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Billet de blog 3 novembre 2025

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Israël et le ‘‘Manuel abrégé d’occupation militaire’’

Au Forum des Images, présentation le 29 octobre du film d’ Avi Mograbi ‘‘Les 54 Premières Années - Manuel abrégé d'occupation militaire’’. Documentaire réalisé en 2021 sur l’action militaire d’Israël en Palestine à travers le recueil d'une quarantaine de témoignages de soldats engagés depuis la guerre des 6 jours en juin 1967.

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Et la date est symbolique car, il y a 30 ans, le 4 nov 1995, Yitzhak Rabin (premier-ministre d’Israël) était assassiné par un juif religieux, étudiant en droit opposé aux accords d'Oslo. Sur l'ancienne place des rois d'Israël, à Tel-Aviv, où il y a été assassiné, des dizaines de milliers d'Israéliens se sont rassemblés ce samedi dernier.

Au Forum des Images, fin octobre, c’est dans une soirée de la SACEM (*) que le film du réalisateur Israélien, Avi Mograbi était présenté, ‘‘Les 54 Premières Années - Manuel abrégé d’occupation militaire’’. Il s’agissait de remettre au réalisateur le prix Charles Brabant pour l’ensemble de son œuvre.

Une œuvre riche, des documentaires de résistance, souvent sélectionnés et récompensés dans des festivals de cinéma, comme c’est le cas du film présenté ce 29 octobre au Forum des Images, qui a reçu une ‘‘mention spéciale’’ au Festival International du Film de Berlin 2021.

En France il a été très rarement vu. Sur Arte, dans un programme documentaire, le 16 octobre 2023, .arte.tv/detail/les-54-premieres-annees?. Une production de 2021 par la Finlande, Allemagne, France et Israël.

Ce long métrage, d’environ 1h50, méritait d’être largement diffusé car il nous aide à mieux saisir ce qui se déroule aujourd'hui en Palestine même si son propos est bien antérieur à la date du 7 octobre 2023. Date qui nourrit en permanence le débat en France sur la riposte du gouvernement d’Israël comme s’il s’agissait de la seule référence pour Netanyahou et en tout cas celle sur laquelle il base son engagement génocidaire. Rappelons, entre autres, qu’en France la présidente de l’Assemblée Nationale, Mme Braun-Pivet a déclaré sur le même ton son ‘soutien inconditionnel à Israël’.

Avi Mograbi part des témoignages de soldats, recueillis par l’organisation ‘‘Breaking the Silence’’, («Briser le silence»), ayant participé aux actions militaires depuis la guerre des 6 jours de juin 1967, d’où le titre Les 54 Premières Années. À l’origine, les témoignages sont le résultat d'entretiens longs, individuels, où ces militaires reviennent sur leurs souvenirs voire leurs traumatismes. Le fait d’avoir voulu « briser le silence» révèle déjà leur volonté de ne pas taire le comportement de l’armée d’Israël.

"Les premiers 54 ans"

Avec une quarantaine de témoignages de militaires, le choix d’Avi Mograbi a été de sélectionner les récits de leurs actions dans des séquences où ils intervenaient en armes contre la population Palestinienne. Les soldats racontent comment cette violence se manifestait, s’enclenchait, donnant à voir le mécanisme de la vengeance.

C’est entrecoupé par un "expert militaire" qui nous présente son ‘‘Manuel abrégé d’occupation militaire’’, et nous explique comment un État doit faire et doit se conduire pour s’imposer et dominer un territoire. Comment dérouler un plan stratégique et tactique pour s’approprier ainsi, grâce à la présence et action militaire, à travers les récits des militaires donnant à comprendre et à voir ‘‘comment ça marche’’ et comment on réussi à assujettir les populations. En plan fixe, c'est une conférence, interprétée par Avi Mograbi, une présence avec une voix "reposante et instruite"...!

A la fin nous aurons appris, grâce à ce ‘‘Manuel abrégé d’occupation militaire’’, fictif et présenté par un faux expert, mais qui théorise parfaitement les actes décrits par les soldats, aussi bien des gradés que des conscrits, ayant été réellement des acteurs sur le terrain dans l'histoire de l’occupation des territoires palestiniens de Cisjordanie et de Gaza depuis la guerre des Six-Jours, en 1967. ‘‘Ce film montre que l’existence d’Israël passe par une domination démographique, et de ce fait par la multiplication des colonies…’’

Quelques images des actualités ponctuent les récits,  en dévoilant les violences et exactions décrites. Il me semble que le ressenti des spectateurs en 2021 et 2022, dont le critique du Monde évoquait (25 mai 2022) ‘‘l’ennui, un peu, qui naît de la répétition des témoignages’’ est aujourd'hui bien différent, du fait de notre vécu et d'une prise de conscience plus construite sur le génocide en cours et de plus en plus reconnu internationalement.

Dans un entretien à l’Humanité, questionné sur le 7 octobre 2023 comme le point culminant de ce conflit, Avi Mograbi répond clairement ‘‘le 7 octobre 2023 n’est pas le point de départ de ce qui se passe actuellement à Gaza. Ce n’est même pas la guerre des Six Jours en juin 1967, où Israël occupe la Cisjordanie et la bande de Gaza. Pour comprendre ce qui se passe actuellement, il faut remonter au 15 mai 1948, le jour de la fondation de l’État d’Israël. C’est là le véritable point de départ d’un génocide qui dure depuis soixante-dix-sept ans’’.

Dans le lien .arte.tv/detail/les-54-premieres-annees? , on peut acheter l'intégrale. 

(*) SCAM, Société Civile des Auteurs Multimédias, dont Charles Brabant (1920/2006) a été le fondateur et son premier président.

*  *  Avi Mograbi est né à Tel-Aviv en 1956 au sein d’une famille d’émigrants juifs européens et arabes. Après avoir suivi des études d'art et de philosophie à l'Université de Tel Aviv, il réalise son premier film en 1989 un court métrage et depuis 13 autres. Il sait très tôt engagé contre les politiques d’occupation d’Israël.

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