‘‘Ainsi s’écrit une fin qui n’est en réalité qu’une fin artificielle, une prothèse de la véritable fin, laquelle ne cesse d’être annihilée par les assassins, par leurs complices, par les extrêmes de tout bord, par l’épuisement des mots « paix », « accord », « entente », « cessez-le-feu », tout cela égorgé, et la fatigue des promesses non tenues et des mensonges qui se répètent’’.

L’auteur franco-libanais, se demande ‘‘comment finir une tragédie sans l’écrire avec les mots de la justice ? Comment finir la tragédie lorsque la fin qui s’écrit devant nos yeux est sur le point de signer la disparition de deux peuples ? Une disparition physique et territoriale pour les Palestiniens et une disparition éthique pour Israël ?’’.

Son constat est douloureux et fait un rappel historique… ‘‘Qu’un peuple qui, durant trois mille ans, fut celui qui porta haut les valeurs de l’universalisme, de l’humanité, qui, trois mille ans durant, sut s’inscrire au cœur de chaque société, s’intégrant de l’Europe de l’Est à l’Afrique du Nord, malgré toute la haine véhiculée contre lui... que ce peuple-là, si unique et si singulier, s’effondre aujourd’hui vers la banalité en devenant un peuple qui, à l’image de tous les autres, succombe, entraîné tout entier par l’entêtement d’un premier ministre, à la tentation de la vengeance.’’

Pour Wajdi Mouawad, son ‘‘comment finir la tragédie’’ me paraît un des points fondamentaux de sa tribune et nous éclaire sur sa pensée à travers cet extrait, qui éclaire le moment présent de tout un peuple, Tragédie dans la tragédie, chaque juif, qu’il soit le plus fervent humaniste ou non, assiste impuissant à l’inscription dans son histoire d’un massacre perpétré contre un autre peuple, effaçant par là la singularité, l’unicité de son histoire.’’

C’est, me semble-t-il, une tribune importante et nécessaire, d’un auteur originaire du Liban. Il l'a quitté à l’âge de dix ans car sa famille a dû partir lors de la guerre civil en 1978, émigrant en France et ensuite au Québec, installée à Montréal. Il partage avec nous la nécessité du récit pour aider à la compréhension et ‘‘refaire le trajet pour trouver où se situe le point aveugle qui fait tout échouer, redire encore et toujours le mot « justice », offrir sa fragilité à la monstruosité de la violence, le répéter encore et toujours, « justice », pour que, parole à parole, de morts à vivants, puisse enfin s’apaiser le cri de douleur qui, devenant chant de mémoire, saura clôturer la tragédie du verbe « finir »’’.

* *

Nous sommes tous concernés par les violences du monde, comme citoyens, comme être humains face à la détresse, à la violence contre d'autres êtres humains. Les positions politiques d’un auteur peuvent nous questionner, nous interpeller et la liberté de chacun.une est de le critiquer, de l’accepter, de le refuser... Le texte de Wajdi Mouawad m’a aidé à mieux comprendre ce qu’il appelle ‘la tragédie dans la tragédie’ et j’ai voulu en faire part à travers quelques courts extraits, pour le partager et susciter sa lecture dans la page ‘‘Idées’’ du Monde de ce 1er octobre. [wajdi-mouawad-dramaturge-le-xxi-siecle-ecrase-tout-sur-son-passage-comment-finir-une-tragedie_6643434_3210.html]

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