Quelques jours avant leur Assemblée Générale, Élise Van Beneden et Eric Alt, présidente et vice-président d’Anticor, ont publié un ‘‘tract’’ chez Gallimard, intitulé ‘‘Résister à la corruption’’. D’autant plus opportun qu’à la veille du premier tour de l’élection présidentielle, ‘‘que ce soit dans sa longue conférence de presse du 17 mars ou dans son programme, le président-candidat Emmanuel Macron ignore superbement le thème de la probité de la classe politique et des décideurs publics’’, écrivait Michel Deléan la probité des élus et l’indépendance de la justice portées disparues dans Mediapart le 30 mars.

Ce quinquennat peut en effet se caractériser par une attitude désinvolte et hautaine sur tout ce qui peut questionner ou mettre en cause les abus voire la corruption dans l’exercice du pouvoir.
Dès le banal, mais significatif, repas au homard du précédent président de l’Assemblée Nationale (de Rugy) ou l’affaire (toujours en instruction) de l’actuel président (Ferrand) sur ses affaires de famille avec la Mutuelle de Bretagne, la corruption a bien ‘‘pollué l’air qu'on respire’’. Pour ces personnages la toute puissance dont ils se servent dans l’arrogance du pouvoir sont, me semble-t-il des actes de corruption du bien commun, dans la toute puissance dont ils s’arrogent. Il n’est pas anodin que les deux présidents de l’Assemblée de ce quinquennat flirtent avec ‘‘l’éthique en politique’’, comme le sceau de leur majorité !
Et cette contribution des responsables d’Anticor est précieuse car, en une cinquante de pages, ils nous décrivent les prouesses d’un pouvoir à travers les exemples où Anticor a été le fer de lance pour que les citoyens soient informés et la justice saisie. Les sondages de l’Élysée sous Sarkozy, l’affaire Bygmalion, ces séquences qui relient l’ancien et l’actuel président, ou l’affaire Kholer et le jeu de la lettre de Macron pour couvrir ses conflits d’intérêt.
Les ‘‘maux’’ de la démocratie analysant le financement politique corrompu par l’argent privé. Le mélange des genres et l’entre-soi, le pantouflage dont Anticor révèle chaque année le cas le plus saillant.
‘‘Jamais sous la Vème République les élites qui dirigent notre pays n’ont été aussi riches et obnubilées par l’argent. Jamais autant de hauts fonctionnaires n’ont pantouflé à prix d’or dans le privé. Jamais autant de ministres n’ont été multimillionnaires’’ (*)
‘‘Quand le secret devient la règle et la transparence l’exception’’, disons même que son investigation ou dénonciation peuvent être poursuivis comme un délit grâce à la loi sur le secret des affaires que ce gouvernement a voté. Les difficultés pour obtenir des documents administratifs comme le cas des sondages de l’Élysée ou les contrats sur la concession aux autoroutes, à travers les réticences voire l’obstruction de la CADA pour l’accès à cette information.
Et les auteurs nous rappellent ‘‘la fraude à la commande publique et l’usage peu contrôlé des aides publiques’’, ce qui nous permet de revisiter quelques faits teintés de prise illégal d’intérêts ou d’arrangements de haut vol dont les conditions de sélection de l’application « StopCovid ». Livrée gratuitement par une filiale de Dassault Systèmes... ouvrant droit à son hébergement mensuel entre 200 000 et 300 000€, facturé par ce donateur désintéressé !
Le chapitre percutant sur la Justice entravée, décrit bien comment on peut ‘‘par une volonté politique limiter les moyens de la justice’’, en la rendant lente et discréditée. L’actuel ministre, une attraction médiatique devenu ministre par la volonté -et besoin- de l’actuel président, dans la tentative aussi de couvrir les ‘‘frasques’’ d’un de ses prédécesseurs, s’efforce de la mettre au pas, accusant, insultant, biffant même le nom des juges qui ne seraient pas dociles (sous la botte) à son goût ou celui de ceux de ses comparses. Sans oublier l’utilisation par son ministère des cabinets de conseil, (comme celui de la Santé, ou l’Élysée...) Pour les États généraux de la justice près d’un million d’euros ont ainsi été dépensés dans des prestations, selon la Chancellerie, ‘‘telles que la collecte, le traitement et l’analyse des contributions à la suite de la mise en place de la plateforme “Parlons justice.fr”, la tenue [des] débats, la réunion des groupes de travail et ateliers, etc’’. Quelle expertise...!
Ce document de lanceurs d’alerte (dont ils décrivent aussi l’engagement et l’insuffisante protection) pour la prise de conscience des électeurs se conclu par une citation de Victor Hugo qui écrivait ‘‘rien n’est plus imminent que l’impossible’’. En ouvrant ainsi à l’espoir que ‘‘notre combat est difficile et incertain, mais il n’est pas perdu d’avance. Petit à petit, les citoyens reprennent le pouvoir... à travers les associations anticorruption, ils organisent leur résistance’’.
Et si notre vote du 10 avril peut être une expression de cette résistance... gageons que notre soutien à Anticor [https://www.anticor.org/#]en est une aussi et peut-être plus opérante dans l'immédiat...
(*) Vincent Jauvert, Les Voraces, les élites et l’argent sous Macron, Robert Laffont, 2000
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"Ma France 2022" : Lors d'une consultation, citée le 21 mars sur France Culture, Comment lutter contre la corruption? dans les douze priorités de l’Agenda citoyen, un quart des propositions concerne l'exemplarité des responsables politiques et le fonctionnement de la démocratie. Il arrive loin devant le pouvoir d’achat, l’écologie, la santé ou l'éducation, et très loin devant la sécurité et l'immigration.
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/corruption-en-politique-comment-lutter