C'est l’histoire de grand-mère, Céleste, émigrée portugaise en France, qui discute avec son petit-fils venu manger un morceau chez elle. Il se dit que finalement sa génération ‘‘n’a pas de combat...’’, lui qui anime une émission de radio, tout seul au milieu de la nuit, sur une fréquence que personne n’écoute. C’est pas ça qui va changer la course des étoiles’’. Sa grand-mère essaie de le réconforter, de positiver ce qu’il fait et, ça lui échappe, évoque le chemin qu’elle a du faire, ‘‘pour fuir la dictature’’.
Quoi Mémé, dictature ? Il n’était pas au courant. Et quand elle lui parle des trois F, il se demande ce qui vient faire l’équipe de France dans l’histoire. ‘‘Fado, Football, Fatima... les seules choses qu’on avait le droit sous Salazar’’.
Lionel Cecilio d’entrée de jeu situe bien le cadre en nous donnant à voir ce petit-fils et sa mémé, ouvrant la scène à plus d’une douzaine de personnages qui racontent et jouent les souvenirs de Céleste.
Et nous apprenons la vie au Portugal, le parti unique, la censure, les femmes soumises, la jeunesse portugaise militarisée, la guerre dans les colonies en Afrique, l’émigration destination bidonville de Champigny en France. Mais aussi les violences des interrogatoires de la Pide ‘police politique portugaise’, la torture, la résistance clandestine, la désertion à la guerre coloniale, la rencontre amoureuse dans la lutte avec le grand-père, l’espoir du combat et comment la chanson réunit et sert même de signal de départ de la ‘‘révolution’’ avec Grândola et les œillets.
Parfois, par-ci, par-là au détour d’une phrase, pour compléter une idée, faire préciser une autre, la langue portugaise se mêle au français, mélodieusement, bien entendue et comprise par tous!
Dans une scénographie épurée avec, pour tout décor, une chaise qui accompagne les gestes, les postures, les mouvements, l’attitude du personnage en jeu... Lionel Cecilio par son interprétation, son énergie, dans ce seul en scène qui nous engage avec émotion jonglant avec habilité et maîtrise tous ces personnages autour de l’exil, de l’amour, de la résistance. Outre Céleste qui figure le peuple moteur de l’histoire, Zé qui représente l’armée et Chico dans la résistance. Et à la fin... oui on la connaît, c’est la ‘‘Révolution des Œillets’’ du 25 avril ! Même si aujourd’hui l’extrême-droite rode, là-bas comme ici.
Au moment où les turbulences du monde politique et social mettent en danger la démocratie et la liberté d’expression, cette fleur au fusil est comme un souffle d’esprit de liberté. Et ce 3 mai, date que j’affectionne consacrée à la journée mondiale de la liberté de la presse, le 25 avril et ses œillets en 1974, ont aussi mis fin au Portugal à la censure de l’État fasciste sur tous les moyens de communication et de culture. Cette fleur au fusil aiderait sans doute beaucoup de lycéens et de jeunes à découvrir une page d’histoire récente et commune. Merci à ce festival de l’avoir mis dans la programmation !
* Mise en Scène de Jean-Philippe Daguerre, dans une création au Théâtre des Brumes en juillet 2024 : theatredesbrunes.fr/
‘‘Seul.e en Scène’’, le premier d'un Festival à soutenir
Il y a douze autres ‘‘Seul.e en Scène’’ pour ce premier festival au Théâtre des Gémeaux Parisiens, pendant tout le mois de mai. Du théâtre contemporain, du classique, cette belle idée est parrainée par l’acteur William Mesguich.
Comme l’écrivait Isabelle Fauvel, dans La Revue du Spectacle,
« Le "seul en scène" s'apparente souvent à un exercice de haute voltige dans lequel le comédien se lance sans filet, tel un acrobate. Audacieuse, la performance n'en est que plus admirable. Le 4e mur se voit, de facto, aboli et la complicité avec le public, démultipliée. Ces seuls en scène nous offrent alors des interprétations magistrales que nous ne sommes pas prêts d'oublier. Nathalie Lucas et Serge Paumier, les directeurs du tout nouveau théâtre des Gémeaux Parisiens, ont eu la belle idée de créer un festival du Seul(e) en Scène (SenS) dont la première édition, parrainée par le comédien et metteur en scène William Mesguich, se déroulera du 1er au 31 mai ». [in larevueduspectacle.fr/]
Allons-y au au Théâtre des Gémeaux Parisiens, proche du Père Lachaise et de la place Gambetta, une manière de soutenir le spectacle vivant !