Le Musée de l'Histoire de l'Immigration s'ouvre (encore plus) à l'histoire et à l'immigration avec la désignation à sa tête d'un historien et d'un spécialiste de l'immigration. La nomination de Benjamin Stora augure, à ne pas en douter, d'une nouvelle phase au Palais de la Porte Dorée. Il remplace ainsi Jacques Toubon, récemment désigné par le Président de la République comme le Défenseur des droits. On sait la controverse et l'incongru dans la décision du Président même si on peut se féliciter que ce poste vacant ait permis l'arrivée à la tête du Musée de l'Histoire de l'Immigration d'un professionnel compétent et reconnu.
C'est en 1992 que des militants associatifs et des historiens se réunissent dans le projet d'une « association pour un musée de l'immigration ». En 2001, Lionel Jospin confie une mission pour étudier comment un lieu consacré à l'immigration pouvait voir le jour. Après les résultats de 2002, où Le Pen est arrivé au deuxième tour de l'élection présidentielle la question est même devenue d'une actualité urgente. Lors d'une réunion du comité interministériel à l'intégration en avril 2003, le projet est relancé une mission confiée à Jacques Toubon qui est ensuite investi par Jean-Pierre Raffarin le 8 juillet 2004. La Cité de l'Histoire de l'Immigration, (devenue ensuite Musée de l'Histoire de l'Immigration) ouvrira officiellement en octobre 2007. C'est la période du ministère de l'identité nationale avec Brice Hortefeux (mai 2007 à janvier 2009) et ensuite Eric Besson (jusqu'au 13 novembre 2010, date de sa suppression).

Images d'Alger 2002, Karim Kal © Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration
Ce musée n'a jamais été inauguré officiellement. On comprend bien les raisons qui ont fait qu'aucun des ministres de la Sarkozie, ainsi que le Président ou le premier-ministre, consacrent le moindre intérêt pour ce qui représente cette initiative. Un semblant d'inauguration officielle a eu lieu lors de l'ouverture de la médiathèque Abdelmalek Sayad, sociologue franco-algérien en mars 2009. Un important dispositif policier était déployé autour de la Porte Dorée et à l'intérieur aussi, car quand un militant associatif a voulu prendre la parole pour parler des sans-papiers, il a été vite maîtrisé par des policiers à civil, devant le sourire ironique de Besson et le retrait opportun et rapide de Darcos.
Il faut cependant saluer son existence, représentant un lieu de mémoire des différents mouvements migratoires qui ont bâtit ce pays. Sa fréquentation n'est pas très important et je pense qu'il est, à l'heure actuelle, comme un « acte subversif » de faire connaître ce Musée... Il faut souligner la riche documentation qui constitue le fond permanent, et la galerie des dons (qui regroupe des objets et documents déposés par les immigrés eux-mêmes ou leurs familles, exemple de la « truelle » du père de Cavanna). Par ailleurs des créatives expositions temporaires ont eu lieu, dont les deux dernières Vies d'Exil sur la vie quotidienne des Algériens en France pendant la guerre d'Algérie, ou la bande dessinée et immigration de 1913-2013, qui a permis de souligner l'importance de la bande dessinée dans le phénomène migratoire et la contribution d'immigrés à cet art, dont Astérix est un des exemples.

L'immigré exhibitionniste, Plantu, 1979 © Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration
Je me suis souvent exprimé dans ces pages de Mediapart, témoignant de tout l'intérêt que je trouve dans ce musée comme lieu de mémoire et de reconnaissance des «soutiers» de ce pays. J'ai eu la chance d'assister à la visite guidée de l'exposition Vies d'Exil (*) par son commissaire Benjamin Stora, en janvier 2013. C'est une chance aussi aujourd'hui que le Musée de l'Histoire de l'Immigration puisse compter avec son engagement pour faire évoluer et faire connaître cet espace de métissage, de tolérance et d'humanisme. Il y aura sans doute beaucoup à faire pour motiver des jeunes dits de la banlieue dont les parents ou les grands-parents sont représentés dans ce Musée. Mais il y aura aussi à motiver les jeunes en général de ce pays, qui ignorent parfois un lien ancien avec un parent venu d'ailleurs, mais souvent, sont aussi "ignorants" de la contribution que ces populations ont apporté à la France sur tous les plans.
Mediapart peut également y apporter sa pierre en diffusant, analysant et commentant ses manifestations car il y a beaucoup à faire. Bonne route M. Stora!
(*) http://blogs.mediapart.fr/blog/arthur-porto/090113/vies-dexil