La parole que le Juge des Enfants livre dans son cabinet est très importante pour les familles car c'est toujours une parole qui rappelle, au civil et au pénal, leurs obligations parentales mais aussi leurs possibilités et les aides éducatives possibles dans le cadre de la protection de l'enfance.
*
C'est autour de l'interrogation sur la parole politique versus la parole professionnelle que l'AFMJF ( Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille) organise son assemblée générale avec une journée de débat, le samedi 14 mars au Palais de Justice de Paris * http://www.afmjf.fr/ (inscriptions possibles sur le site). « Justice des mineurs : Parole politique et parole professionnelle, un débat impossible ? »
La parole politique envahie l'espace publique par ses techniques de communication ce qui ne facilite pas voir interdit le débat de fond sur les questions de la justice des mineurs.Pour l'illustrer, dans l'argumentaire de la journée, l'AFMJF revient sur l'émission « à vous de juger » du 16 octobre 2008 sur France 2.
[…] « A plusieurs reprises la Ministre de la Justice, dont la prestation avait été manifestement préparée dans le détail, a martelé qu’en matière de délinquance l’avis des professionnels ne devait pas être tenu pour parole d’évangile et qu’elle avait à coeur d’aller elle-même sur le terrain pour se forger sa propre opinion. Dans la même émission, sa rapidité à mettre en question le comportement des magistrats après le suicide d’un mineur incarcéré suite à des fugues réitérées d’un Centre Educatif Fermé (CEF) a crûment mis en lumière le refus d’envisager les conséquences d’une application stricte de sa propre politique criminelle. »
« Parlant de la population des jeunes détenus, elle n’a pas craint d’ inventer la présence dans une structure marseillaise d’un mineur poursuivi dans une cinquantaine de dossiers, ni d’affirmer dans un évident dessein de dramatisation que pour être incarcéré il fallait être au moins braqueur ou violeur. Il suffit pourtant de jeter un coup d’oeil sur les statistiques pour constater que les coups et blessures entre adolescents, et les vols aggravés par le fait d’avoir agi à plusieurs et de nuit, sont statistiquement beaucoup plus nombreux ».
« Ces erreurs ou à peu près volontaires, jamais assumées comme tels, ne sont pas une nouveauté ; le signal en a été donné par l’actuel Président de la République alors ministre de l’intérieur après les évènements survenus dans les banlieues à l’automne 2005 : faisant mine d’ignorer l’indépendance de chacun des juges dans son pouvoir souverain de décision sauf exercice des voies de recours, celui-ci s’en est pris au président du tribunal pour enfants de Bobigny tenu pour responsable d’un laxisme collectif ; la réalité objective en a été aussitôt déniée par les intéressés puis infirmée par les résultats d’une recherche menée ultérieurement dans le cadre du CNRS . » […]
**
L'association dénonce la « priorité donné à l'économique » qui fragilise les structures des services dans son ensemble et notamment au détriment de ceux de la Protection Judiciaire de la Jeunesse « qui avaient précisément été crées en vue de remédier aux fragilités familiales et personnelles qui préparent la délinquance. »
[…] « Le modèle économique est-il si bien régulé qu’on puisse le transposer dans le domaine de la justice des mineurs et des droits de l’enfant où le qualitatif et le sur mesure constituent des impératifs sine qua non ? Mérite-t-il qu’on abandonne chaque jour un peu plus des idéaux éprouvés et même l’identité professionnelle des magistrats ou des éducateurs ? […] Faut-il se résigner ? Jusqu’à présent, émettre un doute sur la primauté de la gestion c’était refuser le progrès ; or la crise financière et économique qui accable notre pays, en dévoilant la fragilité du système, nous apporte en même temps une occasion de revenir à la charge. » […]
***
Les Magistrats de la Jeunesse et de la Famille, reviennent sur la parole des professionnels, à propos de la Commission Varinard (sur la protection de l'enfance) http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/blog/arthur-porto/011208/la-prison-a-12-ans
[…] «Il n’a échappé à personne que sa composition avait été politiquement conçue pour exclure de son fonctionnement toute parole collective des professionnels, même si ces derniers pouvaient être ponctuellement appelés à exprimer leurs desiderata. Les conséquences sont évidemment apparues dans le rapport lui-même. L’Association Française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille a ainsi pu constater que ses propositions les plus novatrices concernant le renvoi à la collectivité locale de situations sans gravité et le regroupement des faits délictueux par périodes pour éviter la fragmentation des poursuites avaient été reprises mais détournées de leurs objectifs, ce qui ne se serait sans doute pas produit si elle avait été associée aux travaux.
Le rapport témoigne en outre d’une cécité complète concernant le travail éducatif. » […]
****
Les Magistrats, questionnent : […] « Il est donc légitime de se demander si les exigences de la compétition économique peuvent être impunément transposées en matière de justice, et si les règles de la gestion doivent continuer à inspirer de manière prioritaire et uniforme l’administration des juridictions.
« Ne faut-il pas au contraire redonner priorité à d’autres considérations, pourvu toutefois qu’elles répondent à l’intérêt supérieur des usagers ? Notre assemblée générale ne pourra se contenter de dénoncer l’envahissement de la justice des mineurs, par des façons de penser qui lui sont étrangères, et qui ressemblent fort à des préjugés parés des prestiges de la modernité. » […]
C'est pour cela que lors de cette journée du samedi 14 mars 2009, des sociologues, des juristes, une anthropologue viendront aider à approfondir et à affiner sa réflexion. Dans l’après-midi, une table-ronde, donnera la parole à d’autres professionnels du champ social.
*
L'AFMJF édite une publication "Melampous" consacrée notamment aux actes du colloque organisé lors de l'AG.